Double Dragon
5.8
Double Dragon

Jeu de Technōs Japan et SNK Playmore (1995Neo-Geo)

Un Double Dragon sur la "Rolls-Royce des consoles" ? En voilà une idée qu’elle était bonne ! Et ce, pour trois raisons (à mon sens) :


-Les Beat’Em All de qualité, si on excepte la série des Sengoku, étaient relativement rares sur la bécane du VS Fighting. Il y avait donc clairement une place à prendre…


-Les cartouches de plusieurs centaines de méga commencaient enfin à pointer le bout de leur museau en cette année de grâce 1995. Une occasion en or de pousser la machine dans ses retranchements…


-Technos avait beaucoup à se faire pardonner, après un troisième épisode pseudo-"réaliste" super ardu, une version SNES moyenne à tous les niveaux, une collaboration avec les Battletoads pas spécialement meilleure (mais comme c’était un jeu Rare, la presse pseudo-spécialisée de l’époque a applaudi), et enfin un catastrophique cinquième opus, développé par le très obscur studio Leland Interactive Media, qui tenta bien maladroitement (pour rester poli) de surfer sur la vague de popularité naissante du VS Fighting initiée par Street Fighter II


Les ingrédients étaient donc réunis pour redorer le blason de la franchise après 7 ans d’errance, et donner enfin au mythique Double Dragon II la suite grandiose qu’il méritait, et… Ah ben non, Technos a préféré persévérer sur la voie du VS Fighting. SUR la bécane du VS Fighting. En prenant en plus pour base de travail la purge cinématographique de 1994 qui osa se prétendre film (je vous aime bien, messieurs Patrick et Dacascos, mais l’amour a ses limites). Y en a qui ne doutent vraiment de rien. Et après, ça s’étonnera de faire faillite l’année suivante…


Enfin bon, je ne suis pas homme à juger sans tester le produit. Et puis, à défaut de boxer dans la même catégorie que les Last Blade, Garou et autre Samurai Spirits, Double Dragon aura peut-être quelques atouts dans sa manche lui permettant de faire face dignement sur le tatami, Technos ayant eu la lumineuse idée de se charger lui-même du développement du jeu…même si ça commence honnêtement assez mal, avec ce thème principal remixé n’importe comment et une absence totale de modes de jeux divers et variés pour compléter les habituels arcade et versus (donc pas de mode training…).


Mais assez geint, et parlons du plus important : le gameplay. La base ne dépaysera pas grand monde car c’est du Street Fighter pur jus, à base de quarts de cercles pour les uns et de charge pour les autres (Billy et Jimmy Lee sont d’ailleurs ouvertement les Ken et Ryu du casting). Il y a tout de même une différence notable : les boutons ne sont pas assignés à des mouvements, mais à des degrés de puissance (A = coup faible, B = coup moyen, C = coup fort, D = coup puissant), et c’est la position du combattant au moment de la pression du bouton qui détermine s’il sort un coup de poing ou de pied, ce qui est assez destabilisant et pas du tout intuitif ! À l’inverse, certains ajouts sont plutôt intéressants / bien pensés, comme le double-saut ou la garde aérienne. La plupart des personnages ont même une ou plusieurs prises aériennes !


Et puis, il y a la charge meter, une featurette qui aurait vraiment pu être super chouette si elle avait été mieux mise en œuvre. Car telle qu’elle est employée ici, elle me fait un peu penser à cette foutue comeback mechanic qui pollue les VS Fighting actuels… C’est une barre de special qui se remplit lorsqu’on donne des coups (peu importe qu’ils atteignent leur cible ou soient parés, ce qui est mon premier grief) donnant accès à des techniques spéciales, mais qui est surtout corrélée avec le niveau de la barre de santé ; pour le dire plus simplement, plus votre santé baisse, plus vite elle se remplit, ce qui est prompt à fausser l’issue du combat. Si encore les dévs avaient implémenté un genre de système où les coups spéciaux perdent progressivement de leur puissance à mesure qu’on approche du KO, je dis pas, mais là, c’est juste mal foutu…


Et justement, à propos de truc bien daubé, petit aparté à la sauvage pour parler de l’équilibrage assez calamiteux du soft. Ce qui la fout un peu mal pour un roster aussi réduit (10+2 combattants). Ainsi, seuls les frères Lee ont une "deuxième forme" (les "fameux" costumes à paillettes à la fin du film, lorsqu’ils reconstituent le médaillon) qui améliore toutes leurs stats, tandis que certains persos sont au contraire ultra désavantagés, comme Marian par exemple, très rapide mais lamentable autant en attaque qu’en défense… Bref, les jeux du genre ayant un équilibrage encore moins maîtrisés doivent se compter sur les doigts d’une main (d’un vétéran estropié par la guerre)…


Côté plastique, vous serez sûrement ravis d’apprendre que l’influence du film sur le design général n’est que très parcellaire : on est ainsi loin des persos digitalisés et animés au liquide ocre d’un Street Fighter – The Movie – The Game (un jeu bien moins mauvais que ce que le consensus en dit). Cela dit, parler de charisme pour évoquer les combattants de ce Double Dragon serait une insulte au bon goût (mais les sprites sont de bonne taille). Pour ce qui est des environnements, le jeu est plutôt dans la moyenne (basse?), mais parvient à se distinguer un minimum de par la grande intéractivité / destructibilité de ses décors et un certain sens de la mise en scène (on se bat par exemple sur un avion en mouvement dans le stage d’Amon). Musicalement en revanche c’est…ben je sais pas quoi en dire en fait, ça m’inspire pas grand-chose. Quelques thèmes surnagent (Burnov, Billy non transformé), mais le reste est au niveau du remix introductif tout naze…


En résumé, dire que ce Double Dragon est un mauvais VS Fighting serait sans doute un brin exagéré, mais il ne fait clairement pas le poids face aux cadors du genre sur la bécane. Je ne peux malgré tout pas m’empêcher de penser que Technos a fait une erreur en persistant sur la voie du VS Fighting pour sa série fétiche. Certes, le Beat’Em All traditionnel était un peu en perte de vitesse en 1995, mais justement, c’était l’occasion de faire évoluer la formule et d’en être un des fers de lance, un peu comme le shmup a lentement mais sûrement dérivé vers le danmaku…

Wyzargo
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le 21 janv. 2019

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