Still. Not. Bitten.

Autant être direct : ce premier épisode de la deuxième saison de The Walking Dead version Telltale est une claque, une expérience vidéoludique inégalable tant les joueurs n'avaient jamais pris à ce point part aux décisions des personnages qu'ils incarnent, où chaque pas dans ce décor apocalyptique désormais familier mais toujours aussi angoissant est susceptible de faire frisonner, où chaque choix se voit empesé d'une portée morale indéfectible et impossible à résoudre, où chaque mort s'ajoute à une longue liste de traumatismes dont le deuil semble s'étirer indéfiniment. A ces quelques mots, les joueurs ayant vécu cette expérience inoubliable qu'était la première saison penseront qu'il s'agit d'une redite, que ces quelques superlatifs ne sont aucunement la preuve d'un renouvellement, voire d'une saison supérieure à la précédente. Pourtant Telltale semble bien parti pour réussir cet exploit.

Clémentine. Quelle idée brillante, audacieuse, et quelque part logique de reprendre la route en sa compagnie, mais en termes de gameplay, d'implication émotionnelle, et d'histoire, était-ce un choix justifiable ? Quelques minutes suffisent à répondre oui : d'emblée, Telltale nous place à hauteur de la jeune fille, dont le fait de pouvoir contrôler les mouvements est en soi une tâche terriblement lourde à accepter pour le joueur. Avec sa scène d'ouverture magistrale dont je tairai le moindre détail pour que chacun en apprécie la beauté et la cruauté renversante, le joueur n'est plus Lee et celui qui devait protéger une petite fille, il est cet enfant marqué à jamais par le deuil, dont chaque pas est vécu comme une souffrance du fait de cette cruelle absence. L'interface a par conséquent changé : plus belle et ergonomique, la plupart des choix sont directement présents à l'écran (plutôt qu'y accéder en approchant la souris, même si cela arrive encore de temps en temps), et Clémentine doit choisir son camp rapidement ; franchira-t-elle des portes où l'inconnu peut surgir, qui est le plus apte à la protéger, saura-t-elle faire ce qui doit être fait pour survivre ? Dans une scène violente et incroyablement douloureuse, Telltale poussera le vice jusqu'à forcer le joueur à accomplir chaque geste nécessaire à la survie de la jeune fille ; à aucun moment nous ne quittons son point de vue, et par conséquent, durant tout l'épisode, l'émotion atteint des sommets à une vitesse affolante.

Il serait hautement traître de dévoiler l'intrigue remarquable que Telltale propose pour introduire cette deuxième saison. Si certains y verront bien un épisode d'introduction et assez contemplatif dans sa première partie, sans doute faudra-t-il noter le travail accompli sur la mise en scène et le cadrage de chaque plan : un seul suffit pour être lourd de sens, donner une information que les dialogues, comme d'habitude brillants, tairont. L'ensemble est d'une beauté visuelle à couper le souffle : les graphismes semblent plus fins, fluides et fouillés, mais cela a toujours une conséquence sur le récit, d'une forêt dense et oppressante à des pièces éclairées à la bougie permettant des scènes plus intimistes, en passant par cette rivière qui occupe l'écran d'accueil du jeu et revient sans cesse dans l'intrigue, le courant semblant symboliser ces choix auxquels le joueur est sans cesse confronté sans pouvoir arrêter le temps, se laissant emporter vers des décisions toujours plus regrettables. Notons peut-être un point qui s'annonce comme le fil rouge de cette saison 2 : l'arrivée de l'hiver, la marche vers le nord et les montagnes, vers des lieux encore plus isolés et dévastés, où peut-être Clémentine trouvera l'effort de faire son deuil et enfin trouvera un foyer. Nous n'en sommes pas encore là bien sûr, mais ces quelques indices disséminés dans l'épisode sont prometteurs, semblent montrer que Telltale a déjà un sens de la finalité, de la progression dramatique.

C'est en cela que ce premier épisode est formidable. Des scènes d'action sous haute tension à ces fameuses séquences dialoguées en passant par des moments contemplatifs, non seulement on retrouve les points clés de la première saison, mais on sent aussi que cette fois le périple sera plus sombre, dangereux, et probablement dévastateur dans ses derniers instants. Pas de doutes : le jalon qui est aujourd'hui posé est déjà la marque d'une grande oeuvre.