"I am the more advanced model, Denton. It's time for you...to retire."

Il arrive souvent que les pépites se cachent là où l'on s'y attend le moins.
En surface, Deus Ex n'est autre qu'un jeu de tir à la première personne avec des textures baveuses déjà techniquement à la ramasse au début du millénaire, une intelligence artificielle qui possède à la fois les capacités visuelles de Ray Charles et les capacités auditives de Beethoven ainsi que la faculté de détecter le joueur à travers les murs et un système de visée foireux.


Pourtant une fois cette carapace hideuse et rustre retirée, c'est tout un nouvel El Dorado vidéoludique qui nous saute aux yeux, nous enveloppe les oreilles et nous détraque les neurones.


Deus Ex , c'est avant tout l'histoire d'un...non, ce n'est pas réellement l'histoire de quelqu'un, plutôt l'histoire d'un monde dans lequel un individu se trouvant être le fruit d'une avancée extraordinaire de la technologie, un individu augmenté par des nano-particules le rendant plus fort, plus discret et plus agile que la plupart des Humains.
Cet homme, de son nom de code JC Denton, vous l'incarnez alors qu'une menace terroriste pèse sur New York après la destruction de la Statue de la Liberté. On peut ici se rendre compte de la perspicacité du scénario qui soulève certaines thématiques principales reflétant l'état d'esprit des vrais américains en l'an 2000, mais on y reviendra plus tard, promis.


Vous êtes donc accueilli par votre frère, Paul Denton, tout aussi augmenté et bardé de fils électriques que vous, qui vous annonce que l'UNATCO (sorte de force de défense contre les actes terroristes) vous a chargé, en guise de baptême du feu, de secourir un otage se trouvant être augmenté lui aussi (bien qu'augmenté mécaniquement, ce qui correspond en quelque sorte à une génération obsolète de super-soldats comme vous), ainsi que de capturer le leader du groupuscule terroriste connu sous le nom de NSF. Suite à cette mission, vous vous rendez compte de la paranoïa ambiante des New Yorkais face à une menace cachée à laquelle personne ne croit réellement, et vous entendrez des bribes d'histoires sur les Illuminatis, la Zone 51, des projets d'hélicoptères indétectables extrêmement secrets et même des histoires sur votre propre employeur, ce qui vous conduira à vous poser de plus en plus de questions à propos du monde qui vous entoure et de la véracité des propos de vos collègues. Le jeu vous rend plus méfiant vis à vis du monde qu'il a lui-même créé et ce jusqu'à un twist dont l'efficacité m'a littéralement brisé.


Car si le scénario de Deus Ex peut faire penser à un long épisode des X-Files au premier abord, il comporte plusieurs niveaux de lecture qui amènent le joueur à plonger la tête la première dans ce monde d'intrigues et de mensonges.
En fait, les dialogues sont parsemés d'informations sur le contexte socio-économique du monde tel qu'imaginé par les créateurs en 2052, monde qui ressemble de façon très (trop) étrange à celui dans lequel on vit actuellement. Je vais prendre un exemple : à la fin de la première mission, un dialogue dérive sur la prise de contrôle et la centralisation progressive des richesses américaines par un petit nombre de conglomérats. Si l'on se penche sur la situation économique des Etats-Unis à la date de sortie du jeu, on se rend compte que par rapport au début du XXe siècle, le nombre d'auto-entrepreneurs à diminué de manière drastique au profit des grandes entreprises qui s'attribuent des monopôles sur certains marchés, détruisant le modèle de la "concurrence pure et parfaite" afin de concentrer un maximum d'argent dans un minimum de mains. Le jeu est parsemé de bribes d'informations de ce genre, notamment sur le volet du scénario consacré à la peur du terrorisme pré-11 septembre 2001 et de la réponse démesurée des autorités face à des actes de terreur, faisant ainsi profiter les commerçants d'armes et de systèmes de protection au détriment des libertés des citoyens lambdas.


