La frénésie Assassin’s Creed est lancée, Alea Jacta Est

Après le formidable succès d’Assassin’s Creed 2, plutôt que de se concentrer pleinement sur un troisième épisode dans un nouveau contexte historique, Ubisoft préfère disperser ses forces pour capitaliser sur sa licence en prenant le temps d’explorer davantage l’univers de la renaissance italienne posée par le deuxième opus en créant une sous-saga Ezio au sein de la saga AC, Brotherhood en étant le deuxième épisode, pendant que le contexte historique suivant est préparé sur du plus long terme. On peut le voir comme une solution de facilité puisque Brotherhood se repose grandement sur l’épisode précédent, mais comme une prise de risque puisque la saga ne compte pas sur le seul changement de décor et d’époque pour capter l’intérêt.


Dans tous les cas, cette fraternité marque le début de l’annualisation de la franchise avec Ubisoft qui sortira au moins un Assassin’s Creed par an jusqu’en 2015. Ainsi, Assassin’s Creed Montréal dirige toujours le projet mais y associant Québec, Singapour, Bucarest et Annecy.


GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★☆☆☆☆


Autant le dire d’emblée, aucune évolution majeure n’est vendue par cet épisode qui entend davantage fluidifier la proposition précédente que d’en revoir les principes. Les ajouts visent tous à être pris en main facilement et à permettre d’éliminer rapidement et en toute sécurité la plupart des menaces que l’on pourra rencontrer avec la possibilité d’enchaîner les exécutions au corps-à-corps ou le tir à l’arbalète à distance, alors que la disposition de systèmes de poulie et de palan permettra de rejoindre des hauteurs en un éclair pour le parkours. Même le système d’assassins que l’on peut recruter et qui fut la principale innovation communiquée rejoint cette philosophie de fluidifier le gameplay puisqu’il offre simplement un moyen facile et imparable supplémentaire pour décimer l’ennemi sans effort, littéralement.


Reposant ainsi sur les bases de l’épisode précédent, mon avis n’a que peu évolué sur le fond. Par exemple, les quêtes les moins intéressantes comme les filatures sont des phases très récurrentes dont on aurait pu se passer alors que les tombeaux de l’assassin laissent place aux temples de Romulus pour des donjons annexes réellement aboutis qui manquent peut-être en nombre mais qui sont de vraies réussites. Parmi les phases de jeu originales on retrouve un peu de tout, pour le meilleur comme pour le pire, comme l’utilisation de canons, plus brouillonnes qu’autre chose, la séquence de bombardement, technique et plaisante, le tir depuis le chariot mitrailleur, trop assisté pour être intéressant manette en main, le combat en char, a minima technique et très défouloir… Comme vous le voyez, ça souffle le chaud et le froid constamment, les traces supplémentaires d’un développement trop éparpillé à mon sens.


De manière générale, la gestion de la difficulté est assez bancale. Soit on se passe des défis annexes pour la synchronisation totale, ajouts de cet épisode, et il n’y a tout simplement aucun challenge dans toute la trame principale. Soit on s’impose ces défis annexes qui pour certains ne pardonnent pas la moindre erreur sur plusieurs minutes de jeu (speedrun, no damage, total stealth…), erreurs que le jeu provoque à foison avec les bugs historiques du gameplay qui ne sont toujours pas corrigés, et comme ils ne se sont pas fatigués à les rectifier, je ne vais pas me fatiguer à les répéter.


Sans compter bien sûr que ces défis annexes peuvent être contradictoires avec d’autres mécaniques de jeu et le scénario (speedrun alors que des trésors bien utiles serait à glaner lors de phases d’exploration et qu’il n’y a aucun sentiment d’urgence) ou encore que les objectifs puissent être mal énoncés (ne tuer personne signifie n’assommer personne également, tuer depuis un banc exclu de donner l’ordre d’assassiner depuis le banc…). Il y a bien quelques défis intéressants et qui ne seront pas pourris par un bug, comme ne pas se faire repérer ou ne jamais toucher le sol et donc réellement appréhender le level-design intelligemment pour une véritable approche furtive et/ou acrobatique, mais ils sont minoritaires.


Les investissements en ville succèdent convenablement à la villa à personnaliser et la progression des recrues confortent un peu plus le sentiment d’addictif de l’expérience de jeu. Bien que ça ne soit pas très intéressant à faire, on a toujours plein de micro-actions offrant de micro-récompenses, bien qu’elles ne soient pas très utiles à glaner, le même symptôme que son prédécesseur. Quant à l’ajout de modes de jeu multijoueur, était-ce réellement pertinent de disperser ses efforts sur un aspect qui me semble très anecdotique, je n’en suis pas certain, même si je sais que certains joueurs l’ont apprécié.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆


La première heure de jeu est un festival de mise en scène spectaculaire, en cinématique comme en jeu, mais finalement les standards de la saga reviennent très vite, ce grand spectacle étant réservé à cette introduction, ce qui n’est pas un mal. Assassin’s Creed n’a nul besoin de ces artifices pour impressionner en raison de ses environnements se suffisant en eux-mêmes. Dans la lignée de son prédécesseur, quelques efforts sont faits pour renforcer cette mise en scène lors des combats avec des effets de zoom ou de ralentis supplémentaires pour mieux apprécier la chorégraphie des affrontements, mais rien de vraiment notable en comparaison de la précédente aventure.


