Il s'agit de ma deuxième aventure avec la licence Assassin's Creed après le second volet qui se déroulait dans l'Italie du Quattrocento. Et le moins que l'on puisse dire c'est que Unity réussit là où le deuxième volet échouait, et vice-versa.


Le positif : moins de XXIe siècle et de péripéties avec l'Animus, Abstergo et tout le tintouin qui est, à mon avis, le gros talon d'Achille des jeux Assassin's Creed ; un travail sur l'ambiance, les décors, l'atmosphère, plus important, que je développerai ensuite.


Le négatif : un scénario confus, abscon, parfois proche du fumeux; des anachronismes et bien évidemment, de grandes libertés prises avec l'histoire mais c'est un argument qui concerne tous les épisodes et on n'en voudra pas (ou peu) à Ubisoft, vue la difficulté, voire l'impossibilité de construire un jeu historiquement sans failles. L'idée d'une petite histoire parallèle à la grande est tout de même un peu frustrante...


En tant que chercheur en histoire, les jeux Assassin's Creed me posent pas mal de dilemmes. Je suis obligé de reconnaître qu'il s'agit d'un outil fabuleux pour rendre l'histoire attrayante, entraînant engouement pour une période historique, intérêt et passion. Lorsque je joue à AC, je suspends pour quelques heures mon regard critique et prends beaucoup de plaisir à crapahuter dans les rues de Florence sous Laurent le Magnifique ou du Paris révolutionnaire vu par Ubisoft. Oui, Assassin's Creed Unity n'est pas ou prou fidèle à l'histoire de la Révolution Française, oui le scénario est sans grand intérêt (tout comme les missions secondaires d'ailleurs), mais je dresse quand même des louanges à ce jeu pour le plaisir d'évasion qu'il procure, ce sentiment indescriptible qui mélange imagination et voyage dans le temps et qui anime chaque passionné d'histoire.


Habitant Paris et fasciné quotidiennement par la beauté de cette ville, façonnée par 22 siècles d'histoire, j'attendais beaucoup de Unity. Lors des premières heures de prise en main, on ne sait guère où donner de la tête entre le scénario qui nous trimbale un peu partout, de la Bastille au sommet de Notre Dame et de l'enfance du héros à Versailles jusqu'à la Belle Epoque (!), et des rues parisiennes grouillantes de monde, peuplées par des citoyens plus ou moins hostiles.
Il faut attendre que le jeu se pose après diverses péripéties pour profiter pleinement de Paris et de l'incroyable ambiance qu'a su créer Ubisoft, car voilà le grand intérêt de ce jeu !


Il n'est pas question de dire que le Paris retranscrit dans Unity colle au Paris révolutionnaire, mais on ne peut que saluer l'atmosphère qui se dégage de cette ville incandescente : la guillotine qui tombe sur la place de Grève sous les hourras de la foule, le calme et le luxe qui se dégagent des hôtels particuliers vides de leurs habitants aristocrates (une pensée pour les récalcitrants qui risqueront de finir la tête au bout d'une pique) et, à contrario, la misère qui se dégage de certains quartiers, les chants révolutionnaires ("Le chant du départ", "ah ça ira", "la guillotine permanente", "la marseillaise", "la prise de la bastille", "la carmagnole" etc.) dont les clameurs résonnent à travers les rues de la capitale, les charrettes pleines de guillotinés, les vendeurs ambulants, les slogans "la liberté ou la mort" (inventé par le Club des Cordeliers), la garde nationale prise dans la zizanie des affrontements et d'une population paranoïaque. Vous remuez tout ça et vous obtenez un cocktail explosif et une ambiance unique, qui ,à mon sens, sont le gros point fort du jeu.


La réalisation de la ville de Paris est également une grande réussite, avec des perspectives sublimes et des panoramas dont on ne se lasse pas. La diversité des quartiers parisiens est également très intéressante (Marais, île Saint-Louis, île de la Cité, Temple, les Halles, Palais Royal, Tuileries, etc.), on s'amuse à essayer de retrouver les rues que l'on connaît, à identifier des bâtiments et s'installe alors un jeu de pistes mêlant virtuel, réalité et imagination qui donne au domaine du jeu-vidéo une épaisseur digne d'un roman.


Comme un grand film, une grande BD ou un bon livre qui titille notre curiosité, j'ai eu envie de me documenter sur le sujet pour chercher une (encore) plus grande imprégnation, quitte à frôler la cybercinétose. Musique (chants révolutionnaires), cinéma (les films de Robert Enrico et Heffron, "Le Souper", "Royal Affair", les souvenirs des films vus... [en attendant "Un peuple et son roi"]), lectures ("Nouvelle Histoire de la Révolution Française" de Jean-Clément Martin) et autres documentations ; j'ai étudié tout ce que je pouvais sur la période durant le temps que m'a laissé le jeu avant de le terminer. Je ne peux m'empêcher de penser à d'autres expériences ludiques et culturelles qui furent animées du même sentiment, mais également à celle d'un très bon ami à moi atteint par les mêmes symptômes sur le second volet de la licence. Celui-ci s'est même rendu autrefois en Italie, sur les traces d'Ezio Auditore et des Borgia, entreprenant un périple de Florence à Rome, regardant la série de Neil Jordan et achetant "Le Prince" de Machival (un gros poil dans la main stoppant sa lecture à la quatrième de couverture).


Oui, le jeu-vidéo est une oeuvre culturelle comme une autre, et quand il est un instrument d'ouverture d'esprit et de découverte, je suis toujours prêt à le défendre.

Matthieu_Aussudre
7

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Créée

le 31 juil. 2018

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