On peut ainsi voir le scénario de Deus Ex comme un reflet critique de notre propre société, et le fait que ce jeu sorti en 2000 soulève des thématiques qui ne seront d'actualité que quelques années plus tard renforce l'aspect dérangeant de l'ambiance régnant dans le jeu et qui nous prive pour un bref moment de notre capacité à dissocier ce qui est réel et ce qui est virtuel.


Pour ce qui est du gameplay, c'est un hybride FPS-RPG teinté de très nombreuses options d'infiltration, à tel point qu'il est possible de terminer le jeu sans tuer qui que ce soit (même si cela est très compliqué, surtout dans les niveaux de difficulté les plus élevés).


Certaines mécaniques de jeu sont soit mal exploitées (mention spéciale à la compétence permettant de nager plus longtemps sous l'eau, totalement inutile dans la version vanilla), soit étranges (au plus bas niveau de compétence en armes, il faut rester immobile et attendre quelques secondes pour que votre viseur se rétrécisse afin de pouvoir viser convenablement), mais toutes apportent leur cachet à ce jeu, notamment les fameuses augmentations très pratiquent qui, avec les bonnes améliorations, vous ferons vous sentir puissant sans pour autant vous enlever la sensation de vulnérabilité et de solitude qui vous hante dès le début.


Pour ce qui est du son, si les effets sonores sont plutôt basiques pour un jeu de cette époque, il n'en est rien pour la bande originale, sans doute l'une des meilleures jamais composées pour un jeu vidéo. Avec plus de 100 boucles audios, chacune correspondant à une situation particulière (Ambiance, Combat, Mort, Conversation), on y trouve de quoi émerveiller tout le monde. Écoutez simplement ces morceaux ci-dessous afin de vous faire un avis, ce sont mes petits préférés.


DuClare Chateau - Conversation


The Nothing - Combat


Enemy Within - Ambient


UNATCO - Ambient


PS : Ne lisez pas la section "commentaires" pour éviter tout spoil si vous n'avez jamais joué au jeu avant


Au final, Deus Ex nous fait voyager de New York à Paris et nous emmène dans les endroits les plus secrets de la planète comme la Zone 51, mais jamais sans nous forcer à nous tordre les neurones et à renverser notre conception du monde dans lequel on vit sans pour autant poser de constats manichéens, toujours en jouant sur des nuances de gris, que ce soit sur des sujets comme le contrôle des laboratoires expérimentaux, la surveillance en continu de la population, la place des IA dans la société humaine et enfin le désir par l'Homme d'aspirer à une condition supérieure, quitte à se libérer de son enveloppe corporelle afin de toucher les doigts de Dieu en entraînant ses frères dans sa quête.


"You will soon have your God, and you will make it with your own hands."

L_Archéologue
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 24 juin 2017

Critique lue 180 fois

L_Archéologue

Écrit par

Critique lue 180 fois

D'autres avis sur Deus Ex

Deus Ex
Horst_Tappert
10

Jesus-Christ Denton is here !

Deus Ex, c'était le jeu que presque personne n'avait vu venir. La petite révolution vidéo ludique de 2000, qui restera insurpassée à l'heure actuelle dans le domaine des FPS / RPG hybrides (Je suis...

le 11 déc. 2010

38 j'aime

19

Deus Ex
KND
10

Deus Extra !

Quand, comme moi, on rejoue pour la millionième fois à Deus Ex, que l'on revêt encore une fois ce manteau en cuir, que l'on réarme à nouveau cette jolie petite arbalète, on ne peut pas passer à côté...

Par

le 18 avr. 2015

22 j'aime

Deus Ex
CaliKen
10

Le jeu qui réinventa le jeu

Je suis caché dans une petite alcove depuis maintenant un quart d'heure. J'attends patiemment qu'un des gardes me tourne le dos, qu'il montre un instant d'inatention. En attendant, je les entends...

le 3 déc. 2010

16 j'aime

Du même critique

Deus Ex
L_Archéologue
10

"I am the more advanced model, Denton. It's time for you...to retire."

Il arrive souvent que les pépites se cachent là où l'on s'y attend le moins. En surface, Deus Ex n'est autre qu'un jeu de tir à la première personne avec des textures baveuses déjà techniquement à...

le 24 juin 2017