D'un inconditionnel de Lovecraft.

D'un inconditionnel de Lovecraft :

Il était une fois des développeurs qui s’attaquèrent à Lovecraft. Et ils étaient confiants ! Tant et si bien qu’ils abordèrent la franchise frontalement et sans complexe : “Call Of Cthulhu”… au moins, leurs prédécesseurs avaient eu l’humilité de sous-titrer leur interprétation de CoC d’un “Dark Corners of the Earth”. Et bien je vais aborder cette évaluation frontalement :D
Cthulhu par Cyanide c’est un couloir, mais qui est trèèèès très long et tout vert. Un couloir bien particulier dans lequel on pourrait mettre beaucoup de choses, le bureau d’un détective, un port décrépi, un manoir, un grand réseau de cavernes peuplées de gens égarés…

Structure

Le jeu nous donne une succession de lieu, chacun étant le support de votre enquête. Trouvez chacun des items qui doivent l’être et vous accéderez au niveau suivant. Naturellement ces étapes sont parfois agrémentées d’élément de gameplay qui font recette. Naviguez dans un flashback, un peu d’infiltration, un peu de cache-cache pour éviter un garde ou un monstre, un choix à faire qui « affectera la suite de votre histoire », il y a une série de talents à améliorer… Tout ça est au mieux anecdotique, des points à valider sur le cahier des charges côté développeur pour faciliter le boulot du côté de ceux qui doivent vendre le jeu.
Prenez l’infiltration, visualisez un couloir, 2m de large, un garde est adossé à un mur, face à une porte. Et bien il est possible, dès l’instant que l’on est accroupi, d’ouvrir cette porte sans être repéré… pathétique. Ce même passage est meublé d’une dizaine d’armoires pour se cacher… mais il n’y a qu’une seule patrouille, composée d’un seul homme, lui-même aussi aveugle que celui que j’ai déjà mentionné…
Côté des enquêtes ce n’est pas glorieux non plus. Entrez dans une pièce, un indicateur de quête vous dis « Fouiller ». Tant que vous n’aurez pas trouvé l’intégralité des objets/indices, la quête ne se valide pas et vous ne pouvez progresser dans l’histoire. Plus tard, lors des dialogues à choix multiples (aussi conséquent que ceux de “Vampyr”) vous verrez des lignes de dialogues déverrouillées découlant de ces mêmes indices… comme si c’était optionnel alors qu’étant donné le fonctionnement du système de quêtes, ces lignes seront toujours disponibles… De toute manière, ce n’est pas comme s’il y avait quoi que ce soit de complexe à trouver, 6-7 éléments interactifs se déverrouillant en séquence, votre personnage émet une courte réflexion pour chacun et hop, on enchaîne !

Ambiance

Lovecraft, je suppose que c’est avant tout une atmosphère spéciale, épaisse, tournée vers la mer… mais ici l’interprétation de l’univers est si libre que le jeu vire au thriller psychologique, loin de toute ambiance. Et je dis bien thriller, et non pas horreur. L’un des éléments qui me gênent le plus c’est l’éclairage. Le fait est que dans chacune des pièces/cavernes/extérieurs que j’ai pu voir, l'éclairage révèle la totalité de son contenu à la seconde où je l'aperçois. Pénétrez dans le vieil entrepôt vermoulu de Darkwater et instantanément vous verrez les 4 coins de la pièce, la texture des mur. Aucun secret, aucun mystère, aucune impression d’insécurité. C’est assez grave. L’ambiance ne peut tout simplement pas s’en remettre. M*rde quoi, l’occlusion ambiante, l’éclairage volumétrique ou la profondeur de champ ça existe depuis un moment quand même ! C’est tellement dommage, car nombre de créations des artistes 3D en valaient la peine. CoC a définitivement une grande quantité d’objets, très bien fini, mais ils sont si mal mis en valeur, si mal agencés. Ca ne prend pas chez moi. Un autre point positif c’est l'apparence des protagonistes, ils ont la gueules de l’emploi, des trognes bien cuites à l’alcool et à la maladie, exactement ce que j’attendais.

Pour poursuivre sur l'aspect visuel, je voudrais parler de l’étalonnage du jeu. L’équipe a voulu lui donner une teinte verte. C’est amusant parce c’est une atmosphère qui a une histoire, très utilisée par Jean-Pierre Jeunet dans « La Cité des Enfants Perdus » et ensuite dans « Alien la résurrection », on la retrouve aussi dans la franchise Matrix. C’est une lumière magnifique, idéal pour le glauque, je l’aime cette couleur. Mais ici j’ai l’impression tenace que sur le plan artistique c’est à peu près tout ce que les développeurs on a dire… ils l’utilisent partout et tout le temps à tel point que les bougies et lampes à huile finissent par irradier du verdâtre incongru. Un autre détail sur l’aspect visuel, pour une raison qui m’échappe, les devs. ont poussé comme jamais le “sharpening” de l’image. Chaque polygone, chaque angle, chaque trait est anormalement saillant, cela n’ajoute rien et ça pourrit le rendu…

Histoire

Côté scénario, c’est un poncif : vous êtes un détective venu de Boston et engagé pour enquêter sur la mort d’une peintre. Tragiquement disparue dans l’incendie de son manoir, étrangement situé sur une petite île perdue. Elle peignait des tableaux très dérangeant, très inquiétant. Et vous allez doucement perdre votre lucidité (on est quand même loin du bouquin qui lui s’intitule “The Call of Cthulhu”). L’ensemble perd vite en cohérence quand vous comprenez que cette île reculée, presque morte avec un centre ville en ruine composé de 2 rues, comporte finalement un manoir luxueux, un asile d’aliénés d’une capacité de 30 lits, une galerie d’art, une boutique de livres rares…
La trame est supposée se dérouler dans les années vingt, ça n’empêche pas votre personnage d’évoquer une “crime scène”, d’avoir un médecin qui vous donne l’heure de la mort, de l’électricité anormalement répandue, une aisance étonnante vis-à-vis de la méthode scientifique et une foule d’autres petits anachronismes. Cependant, je vous rassure, il y a un passage avec des membres d’un culte obscur, très orienté pisciculture… ouf, on est sauvé !

Conclusion

Bref, déception importante, à mon sens les développeurs n’auraient pas du tenter d’aller toucher à quelque chose d’aussi complexe que Lovecraft, ils avaient pourtant de l'or dans les mains. L’ensemble « se laisse jouer » mais constitue une expérience trop simple et incroyablement immédiate (c’est la mode en ce moment), sans bug ou défaut majeur cela dit. J’étais mitigé concernant “Vampyr”, mais force est de constater qu’il est étincelant face à ce Call of Cthulhu (je peine à croire qu’ils partagent la même tranche de prix).