Un travail d'orfèvre à la française : c'est Montebourg qui va être content.

On dit souvent que le diable se cache dans les détails, cette formule peut largement s'appliquer aussi au génie. En l'occurrence, ce Dishonored 2, suite attendue d'un premier opus acclamé à la fois par la critique mais surtout par le grand public, pourtant habitué ces dernières années à être fortement tenu par la main. C'est précisément sur ce point que Disho' 1 a su convaincre et plaire en étant à contre-courant : savoir faire confiance aux joueurs et leur capacité d'improvisation, à travers un gameplay organique et bourré de possibilités.


Loin tout de même d'être parfait, en tout cas de mon point de vue, faute à un retard technique certes compensé par une DA exceptionnelle mais aussi dû à un scénario basique dont la progression était cousue de fil blanc.
L'attente donc autour de la deuxième itération d'une licence au potentiel incroyable est immense, multipliant par conséquence les risques d'une déception encore plus grande.
Fortement soutenu par un éditeur, Bethesda en l'occurrence, faisant du jeu son titre phare en prévision des fêtes de fin d'année, sacré chemin parcouru pour les frenchies d'Arkane Studios.


Dishonored 2 a sur le papier, sacrée fière allure. Des graphismes enfin à la hauteur, une direction artistique encore plus insolente malgré le départ d'Antonov (City 17 c'est lui) et un gameplay encore enrichi grâce à l'arrivé d'un nouveau personnage, Emily Kaldwin. Et oui, la petite fille du 1er opus a depuis bien grandi, entraînée par ce cher Corvo, aussi son papou accessoirement, alors que Disho' 1 n'avait jamais abordé ce point-là, mais passons.


Le jeu prend place 15 ans plus tard, tout se passe bien dans le meilleur des mondes, Emily est impératrice avec, à ses côtés, son père en guise de conseiller. Malheureusement pour ce duo, et l'empire par la même occasion, une certaine Delilah, personnage apparu dans les DLCs du premier jeu et tante déchue d'Emily, prend le pouvoir par la force à l'aide de conspirateurs.
Dishonored 2 part de ce postulat, et nous impose d'emblée le personnage avec lequel fureter pendant toute l'aventure, soit avec la jeune Emily, soit avec notre maître assassin favori, via un tour de passe-passe scénaristique.
Fort d'un capital confiance très élevé je pense dans les rangs d'Arkane envers leur bébé, la première mission est certainement la plus anecdotique et sage en terme de level design et DA. C'est du Dishonored pur et dur, tuto déguisé certes mais tout de même une sorte de condensé des systèmes du 1er jeu, sans aucune volonté de faire sentir aux joueurs qu'ils ont affaire à une vraie évolution.


Cette impression légèrement mitigée m'apparaît heureusement comme un lointain mirage, à l'heure de la fin de mon 1er run bouclé en 20 heures environ (et chaos élevé malgré tout !).
Sans pour autant révolutionner la recette Dishonored et partir dans du mind blowing scénaristique risqué, le jeu prouve, par d'autres moyens, bien plus couillus et intelligents, à quel point on pouvait difficilement espérer une suite aussi soignée et compréhensive des attentes.
C'est en effet à travers des "moments de jeu", certes déjà connus et savamment préparés par les dévs', que Dishonored 2 se montre incroyable.


Echapper in extremis à la vigilance de plusieurs gardes (IA à la débilité toujours aussi hilarante) en combinant une multitude de pouvoirs en une poignée de secondes, passant d'une situation désespérée en un flow de mouvements à la Matrix, c'est ce que propose le jeu régulièrement. Alors oui, notre perso est totalement surpuissant, mais qu'importe, it's a fuckin' video game.
Les capacités d'Emily sont absolument jouissives, on peut citer en vrac le fameux Domino, pouvoir qui permet de lier plusieurs ennemis et répercuter le sort de l'un sur les autres. Le Shadow Walk est également grisant, transformant Emily en une forme d'ombre menaçante et quasiment indétectable. Découvrir le jeu avec la jeune demoiselle est conseillé, quand même plus intéressant de s'attaquer à une suite avec le maximum de nouveautés, en tout cas de mon point de vue.


