Une réunion qui aurait pu se résumer dans un mail

En 1997 sortait le jeu qui allait à la fois définir ce que serait un blockbuster moderne, ferait découvrir le genre du Jeu de Rôle japonais dans le monde entier et allait faire rentre Squaresoft dans la cour des grands studios de développement. Ce jeu, c'est bien évidemment Final Fantasy VII, le 7e opus de la saga initiée par Hironobu Sakaguchi en 1987. FF7 comme on l'a rapidement appelé deviendra sans nul doute, et encore aujourd'hui, l'épisode le plus culte de la franchise qui compte, à l'heure d'écrire ces lignes, 15 opus (et un 16e dans quelques mois). Voulant faire plaisir à ses fans ou étant incapable de reproduire ce succès, Squaresoft devenue depuis Square-Enix se lancera dans le projet de transformer Final Fantasy VII en une saga à part entière avec la Compilation of Final Fantasy VII. Ce projet Cross-media contenant jeux, films, animes, romans et consorts se concrétisera d'abord, en 2004, par le jeu mobile Before Crisis puis, en 2005, avec le film Advent Children. Mais le projet qui nous intéresse aujourd'hui est un jeu sorti à l'origine sur PSP pour célébrer les 10 ans de l'oeuvre fondatrice. Sorti en 2007 sur la première portable de Sony, Crisis Core avait pour projet de raconter l'histoire de Zack, un personnage évoqué dans FF7 et dont les aventures se déroulent 5 ans avant que Cloud ne rejoigne le groupe Avalanche. Cet épisode qui avait connu un bon succès d'estime et commercial à sa sortie se voit doté d'un portage / remaster / remake sur supports modernes dans le cadre de Crisis Core Final Fantasy VII Reunion de son nom complet, que je vous propose d'appeler simplement "Reunion" pour simplifier la lecture. A l'heure où FF7 est de nouveaux sous les projecteurs avec la trilogie Remake en cours de production, ce retour en arrière à plusieurs niveau vaut-il toujours le coup ? C'est ce que nous allons comprendre ensemble !

Attention : Cette critique risque de contenir des spoils du Final Fantasy VII original que le jeu considère que vous avez terminé de toute façon. Vous êtes prévenus.

Lexique pour la suite :

• FF7 = Final Fantasy VII (1997, PS1)
• CC = Crisis Core Final Fantasy VII (2007, PSP)
• Remake = Final Fantasy VII Remake (2020, PS4)
• Intergrade = Final Fantasy VII Remake Intergrade (2021, PS5)
• Reunion = Crisis Core Final Fantasy VII Reunion (Switch, PS4/5, PC, 2022)

Angeal & Genesis & Sephiroth & Moi

Midgar, cette immense cité où résident plusieurs centaines de milliers d'âmes, trouvant leur salut grâce au conglomérat Shinra, cette importante société de production d'énergie. Si cette entreprise a pu prospérer durant des années grâce à la construction de ses immenses réacteurs Mako, l'entreprise familiale commence à rencontrer en interne quelques soucis qui pourraient la mener à sa perte. Au milieu de toutes ces embrouilles se trouve Zack Fair, jeune guerrier de deuxième classe au sein du prestigieux SOLDAT/SOLDIER, l'unité d'élite des combattants de la Shinra. Son rêve est bien sûr de faire ses preuves, devenir le plus fort, et ainsi intégrer le Boys Band des 1re Classe, des guerriers tellement célèbres qu'ils ont carrément leur propre fan-club. Si vous avez fait FF7 vous connaissez déjà l'histoire de Zack dans les grandes lignes, mais le jeu va ici étoffer quelque peu cette dernière en racontant comme il a pu raconter certains personnages clés de l'univers du titre. Cependant n'y voyez pas ici l'occasion d'en apprendre plus sur les événements de l'oeuvre fondatrice, CC est là pour raconter son histoire et juste faire des clins d'oeil complices au fan. Car concrètement l'histoire se concentrera principalement sur comment les cadres du SOLDAT vont tous finir par plier bagages, à commencer par Genesis, personnage tiré directement depuis un vrai Boys Band japonais (je vous laisse trouver lequel), fan de la pièce de théâtre Loveless (le Hamlet local) et principal instigateur de ce qui va mener la Shinra à sa perte. La première mission consiste d'ailleurs à retrouver ce fugitif en pleine guerre avec le Wutai aux côtés d'Angeal, autre SOLDAT de 1re classe et mentor de Zack avec sa grosse épée broyeuse. Les péripéties du jeu vont également l'amener à rencontrer Sephoroth, la véritable star du SOLDIER, mais également la jeune vendeuse de fleurs des taudis Aerith ou encore un jeune soldat d’infanterie du nom de Cloud. Si vous avez fait le Crisis Core original, sachez que vous connaissez déjà tout puisque Reunion n'est bel et bien qu'une transposition exacte du jeu original, pas de séquence supplémentaire, pas de nouvelle explication au niveau du scénario Reunion n'est bel et bien qu'un portage de CC, mais rassurez-vous, l'oeuvre a quand même quelques nouveautés.

