Eh bien nous y sommes. Après une centaine d’heure de jeu, je puis enfin goûter la fin de ce qui demeure l’opus le plus ambitieux de Miyazaki, From Software et même, pourquoi pas, de Namco Bandai. On parle de l’aboutissement d’une démarche entreprise 13 ans auparavant par Demon’s Souls, alors un jeu de niche passé inaperçu, seulement porté par une microscopique communauté de fan. Et aujourd’hui, voici qu’en plus de se payer George R.R. Martin, auteur d’une des épopées fantasy majeure de notre temps, à l’écriture, ce nouveau From Soft mené par Miyazaki nous balance un open world, une qualité de production jamais vu dans la saga, et un jeu tellement attendu par tout le monde que le dernier Pokémon et le nouveau Horizon auront quasiment été oubliés devant cette avalanche de 10/10 balancés par une presse extatique.
Bon bah du coup ça à l’air plutôt bien cet Elden Ring ? Eh bien… Oui, oui, c’est assez cool, y’a pas de soucis… Enfin….
Alors commençons par l’évidence : LE JEU EST BEAU. Les soulsborne ont toujours brillés par une direction artistique incroyable, mais là on passe plusieurs paliers. Elden Ring propose de nombreux tableaux et paysages magnifiques, desquels se dégage un souffle mythologique et une puissance évocatrice rarement atteints dans un jeu vidéo. Les Souls précédents avaient toujours leur zone « waow » (Anor Londo pour Dark Souls, le sanctuaire draconique pour le 2, Irithyll pour le 3, etc), mais là c’est tout l’opus qui nous en met pleins la gueule. Même dans sa toute fin, alors éreinté par des dizaines et des dizaines d’heures de jeu, il m’est arrivé de m’arrêter pour me dire « eh beh, on est tout de même bien peu de choses ». D’autant que Elden Ring joue la variété en termes de décors et propose tout un tas de visions fantasmatiques variées autant que cohérentes. Et le pire dans tout ça, c’est que les gars sont tellement sûr de leur fait, que certaines des zones les plus belles seront bien cachées dans la map, et quiconque n’a pas une soluce sous la main ou qui n’explorera pas chaque mètres carrés de la carte pourra carrément passer à côté. Elden Ring, dans sa mythologie, dans ses décors, dans son scénario, est sans conteste le Souls le plus impressionnant.
Et oui je parle du jeu comme d’un Dark Souls à part entière, et la raison à ça c’est tout simplement qu’en terme de gameplay, on est très très proche de ce que la saga de Miyazaki nous à toujours offert. Elden Ring est aussi différent de Dark Souls 3 que Dark Souls 1 l’était de Demon’s Souls. Et clairement je ne vais pas m’en plaindre, étant un amoureux de ce gameplay depuis 8 ans maintenant. Je serais même tenté de vous dire que je ne m’en lasserais jamais mais… ce nouvel opus tend tout de même à démontrer le contraire.
Bon résumons, on a la suite spirituelle des Dark Souls et celle-ci se trouve être garnie d’une direction artistique incroyable. Je devrais être content non ? Le 10/10 est mérité ?
Vous m’auriez posé la question durant les 10 premières heures de jeu, je vous aurais dit « oui ». Je vous aurait dit que Elden Ring est le jeu ultime et je vous aurais dit « je sais pas comment ils vont pouvoir faire mieux que ça pour la suite, ni même aussi bien ». Mais ça, ce serait oublier que cette nouvelle offrande de notre bon vieux pote Hidetaka est un open world grondement de tonnerre.
Ainsi, tout inquiet que je sois à l’annonce de cette nouveauté de level-design, qui change tout de même pas mal la donne, j’avais envie d’y croire. Après tout on sait l’amour que Hidetaka Miyazaki porte aux jeux de Fumito Ueda, et je me prenais à rêver d’un monde à la Shadow of Colossus : des terres parcourues à cheval et vides de tout, si ce n’est d’immenses et antiques ruines, ainsi que le sentiment de contemplation et ce souffle épique unique qui en découlent. J’espérais vraiment que Elden Ring se dirige vers cette vision de la chose, et le jeu y touche parfois, au détour d’un tableau. Mais pour le reste, le dernier Miyazaki tombe dans tous les pièges qui me rendent les open worlds si désagréables. Car dans Elden Ring tout se répète, tout se réutilise.
Des catacombes, des tombes, des grottes, et des boss que l’on affrontera encore et encore et encore et encore. Ce n’est pas nouveau la réutilisation de boss dans un soulsborne, on se souvient des trois versions du démon du refuge dans DS1, et Sekiro abusait un chouïa de ce principe. Mais Elden Ring pousse la barre beaucoup plus loin et surtout beaucoup trop loin. Certains affrontements se voient ainsi répétés jusqu’à l’usure totale de votre patience. Je vous assure que les dragons, les sentinelles de l’Arbre-Monde, les esprits de d’Arbre, les veilleurs, les avatars, tout ça, tout ça, à la longue j’en pouvais plus. Et pour peu que le combat se paie le luxe d’être corsé ou long ou à cheval, le voici devenu une véritable punition.
Elden Ring est long, terriblement long, et aurait tellement gagné à être amputé d’une bonne cinquantaine d’heures, surtout lorsque celles-ci consistent en des activités déjà effectuées mainte fois.
Je vous parlais de la force évocatrice du jeu ? Celle-ci souffre énormément de cette réutilisation de lieux et de boss. Une rencontre magique avec un sanctuaire ambulant ou ce boss magnifique qu’est l’Esprit Ancestrale ne le sera plus la seconde fois. Les coutures de game-design se remarquent et tuent l’imaginaire qui tente de s’épanouir.
