Après des millions d’années d’évolution, les animaux ont évolué et dépassé leur statut de proie et prédateur. Zootopie symbolise cette évolution en rassemblant toutes les espèces qui peuvent vivre en harmonie. C’est aussi la promesse de dépasser la condition de son espèce pour devenir ce que l’on veut. Séduite dès l’enfance par cette idéologie, Judy, un lapin, entend bien ne pas devenir vendeur de carottes comme sa très très nombreuse famille et devenir agent de police, même si par leur petite taille cette fonction ne leur est normalement pas destinée. Mais ces idéaux quelque peu naïf vont se heurter à une réalité tout autre, où les préjugés sur les espèces et les vieilles peurs n’ont pas disparu…
L’histoire commence donc de manière assez classique, avec l’initiation d’une jeune personne portée par ses rêves et qui se heurte au scepticisme de ses pairs et à de nombreux obstacles, qu’il arrive à surmonter par sa détermination sans faille, aidé par quelques alliés qui finissent par compatir. Judy se lance, au grand dam de son supérieur, dans la recherche d’une des 14 personnes disparus, ce qui finit par l’entraîner dans une affaire bien plus importante qu’elle n’aurait pu l’imaginer, une affaire qui pourrait bien chambouler tout Zootopie. Comme une enquête policière, elle recueille des indices, interroge des suspects potentiels, suit des pistes. Elle embarque malgré lui Nick, un renard charismatique et beau parleur spécialiste de l’arnaque, qui finit malgré lui par se rallier à sa cause. En dépit de sa méfiance instinctive, elle finit par lui faire confiance.
Par son courage et son idéalisme, Judy est une héroïne très attachante, et le tandem qu’elle forme avec Nick, entre apprivoisement mutuel, échanges de vannes et complicité est efficace.
La suite va cependant revêtir un aspect intelligent que l’on n’attendait pas vraiment.
En effet, un scandale lié à des prédateurs fait ressurgir les peurs anciennes. Les proies sont inquiètes, huent les anciens chasseurs qui clament leur innocence. Inutile de pousser bien loin la réflexion pour réaliser que l’histoire est d’une actualité criante, où les préjugés et l’inquiétude que suscitent les prédateurs renvoie à une communauté bien précise. Mais en guise de mauvais comportement, l’on s’aperçoit que même les mammifères peuvent s’avérer tout aussi cruel, et que même l’héroïne porte malgré elles des préjugés.
Et que serait un dessin animé Walt Disney sans humour. Et niveau zygomatiques, « Zootopie » envoie du lourd et enchaîne les séquences humoristiques à même de déclencher une bonne rigolade qui vient du cœur. C’est quelque chose d’assez particulier que d’entendre toute une salle rire de concert (et pas que des enfants loin de là !). Un humour recherché ni trop enfantin ni ridicule, que ce soit les loups qui hurlent, le parrain version petite taille, les voisins bruyants, les policiers fans de Shakira version gazelle, sans oublier bien sûr les fameux paresseux ! Les jeux de mots abondent, les références sont nombreuses, à d’autres Walt Disney et d’autres (je crois avoir été le seul à rire devant une allusion à Breaking Bad !).
Niveau décor, « Zootopie » n’est pas non plus en reste, et regorge de trouvailles visuelles. Car une ville conçue pour autant d’espèces de tailles, de morphologie et d’environnements différents se doit de posséder des équipements bien adaptés. Que ce soit les trains avec des wagons de 3 tailles différents, les tubes transporteurs, les transports en commun sur la banquise, Zootopie se découvre avec le même regard émerveillé que l’héroïne si l’on a su garder son âme d’enfant. Et de constater, là aussi, que les animaux ne peuvent se passer des téléphones portables. Preuve s’il en était encore, que nous sommes plus proches d’eux qu’on ne veuille bien le penser…
Impossible de parler du film sans évoquer la chanson « Try everything » de miss Shakira, que l’on entend à plusieurs reprises, si bien que cela donne limite un côté promotionnel… mais la chanson est appropriée, entraînante et participe à la bonne humeur que suscite le film, sans oublier son apport comique, alors pourquoi se plaindre !
Même la morale se veut un peu moins naïve qu’à l’accoutumé. Car Judy comprend que dans les faits on ne dépasse pas aussi facilement sa condition initiale, qu’il faut plus qu’une détermination aveugle. Le changement, qu’il soit à l’échelle individuelle ou collective, se fait par étapes, pas à pas. Mais ce qui compte c’est d’essayer. De quoi reprendre une citation bien connue de Gandhi : « sois le changement que tu veux voir dans le monde ».
Merveille visuelle et pépite d’humour, « Zootopie » se veut aussi le reflet de notre société, au travers du prisme animal comme l’avaient pu être les fables de la fontaine, ou encore « la ferme des animaux ». Mais que l’on soit intéressé ou non par ces thématiques, « Zootopie » c’est avant tout une bonne histoire et un très bon moment.
Je me montre peut-être un peu trop enthousiaste à comparer avec des grandes œuvres littéraires, mais si j'en juge que le film a été applaudi à la fin, je ne suis pas le seul!