Crisis Core Remakeunionmaster

Principal argument de vente qui vient justifier de remettre XX,99€ dans la machine, la technique a été entièrement refaite. Les personnages et les décors ont été totalement refaits pour mieux coller aux standards actuels et pour certains personnages retrouver leur chara-design apporté par le Remake de 2020. Mais n'espérez pas pour autant une claque visuelle à la hauteur d'Intergrade même sur console de nouvelle génération. Par volonté de sortir le jeu sur toutes les machines, on sent que le jeu n'a pas été totalement peaufiné et si les décors sont très jolis et les modèles des personnages très réussis, un petit goût d'inachevé flotte dans l'ambiance graphique du titre. Les musiques semblent avoir également connu un petit lift pour certaines d'entre-elles, sans pour autant avoir été recomposées ou réorchestrées, elles profitent maintenant de sortir sur une machine plus puissante pour libérer tout le potentiel des créations de Takeharu Ishimoto, elles-même inspirées des créations de Nobuo Uematsu pour FF7. On peut également noter que la quasi-intégralité des dialogues sont maintenant doublés, et le jeu vous laisse le choix entre l'immonde doublage anglais et le très bon doublage japonais, je vous laisse décider de ce que vous préférez. Mais là où les dents commencent à grincer c'est quand on découvre que les cinématiques du jeu sont directement extraites de l'épisode PSP. Et si ces dernières étaient impressionnantes pour l'époque et pour son support, elles sont aujourd'hui compressées de manières assez grossières, vous ne serez pas surpris de découvrir des pixels baveux, de l'aliasing et autres horreurs qu'on n'espère ne jamais voir sur une vidéo pré-calculée... C'est simple, certaines séquences cinématiques faites avec le moteur ingame sont maintenant bien plus jolies et fluides que les séquences vidéo pré-rendues, un comble. Un comble qui vient ici trahir la promesse de Square "More than a remaster" mais pas trop non plus.

Car oui, il s'agit bien d'un jeu PSP remasterisé avec toutes ses contraintes d'époques. Des personnages aux animations un peu rigides, une mise en scène statique lors des dialogues, une synchro labiale... perfectible pour rester poli mais il se dégage toujours un sentiment très étrange de voir ces beaux décors utilisés pour ce qui ressemble encore une fois à un théâtre de marionnettes. Mais si le principal au football c'est les trois points, le principal dans un jeu c'est ce qu'il offre manette en main, alors voyons de ce que ça donne.

Activating Combat Mode

Disons le tout de suite aussi, manette en main Reunion est toujours un p***** de jeu PSP. Et vous allez très (trop ?) vite le découvrir. Zone d'exploration minuscule, distinction entre phase de combat et phase d'exploration - avec ce très vitre insupportable "ACTIVATING COMBAT MODE" qui va ponctuer le début de chaque combat, et qui se termineront par un tout aussi agaçant "CONFLICT RESOLVED", missions annexes à foison pour faire office de remplissage mais pensé pour des sessions courtes. Régulièrement le jeu va vous rappeler que le titre est initialement sorti sur une console portable de 2004. Et si ces limitations étaient compréhensible pour la sortie de CC, elles sont plus que discutable aujourd'hui, quand on voit tout le travail qui a été fait autour pour restaurer ce titre. Malgré tout les combats qui étaient la force de l'épisode original sont toujours aussi agréable et ont même connu de grosses amélioration de confort et de dynamisme. Les combats se déroulent toujours façon Action-RPG dans lequel on peut se déplacer librement autour des monstres et utiliser les boutons pour attaquer, esquiver, utiliser des objets ou des matérias. Là où il fallait auparavant faire défiler les actions possibles à l'aide des gâchettes dans l'opus de base, ici ces même gâchettes sont mises à profit pour utiliser des raccourcis et pouvoir facilement faire des combos Attaque / Spécial / Magies que vous aurez préalablement équipés. L'autre particularité du système de combat de CC est l'espèce de machine à sous appelée OCN (pour Onde Cérabrale Digitale... voilà pensez-en ce que vous voulez...) qui défile en permanence dans le coin supérieur gauche de l'écran tant que vous avez assez de points de SP pour la faire tourner (et vous en aurez toujours, vous posez même pas la question). Ce système totalement tiré des pachislots japonais vous accordera si la chance vous sourit moults avantages. Alignez 3 personnages identiques et vous pourrez lancer une attaque Transe dévastatrice pour vos adversaire, obtenez une combinaison de bons chiffres