L’open world n’apporte donc rien à Elden Ring, ne fait que le rendre plus lourd, plus laborieux, convoquant chez moi une fatigue que je n’avais ressentis qu’en enchaînant les DLC de DS2 après le jeu principale (oui alors J’ADORE Dark Souls 2, mais ses DLC c’est un enfer). Un Souls n’a pas à être aussi long, d’autant plus que viennent s’exacerber tous les petits défauts propre à la saga.
Parce que oui : depuis Demon’s Souls que la caméra a tendance à te laisser tomber quand tu t’approches trop d’un mur ou que le boss est trop grand, depuis Demon’s Souls que le lock panique quand trop d’ennemis se manifestent à l’écran, et Elden Ring ne parvient toujours pas à régler ça, ni prendre la peine d’éviter les situations ou cela va se ressentir. C’est des trucs que j’ai toujours toléré et que j’ai appris à accepter. Mais au bout de 80 heures de jeu, quand le jeu en question fait suite à 6 autres similaires ainsi que leurs DLC, forcément on est plus aussi tolérant.
Idem pour ces petits passages propres aux Souls où, en voulant tracer son chemin un peu trop vite, on se retrouve pris dans un coin par trois mobs qui nous enchaînent jusqu’à la mort sans qu’on ne puisse rien y faire. Sur un jeu de trente heures, on va éventuellement s’agacer tout en blâmant sa précipitation. Après 80 heures de jeu, avec l’envie très tenace d’en finir le plus vite possible, eh bien encore une fois la tolérance n’y est plus.
Et puis enfin il y a les boss… Dark Souls 3 et plus encore le DLC de Bloodborne avaient atteint des sommets en la matière. Sekiro aussi à sa manière. Mais Elden Ring ne marque pas vraiment là-dessus. Certes la mise-en-scène assure, les designs sont incroyables, mais ils sont peu nombreux les boss à m’avoir fait ressentir cette sensation d’accomplissement propre à la saga. Entre ceux que l’on affronte trop de fois, ceux qui en jettent physiquement mais demeurent plus agaçant que difficiles à constamment disparaître à l’autre bout de l’écran, et ceux qui sont juste classiques (mais aussi ce putain de boss BEAUCOUP TROP DUR SÉRIEUX, JE TROUVAIS QUE SEKIRO ÉTAIT LIMITE NIVEAU DIFFICULTÉ MAIS ALORS LÀ LA LIMITE ELLE EST ÉCLATÉE, et je vous laisse deviner duquel je parle)… Elden Ring demeure assez décevant là-dessus. Sans doute que, encore une fois, un jeu moins long aurait pu rendre ces affrontements plus marquants et plus sympathiques mais… eh bien toujours la même chose : la patience que j’avais pu avoir à try-hard un orphelin de Kos ou bien le dernier boss de Sekiro (on parle de 6h passé sur ce dernier, sans jamais rager ou perdre patience), ici je ne l’ai plus. Pas après une centaine d’heures de jeu. L’appréhension que je pouvais avoir à l’annonce d’une ennemi bien costaud, l’excitation durant le combat, à se voir devenir meilleur, être proche de le vaincre, voir que « c’est faisable », auront ici fait place à simplement la lassitude et l’envie d’en finir au plus vite. Oh et puis il y aussi les boss à deux phases. Je déteste les boss à deux phases, de tout mon cœur, et c’est l’une des raisons faisant que, jusqu’à Elden Ring, Dark Souls 3 demeurait l’opus que j’aimais le moins (tout en l’appréciant beaucoup hein, et sans compter, une fois encore, les dlc du 2).
Bon, bah du coup ça à l’air plutôt chiant cet Elden Ring ? Eh bien… Oui, oui, c’est un peu chiant, c’est vrai. Enfin…. On pourrait presque croire que je n’ai guère goûté à cet héritier de Dark Souls, et si la dernière trentaine d’heures m’aura effectivement procuré un plaisir tout relatif, on parle tout de même d’un bon voir très bon jeu. Le gameplay propre aux Souls est toujours efficace, la satisfaction d’explorer et nettoyer une zone petit à petit demeure, et jamais Miyazaki ne nous aura offert une histoire et un univers aussi incroyable, aussi satisfaisant à connaître, à explorer (à ce sujet j’ai tellement hâte que sortent les vidéos de lore de VaatiVidya là dessus). Ils ne sont pas nombreux, en vrai, les jeux à atteindre ce niveau. Mais les défauts restent les mêmes depuis le tout début et, pire, l’équilibre presque parfait des premiers jeux semble quelque peu évaporé. Et puis cet open world… ce foutu open world.
En vérité, un peu à l’instar des demi-dieux que l’on se doit d’occire dans le soft, Elden Ring semble bouffé par ses ambitions. Et vu le succès critique et publique de celui-ci… J’admet craindre un peu quant à l’avenir des soulsborne s’ils persistent sur cette route. Pas en termes de succès bien sûr, et c’est tout le mal que je leur souhaite de continuer à vendre des pelletés de copies, mais en ce qui concerne l’amour que je porterais aux jeux à venir. Car Elden Ring, on va pas se mentir, m’aura laissé un arrière-goût amer. Je viens de finir le jeu et, à l’inverse de tous ses prédécesseurs qui m’auront vu lancer direct le ng+ ou repartir directement dans une nouvelle run avec un nouveau perso, il n’est pas dit que je ressorte Elden Ring de sa boite, et ce dans un avenir proche ou lointain. Les autres m’avaient laissé repu, celui-ci me laisse gavé.

JetJaguarArmy
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le 11 juil. 2022

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