Si Florence et Venise étaient d’excellents choix de villes à parcourir dans la Renaissance Italienne, le focus sur Rome, teasé à la fin du précédent épisode est plus que pertinent, c’était la ville incontournable de l’époque et elle pouvait assurer le rôle ambitieux de quasi unique ville explorable du jeu, trois fois plus vaste que Florence, arborant beaucoup de végétation et de relief dans ses alentours. Evidemment, l’exploration comme les missions scénarisées tirent pleinement parti de ce décor avec une pièce de théâtre jouée au sein du colisée qu’il nous faudra escalader puis infiltrer, une mission d’assassinat à réaliser dans la basilique Saint-Pierre…


Je comprends qu’on puisse être déçu du manque de voyage avec cette ville unique mais pour ma part je l’accepte très bien. Une bonne preuve de ça c’est que malgré l’ajout de points de téléportation sur la carte en raison de son exceptionnelle grandeur pour la saga, je ne les ai quasiment jamais utilisé, ce qui est à porté au crédit du gameplay qui invite à faire des choses sur le trajet mais aussi parce qu’il est simplement agréable de déambuler dans Rome pour toutes ces qualités esthétiques.


Si le chara-design préserve toutes les qualités de son prédécesseur et constitue une force majeure du jeu, en toute logique, je regretterai tout de même que celui-ci n’évolue pas assez avec les années s’écoulant depuis 2 opus alors que ça aurait pu servir à mieux se rendre compte de cette avancée dans l’Histoire qui était déjà trop discrète dans l’épisode précédent. Mais bien entendu, c’est un reproche très secondaire parce qu’encore une fois c’est de très grande qualité.


L’OST est toujours composé par Jesper Kyd qui reste de grande qualité sans surprise, intégralement orchestrale et empruntant bien des instruments authentiques de la Renaissance et parfois originales comme des claquements de drapeaux en guise de percussions, adaptative avec les musiques d’ambiance changeant selon les quartiers de la ville… le piège de la copie conforme sur Assassin’s Creed 2 est évité au profit d’une OST toujours aussi cohérente avec son univers et profitant de sa propre identité.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆


L’intrigue repart très vite sur le même schéma narratif parfaitement conventionnel et très frustrant du héros qui sous-estime son adversaire pour lui donner une chance de recréer des enjeux dramatiques en mettant en danger ou en tuant les personnages qui ne sont clairement là que pour ça. Ce ne sera pas d’ailleurs la seule fois où notre personnage fait un choix stupide et que le jeu nous interdit de faire autrement. Sans aller jusqu’à proposer des choix, ce qui n’est ni dans la philosophie du jeu ni dans ses promesses, simplement mieux écrire pour justifier la construction du scénario dans le respect des grandes lignes historiques aurait été souhaitable.


La plus grande force du scénario restera le traitement de ses personnages historiques hauts en couleurs alors que les guerres d’Italie battent leur plein avec les Français partant à la conquête de territoires italiens, les Borgia conspirant pour étendre leur influence… Et ça donne des personnages secondaires toujours aussi charismatiques chez nos alliés comme chez nos ennemis, issus de l’épisode précédent ou inédits à celui-ci, inspirés de personnalités réelles ou très fidèles à l’histoire, sauvant en grande partie l’intrigue globale qui se repose beaucoup dessus.


Il est aussi dommage que de très bonnes idées ne soient pas plus exploitées comme moteurs de l’intrigue comme le principe de réduction de l’influence des Borgia à notre profit auprès de la population romaine ou encore la naissance et le développement de la confrérie. En cours de jeu, davantage de scènes, de dialogues tenant compte de l’avancée de ces mécaniques aurait permis d’en améliorer le feed-back. En fin de jeu, un soutien populaire massif pour résoudre une situation inespérée, la planification d’une série d’assassinats en simultané pour réaliser une manœuvre impossible seul… aurait permis de donner plus de sens à ce que l’on pourrait estimer comme étant le fruit de notre travail sur tout le jeu.


Au lieu de ça, on a une fin qui tire sur la longueur, qui n’exploite aucunement ces mécaniques centrales dans notre progression… pour un impact dramatique très quelconque, franchement dommage. Enfin pas exactement, parce que la fin dans le présent est très impactante pour le coup mais dire que qu’elle a stagné tout du long pour en arriver là n’est même plus un doux euphémisme à ce niveau-là. Et puis c’est encore un twist final précipité qui aurait mérité bien plus de temps de préparation et qui déçoit en se terminant de nouveau à un moment où on a l’impression que les enjeux commencent à se développer.


Par ailleurs, que ce soit par les flashbacks ou les discussions avec les mourants, si elles peuvent s’accompagner de moments forts ou tout du moins intéressants, la plupart du temps cette construction narrative n’apporte rien, la narration reste très simpliste et ce n’est pas non plus là que la série progressera. En fait comme beaucoup de choses, Brotherhood fait au moins aussi bien qu’avant mais il n’a pas les ambitions de franchir de nouveaux seuils qualitatifs et ça va être l’esprit de ma conclusion.


CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆


Frôlant le succès commercial et critique du deuxième opus, le choix d’Ubisoft de lancer avec ce Brotherhood une production frénétique d’épisodes intermédiaires est conforté. Si je ne peux que reconnaître que le divertissement reste assuré malgré toutes les critiques que je peux en faire, je ne peux également qu’imaginer ce qu’aurait donné un Assassin’s Creed 2 avec cette année de développement supplémentaire, mêlant Florence, Venise et Rome, se concentrant sur ses missions les plus réussies, se débarrassant de son contenu superficiel, développant son concept de fraternité d’Assassins à développer au fur et à mesure de l’avancée en âge d’Ezio… Mais il faudra se contenter de cette petite suite qui demeure bien sympathique une fois qu’on accepte la limite de ses ambitions.

damon8671
7
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le 10 févr. 2024

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damon8671

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