Francis se réveilla en sursaut, la face tuméfiée et le regard hagard. Il se trouvait dans sa minuscule salle de bain, qu'une seule ampoule venait faiblement éclairer. Ça puait sévère... Francis se fichait habituellement des odeurs, d'ailleurs rien ne le faisait plus rire que ses propres flatulences, aussi grasses soient-elles, mais là, il ne pouvait s'y tromper, cela ne venait pas de lui. Une fois sur les genoux, Francis put regarder autour de lui, reniflant dans toutes les directions comme un cabot. Devant lui s'étalait une marre de merde. Pas juste une trace ou une flaque, souvenir d'une gastro mémorable, non, une marre de merde. « Oh putain ! », s'écria-t-il en tombant à la renverse, se cognant au passage contre une lunette de toilette beaucoup trop poisseuse et humide. Les chiottes étaient dans un état misérable ; quelqu'un, ou plutôt quelque chose, avait bouché le tout d'un amas brunâtre fleurant bon la pisse et le vomi. Francis en avait vu d'autres des champs de bataille, aussi se trouva-t-il un minimum de contenance pour ne pas dégobiller sur place. Il se tint contre le mur, se malaxant le visage de sa main tremblante. Par chance, sa peau n'était maculée d'aucune substance. D'où venait ce carnage et surtout quelle heure était-il ? Au moins midi, du moins il n'était pas certain. Il y avait eu une bringue la veille, ou peut-être deux, il ne savait plus... Quand son colocataire, Marvin décidait de faire venir sa troupe d'énergumènes, on avait facilement la mémoire courte. Et pourtant malgré la soirée qui avait dû se prolonger tard, il n'entendait pas un bruit provenant du reste de l'appartement. Francis était inquiet pour ne pas dire effrayé.


Comme une fulgurance, Francis se rappela d'un détail tandis qu'il parvenait enfin à se tenir sur ses deux jambes : ils avaient tous regardé un film. Zombie Ass que ça s'appelait. Francis en était a peu près certain car c'était lui-même qui l'avait conseillé à Marvin, en fin cinéphile qu'il était. La jaquette du DVD l'avait bien excité il faut dire, les trucs crades ça lui parle toujours au Francis. Tout en enjambant la marre de diarrhée qui devait bien faire trois centimètre de profondeur, Francis heurta la porte de la salle de bain et valdingua à l'extérieur sur le pallier. Ce qu'il découvrit chez lui le fit tressaillir tant le choc l’empêchait de hurler ; devant lui, étalé contre la porte, un homme était nu. Des hommes nus il en avait souvent vu le Francis, et en action par Osiris et par Apis. Seulement l'homme n'était pas que nu, il était mort, du moins aussi mort qu'on pouvait l'être sans sa tête. Si le corps était aspergé d'un mélange de sang et d'organes en putréfaction, ce qui sautait aux yeux était la cavité laissée par la décapitation du bougre. Le cou était ouvert et creusé comme un bol géant, chose somme toute peu commune. A l'intérieur, on ne pouvait rater le superbe étron qu'un type avait lâché sans classe aucune. Instantanément, Francis se courba et vomit sa galette à même le tapis. « Mais qu'est-ce qui s'est passé, putain ? », beugla-t-il alors qu'il déambulait dans l'appartement au milieu d'autres cadavres sur lesquels on avait laissé un petit cadeau fumant. Sur la table basse, au milieu de portables explosés, Francis tomba sur le fameux DVD de Zombie Ass. Tout en tournant la jaquette, ses souvenirs revinrent peu à peu...


*


Mon dieu ce qu'il est difficile de parler de ce film sans devenir vulgaire... Non pas du fait du caractère très limite de l’œuvre mais parce que dès son commencement, on en prend plein la gueule niveau absurdité. Entre le père qui tabasse un zombie pour qu'il vomisse dans la bouche de sa fille, le type qui s'excite sur une nana qui aide un autre gars à dégobiller (« ce mec y gerbe comme un dieu, c'est la classe » : vrai script je vous assure) etc. Bref, ça commence très mal, si bien qu'on ne sait absolument pas de quoi ça cause cette affaire. On a bien une héroïne en uniforme d'écolière, Megumi, dont la petite sœur vient de décéder. Afin de faire son deuil la gourgandine décide de partir en road trip en compagnie de deux trois copains : il y a le geek habituel muni d'une délicieuse coupe au bol et d'un surjeu effarant, un autre mec constamment défoncé alias le queutard de service, la nana aux gros seins et sa copine dont on se fiche bien. Pour l'instant ça s'arrête là niveau subtilité vu qu'on nous cause déjà de bouffer des vers à même la rivière.