On a malheureusement souvent affaire à des jeux qui font preuve d'une certaine inégalité, avec un gameplay qui prend totalement le dessus sur le côté artistique, et vice-versa. C'est un euphémisme d'affirmer que Dishonored 2 défonce cette sale habitude avec une délicatesse de gentleman.
Mis à part Bioshock premier du nom, j'ai pas souvenir d'un jeu aussi généreux en détails artistiques plus fous les uns que les autres. Imaginez un jeu dont la moindre pièce de n'importe quel bâtiment est aussi soignée et fourmillant d'éléments qu'un décor clé, et tout cela toujours dans le même but : enrichir plus que de raison la narration visuelle et élever le sens du détail au rang d'art.


C'est d'ailleurs un parti-prix qui peut légitimement faire débat, le jeu préfère largement raconter son histoire, son background et la vie de ses personnages via des éléments dont la moitié des joueurs passeront surement à côté lors d'un premier run. Par conséquent, et même si le jeu est d'une accessibilité incontestable, autant le dire tout de suite : vous n'apprécierez peut être pas Dishonored 2 à sa juste valeur si ces éléments vous gonflent plus qu'autre chose.


Malgré tout, la direction artistique globale, totalement inspirée par l'architecture cubaine, avec ces toits plats, cet aspect à l'atmosphère moite et noyée sous le soleil fera l'unanimité en faveur de Karnaca.
Le contraste avec la grisâtre Dunwall est bienvenu, un rendu plus chaud et vivant qui incite constamment le joueur à explorer, et prendre son temps. Il faut voir, à mon humble avis, ce travail hallucinant sur les environnements comme une invitation de la part du jeu à parcourir ces décors, qu'on croirait souvent tout droits sortis d'artworks DeviantArt.


Allez, ça suffit les éloges à tout va, il a bien des défauts ce jeu quand même, merde ! Et malheureusement oui, difficile de passer outre la version PC parfaitement dégueulasse, aux chutes de framerate permanentes, même sur des machines à 2000 balles. La commu' PC s'est évidemment chargée de bien pourrir les évals' steam, à juste titre tant l'optimisation est complètement à la ramasse, malgré déjà plusieurs patchs. Une telle levée de boucliers m'incite également à penser que le bad bazz n'aurait pas été aussi violent si le jeu n'était paradoxalement pas aussi cool...


Au rayon des mauvais points, on peut malheureusement ressortir l'un des rares gros défauts du premier, le scénario en lui-même est encore une fois très timide.
Le jeu surprend que très rarement et se contente souvent de suivre un fil rouge bien établi depuis les premiers coups de dague de notre perso' dans la nuque des ennemis. Il apporte malgré tout quelques réponses intéressantes, notamment sur des personnages clés mais la fin un peu trop expéditive laisse un arrière-gout amer. Le sound design, aspect sous-estimé mais pourtant diablement majeur dans un jeu tourné vers l'infiltration, est assez souvent en retrait, notamment au niveau de la spatialisation des ennemis loin d'être toujours précise.


Ces manques avérés ne font tout de même pas le poids comparé aux immenses qualités de ce Dishonored 2, nous proposant également une galerie de missions toujours bien identifiables. En effet, le jeu ne se repose pas sur ses certitudes, avec soit un tic de gameplay à exploiter pendant une mission, soit une patte artistique très marquée.
Exemple avec l'agencement des décors dans le Manoir Mécanique, niveau qui frôle tout bonnement le chef-d'oeuvre, une mission dont on repousse l'issue volontairement tant le plaisir à parcourir un tel environnement est permanent.


Dishonored 2 transforme donc cette confiance laissée aux joueurs en véritable satisfaction sur toute la durée du jeu, et plus encore tant la rejouabilité paraît élevée. Le savoir-faire d'Arkane, qui parvient à trouver un juste milieu parfait entre une liberté d'action au centre du gameplay et des objectifs très définis est incontestable.
Le pari est par conséquent totalement réussi, le jeu est meilleur sur tous les points, sans pour autant dénaturer l'essence du premier opus, que demande le peuple ?

Strangeek
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le 25 nov. 2016

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Strangeek

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