Dommage, c'est pourtant très bien

Le fan de la première heure n'a pas de questions à se poser : Borderlands 3 marche obséquieusement dans la continuité d'un genre hybride qui mêle un esprit Hack'n'Slash et RPG supporté par un gameplay FPS. Le mariage consommé il y'a 10 ans se poursuit donc en fanfare, avec un jeu plus riche, plus long, plus abouti dans son gameplay et son endgame mais qui porte également en lui quelques mauvaises surprises, qu'on évacuera sur le champs.

Techniquement d'abord, ça ne va pas. Le jeu a des chutes de framerate (comme dans bien d'autres jeux), rame dans les menus (ce qui est déjà plus rare), efface ses propres sauvegardes (Ah !) et autres joyeusetés moins graves mais tout autant déplorables. Ça a déjà en parti été corrigé, mais ramer dans un menu option ou pour changer d'arme est quand même quelque chose d'assez honteux et impossible à justifier : sans détour, on aurait préféré voir le jeu repoussé de quelques semaines dans une optique de polissage indispensable à un confort de jeu dans la moyenne des standards de 2019, au minimum.

Second point plus difficile à patcher : l'histoire, la narration, l'humour. Personne n'attend d'un Borderlands la profondeur d'un Xenogears ou d'un The Witcher (encore que, pourquoi pas ?), mais entre ça et ce qu'on a ici, il y'a sans doute un juste milieu à trouver : Borderlands 3 donne l'impression d'avoir été écrit par un groupe d'adolescents qui ont vaguement appréciés les deux premiers et auxquels on aurait contraint d'écrire la suite. Factuellement, ça donne des métaphores filées sur le caca, des personnages qui meurent comme ça sans trop qu'on cherche à le justifier, d'autres qui disparaissent plus ou moins du lore, et deux antagonistes principaux qui rivalisent avec les huîtres du Morbihan en terme de charisme. Ils n'évolueront pas de leur psychologie très manichéenne et téléphonée, et ne bénéficieront d'aucun twist à même de leur donner un peu d'épaisseur (en faire par exemple les enfants du Beau Jack n'aurait pas été original pour un sous, et pourtant ça aurait eu bien plus de prestance)

Ces deux défauts ne sont pas des éléments rédhibitoires : le premier pouvant être rectifié et le second n'étant pas central dans un shooter looter, mais je considère pour ce second cas que le charme et l'intérêt d'un jeu passe aussi par ce qu'il a à dire, par la qualité de son récit et de sa cohérence globale. Et pour le premier cas, ramer dans les menus quand on change d'arme, c'est chiant, et donc à souligner.

Heureusement, le reste, c'est bien.

Et c'est même très bien. On reste dans la logique des deux premiers, avec des zones à vider de leur faune locale dans le cadre de quêtes plus ou moins variées dans l'espérance d'avoir un loot toujours supérieur. Qu'est-ce qui permet alors de le démarquer des précédents au point de le considérer comme potentiellement le meilleur opus ?

En synthèse, le jeu est plus long, environ 50 heures pour le "100%" (au moins toutes les quêtes et activités annexes en parcours 1), possède des boss bien plus intéressants et plus aboutis dans leurs pattern et mécaniques globales, le bestiaire lui aussi a été revu et approfondi. Les zones ou biomes sont tous très travaillés et intéressants, Prométhée est selon moi le meilleur environnement (avec le DLC de Tina du 2, on s'entend bien) tout Borderlands confondu et Eden-6 est la réponse parfaite au décevant DLC de la chasse d'Hammerlock : un cadre de jungle luxuriante très finement travaillée et designée, avec en prime un manoir Jakobs somptueux.

Quant au cœur du jeu, c'est là aussi plus abouti : les possibilités de builds sont nombreuses tant les synergies entre les reliques, les mods de classes, les armes et les perks du personnage sont riches. A l'instar d'un Diablo 3, la difficulté en parcours 1 comme en parcours 2 est ajustable par le niveau de Chaos, déblocable en fin de partie à Sanctuary : cela boost le taux de drop tout en ajoutant différents bonus/malus qui augmentent en fonction du niveau qu'on choisi, allant de 1 à 3. L'expérience elle aussi se verra bénéficier d'un boost en proportion de la difficulté, indispensable pour perfectionner son personnage et l'amener aux limites de sa puissance avec le niveau de gardien, débloqué en fin de partie comme pour le Chaos et qui permet d'allouer un point de compétence dans des statistiques divers et variés. Les possibilités d'évolution sont donc beaucoup plus généreuses que par le passé : les activités annexes comme la survie (des vagues successives à décimer) ou tout simplement la chasse au loot qui passe par l'affrontement des boss a donc toujours un intérêt dont le plaisir réside d'avoir un chasseur toujours plus puissant.

Borderlands 3 n'est donc pas le grand Borderlands qu'on aurait aimé avoir : il est le potentiel grand Borderlands qu'on aura. Cette licence se définissant aussi par ses DLC, c'est donc sur le long terme, avec un certain nombre de mise à jour pour rectifier les tares techniques et avec les DLC susmentionnés que le jeu livrera vraiment ce qu'il est : en l'état, il reste un Borderlands digne de ce nom, sans avoir à en douter.