La nana aux gros seins bouffe son ver, ça fait vomir l'héroïne, le queutard a envie de se la taper, il se fait défoncer les parties à coups de pieds mais qu'importe car des bruits suspects proviennent de la forêt. Un vieil homme titubant en sort. Sans plus attendre le queutard va à sa rencontre...et se fait bouffer le doigt ! Les gardes champêtres n'ont décidément aucun respect. Pas le temps de se remettre de leurs émois que la petite bande observe l'héroïne défoncer le malotru d'une prise aérienne. Une fois mort pour de bon c'est la panique qui les gagne, d'autant plus lorsque la bagnole est volée, les laissant ainsi seuls au milieu de nulle part... Enfin il y a bien une maison abandonnée plus haut, ce qui est pratique pour ne pas les faire errer trop longtemps. Surtout qu'il y a urgence ! En effet, madame aux gros roberts a terriblement envie de déféquer, le ver lui ayant légèrement retourné le bide. La scène est surtout propice à nous envoyer tous les types de pets imaginables en plus de nichons proéminents et de cris de douleur. Chacun ses penchants, ce n'est pas moi qui vais vous juger...


Quelque chose se prépare, vous le savez tous bande de coquins. Notre amie est dès lors sur le trône à pousser des gémissements, l'anus apparent. En contrebas, dans la fosse, une masse s'agite. De l'amas fécale qui remonte à la surface, un visage se dessine. Puis c'est une main qui en vient à jaillir du trou pour aller donner la fessée à notre semblant de personnage. Inutile de vous préciser que son joli fessier et de suite barbouillé de merde. Si le spectateur lambda commence vraiment à avoir la nausée, il a également envie de savoir jusqu'où ira le délire.


Bientôt, un tas de types, couverts d'excréments et gerbant à tout va un liquide orange, sortent des toilettes de jardin, au grand dam du bon goût. Ce dernier est définitivement enculé lorsque le ver précédemment avalé par la fille aux gros seins en vient à ressortir par son fondement sous la forme d'une bête immonde. Vous allez bien ? Vous êtes dégoûtés par si peu ? A vrai dire j'aimerai beaucoup m'étendre en de longues tirades sur toutes les absurdités et le surjeu des acteurs mais il serait criminel de tout vous révéler. Ce qu'il y a, c'est que la plupart des effets nanardesques sont presque impossibles à décrire tant ils sont surtout visuels (sachez seulement qu'il est possible de chier par le crâne, ce Zombie Ass le prouve). Les viscères sautent partout, ça dégobille, ça jette de la crotte dans tous les coins et nous, dans tout ce florilège, nous sommes à mi-chemin entre la crise de fou rire, la consternation et le malaise le plus total. Peu d’œuvres procurent pareil combo d'émotions.


Petite parenthèse avant de conclure, en milieu de film on a droit à un flash-back sur le suicide de la petite sœur de Megumi, Aï et c'est marrant parce que, tu vois,quand elle voit sa sœur se jeter du haut du gymnase, Megumi crie « Aïe ! ». C'en est tordant. Enfin non c'est très nul mais bon pour un truc qui s'appelle Zombie Ass ça se pose là.


En définitive, regarder Zombie Ass est une expérience unique en son genre quoi que vous pouvez en penser. On a beau se retrouver face à un délire japonais totalement assumé, on reste néanmoins dans le schéma classique du film de série Z ; des personnages aux personnalités plus ou moins diverses se retrouvent retranchés dans un espace qui semble se refermer de plus en plus avec pour principale menace le zombie décérébré comme critique sociétale assez ouverte. En mettant de côté la qualité de l'esthétique fécale de l’œuvre, Zombie Ass ne s'avère pas être un mauvais bougre. Bien des effets sont stupides et clairement dérangeants, cependant le décalage fonctionne sur un ton humoristique, certes, mauvais mais qui ne trahit jamais la volonté du réalisateur de divertir son monde. Le film n'a aucune prétention, même si on pourrait certainement voir tout un tas de symboliques dans la surenchère de fluides déversés. Maintenant à qui conseiller pareille chose ? M'est avis que le public s'avère restreint. Ce n'est peut être pas plus mal après tout...


*


Francis se souvenait de tout désormais. Il se souvenait d'un Marvin tellement imbibé d'alcool qu'il en aurait sué, sortant des toilettes la veille au soir. Il tenait des propos incohérents comme quoi il avait vu un truc sortir des water pour lui chatouiller l'anus. Dans un autre jour, un autre lieu, Marvin aurait subit les quolibets de ses camarades mais cette nuit là il y avait Zombie Ass sur le poste de télévision... Les soiffards l'avaient regardé avec horreur et dégoût, se palpant le ventre comme s'ils s'attendaient tous à y voir se balader un ver. Un silence de mort s'était abattu chez eux tandis que le générique de fin servait de fond sonore au malaise. Francis se souvenait également avoir émergé dans la cuisine avec une bouteille de téquilla quasi pleine. Pour se gagner le cœur de la foule il avait proposé à cette dernière de servir des verres, autant qu'il en faudrait, pourvu qu'ils les ingèrent tous. N'entendant que le son ''ver'', les copains de Marvin s'étaient mis à crier dans tout l'appartement, brisant meubles et téléphones, se jetant les uns sur les autres, de peur de se retrouver contaminé. La suite des événements avait été nettement plus confuse.


Francis se tenait dans le salon, le DVD en main, apeuré par le pouvoir de sa cinéphilie.

Fosca

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