et vous obtiendrez différents effets tels qu'une recharges de HP/MP/AP, une invincibilité temporaires ou même des améliorations permanentes comme un Level Up de vos matérias ou même un Level-up de Zack sur un fameux 7-7-7. Un système un peu aléatoire mais pas vraiment, mais surtout flou et gonflant car impossible de savoir comment améliorer sa matéria ou son héros. Ce système OCN est aussi l'occasion de voir par moment des séquences flashback en lien avec certains personnages rencontrés dans l'histoire, si ces séquences sont agréables en soit, le fait qu'elles tombent comme un cheveu sur la soupe en plein milieu des combats peut laisser circonspect. Cependant, en plus du classique exploration-combat-cinématique propre au genre JRPG, vous pourrez compter sur quelques moments récréatifs mais surtout sur les quelques TROIS CENTS MISSIONS annexes pour obtenir moult loot et moult argent pour renforcer votre personnages. Des missions variées qui vont de explorer un lieu pour battre un boss à battre un boss sans explorer de lieu, il y en a pour tous les goûts.

Les histoires les plus courtes sont les meilleures

Le principal défaut de l'épisode original est toujours le même aujourd'hui, l'histoire est trop courte et au final ne raconte pas grand chose. Si les relations qu'entretient Zack avec Angeal, Genesis et Sephiroth sont plaisantes à suivre, les principales ramification du futur antérieur Final Fantasy VII sont déjà connues et Crisis Core n'a pas vocation à vous en apprendre davantage. Crisis Core ne parle qu'à lui-même et la fin, comme la fin du film Titanic, est connue par avance et vous n'en apprendrez pas plus. De plus, l'exploration de cet extrait de Midgar, impressionnant pour 2007 semble bien fade en 2022 après un Remake plus ambitieux sur ce point. Cependant, revisiter Nibelheim à l'orée du futur Final Fantasy VII Rebirth donne des palpitations de ce que donnera le futur de la série.

LES PLUS :

• Graphismes soignées
• Personnages attachants et clins d’œil au fan agréables
• Gameplay de combat vraiment plaisant

LES MOINS :

• Beaucoup de travail pour pas grand chose
• Animation et mise en scène d'un autre temps
• Les cinématiques reprises de l'épisode original ont mal vieilli
• Histoire qui ne parle qu'à elle-même et ne cherche pas à étoffer son lore
• Exploration saccadée et limitée

C'était avec un certain plaisir que je me replongeais dans l'histoire de Zack et même si l'effet madeleine de Proust fonctionne toujours, je ne suis pas dupe sur le résultat proposé. "More than a remaster" oui mais pas beaucoup plus, c'est vraiment surprenant de voir autant de travail pour pas grand chose. Que ce soit le choix de reprendre la mise en scène d'époque et ce qui passe aujourd'hui pour des aberrations de Game Design, Crisis Core Final Fantasy VII Reunion est un étrange sujet d'analyse. Pourtant, en s'appuyant sur un univers célèbre et un jeu de base plutôt solide, l'aventure est vraiment agréable à suivre, retrouver des personnages connus procure son lot d'émotions et une nostalgie nous empare quand le rideau final tombe sur la scène. Mais quel gâchis... quel gâchis... Il y avait ici l'occasion rêvée de vraiment dépoussiérer cet opus et tenter de le rendre canon de l'univers du Remake comme pour faire une grande mise en bouche de la suite des événements. Mais malheureusement, par son manque d'ambition, son timing de sortie étrange, il est difficile de voir dans ce jeu autre chose qu'un produit opportuniste pour un Square-Enix qui cherche absolument à capitaliser sur ses fans les moins regardants.