Il y en a, des choses écrites sur Demon's Souls. Et pourtant, je ne trouve nulle part d'avis se rapprochant de ce que je ressens. Peut-être car c'est une aventure personnelle, tout simplement. Mais après avoir vécu 40 heures au sein du Royaume de Bolétaria, j'ai besoin de coucher sur papier ce ressenti. Un désir relativement assimilable à l'envie de partager ses souvenirs lorsqu'on rentre de vacances. De bien curieuses vacances, plus proches d'une expédition à Gaua que d'une semaine au bord de la mer à Ibiza.


Je ne m'attarderai donc pas ici sur ce que tout le monde s'évertue à dire : épopée difficile, exigeante, tour à tour gratifiante et frustrante, avec des choix de game design qui m'ont semblé souvent géniaux, parfois inadéquats. Mais ce n'est pas ce dont je souhaite parler ici car, finalement, quelques heures après avoir rencontré le Roi Allant, je commence déjà à oublier tout cela. Ce que je retiens de Demon's Souls est en réalité tout autre.


Tout part d'une banale quête pour vaincre le mal. Un château, des remparts, une prison, des montagnes minières. J'aime abattre mes ennemis un par un et progresser dans la souffrance, mais rien ne me transcende alors. C'est petit à petit, âme après âme, démon après démon, que la chose s'est formée.


Et alors qu'on gagne en pouvoir, mettant à bas les engeances se dressant sur notre chemin et récoltant leurs âmes, l'histoire du Royaume se dessine. On rencontre ses survivants, avec lesquels on sympathise en quelques phrases à peine, finalement unis par bien plus que des mots. On s'entraide ou se trahit. On vit cette épopée ensemble le temps d'un combat, puis chacun repart de son côté, libre de fuir ou de mourir.


La sensation d'aventure est magistrale, implacable. D'une forteresse on ne peut plus classique, on finira par errer et se perdre dans des marais empoisonnés au level design de génie. Ayant choisi de faire le jeu entièrement seul, le sentiment de perdition était total. Et puis il y a ce stress, cette peur de la mort qui nous attend à chaque tournant. On est seul, perdu, fort mais impuissant, malin mais désespéré. Plus le temps passe, plus l'on se sent puissant, et - paradoxalement - plus nos certitudes s'ébranlent.


Pourquoi suis-je ici ? Que suis-je venu y chercher ? La gloire ou le pouvoir ? La connaissance ou bien la délivrance ?


Finalement, plus l'on progresse dans l'aventure, plus l'on se sent dépassé, écrasé. Des rois déchus, un ancien Dieu maléfique et toute une lignée corrompue. Ceux qui disent qu'il n'y a pas de scénario dans Demon's Souls ont peut-être raison car, finalement, le scénario est le script que suit le joueur, non ? Or, dans Demon's Souls, le joueur ne suit aucun script ; c'est le script qui suit le joueur. En revanche, ceux qui affirment qu'il n'y a pas d'histoire se trompent tout à fait. Demon's Souls, tel que je l'ai vécu, c'est l'histoire d'un Royaume, le Royaume de Bolétaria. Il possède ses héros et ses démons, ses mythes et légendes que l'on se murmure au coin d'une échoppe encrassée ou bien assis sur un escalier du Nexus. Êtes-vous assez fou pour penser pouvoir changer cette histoire à vous tout seul ?


Cet univers est vivant, et s'il vit par ses PNJ et par ses environnements, il vit aussi de par ses Boss. Certains trouvent que le jeu manque d'epicness. Et pourtant, peut-on vraiment faire combat plus épique que l'affrontement contre le Roi des Tempêtes ? Pas de mise en scène à la God of War pour sûr, pas d'explosions ni de combos ravageurs. Simplement une idée, une seule. Une idée qui s'ancre dans les légendes Bolétariennes. Et alors qu'une pluie de lances s'abat sur vous, que feriez-vous si la légende n'avait pas existé, si vous n'y étiez pas tombé nez à nez avec, si vous ne vous en étiez pas emparé pour vaincre ? Car c'est en s'appropriant les légendes et leurs démons que, petit à petit, vous arriverez, ou non, à faire évoluer les choses.


Car Demon's Souls, c'est l'histoire d'un Royaume déchu et sans espoir, qu'on refaçonnera à notre échelle, jour après jour, selon nos actes. Vous pourrez abandonner devant la tâche, rentrer chez vous. Ou bien vous accrocher pour changer les choses, pour sculpter cet univers à votre image. Un univers qui ne cessera de vous rappeler qu'il n'en a que faire, de votre image. Et tout redeviendra poussière.


Et puis il y a la rencontre avec Dame Astrée. Un affrontement tel que je n'en avais encore jamais vécu. Probablement le plus difficile du jeu. Mon cœur à jamais brisé.
Do as you like. Take your precious Demon Soul.

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le 20 juin 2015

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