Il fallait bien que ça arrive. Après un trio de longs métrages remarquables de par leur humanisme larvé sous le cynisme du monde et de ses héros, Jason Reitman perd un peu l'équilibre et se plante à moitié. En dépeignant la crise de la quarantaine d'une ex-Prom Queen devenue écrivain has been de bouquins pour pubères, le cinéaste trouvait dans ce personnage le ressort idéal pour l'expression de sa vision, tant Mavis Gary s'avère être un personnage hautain, antipathique, égocentrique et difficile à absoudre. Elle est en cela le personnage potentiellement le plus radical que Reitman a eu à traiter, puisqu'elle pousse à l'extrême des traits de personnalité qu'on avait pu retrouver notamment chez Nick Naylor dans Thank You for Smoking. Le film s'attache à nous montrer la personnalité imbuvable de son héroïne, et surtout à la punir pour cela.

La vraie bonne idée du film à partir de là, c'est de confier ce rôle à Charlize Theron, qui envahit l'écran d'une beauté fatiguée à chaque plan. Tout le film est bâti sur elle, et le magnétisme de sa beauté constitue un parfait contrepoint à la posture du scénario : là où elle devrait apparaître comme une peau de vache finie, on essaie sans cesse de lui pardonner, juste pour ses beaux yeux et sa plastique de blonde incendiaire qui devrait mettre le monde à ses pieds. L'actrice signe quand même à l'occasion de ce film l'une de ses prestations les plus marquantes, surtout après une longue absence des écrans qui a duré près de trois ans.

Néanmoins, on touche là à la première faiblesse du film : à ne construire que son rôle principal, Young Adult néglige l'ensemble de son casting secondaire. Les personnages sont grossiers, unidimensionnels et réductibles à un seul trait de personnalité : on a le père de famille honnête, la gentille femme modeste (opposée à l'ex flamboyante), l'ex-tête de turc devenu nerd névrosé... et c'est à peu près tout, tant les autres personnages secondaires sont encore plus insignifiants. La force de Juno résidait dans la capacité à recréer la complexité des conséquences d'une grossesse précoce sur une communauté complète. In the Air opposait à Clooney l'idéalisme d'Anna Kendrick et le cynisme de Vera Famiga. Young Adult n'offre pas du tout la même richesse, le personnage de Mavis phagocytant toute l'action. Seule la prestation de Patton Oswalt amène un brin d'empathie de la part du spectateur, même si on ne sait pas trop si cette empathie vient d'une subtilité de jeu d'acteur ou d'une surdose de pathos dans l'écriture de son personnage.

La faiblesse de la "characterization" conditionne le deuxième gros problème du film, à savoir un scénario un peu faible, linéaire et assez prévisible pendant sa première heure. Seule cette espèce de mini-twist final dans les ciqn dernières minutes venant sortir le film de ses rails tout en le rétablissant dans une forme de statu quo un peu désarmant apporte une touche de fraîcheur au scénario d'une Diablo Cody qu'on aura connue plus inspirée. Toujours aussi malicieuse dans sa restitution de toute une pop culture mi-coolos mi-kitchos (les 4 Non Blondes, quoi!), elle aurait gagné à dynamiser son récit qui tient plus de l'épisode de série télé que du scénario cinématographique complet.

On ressort ainsi du film avec le sentiment d'avoir vu un gentil objet pop pas désagréable pour un sou, un petit bonbon un peu piquant mais qui s'avère assez vite assez fade. A charge de revanche, Jason!
Sharpshooter
5
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le 10 mars 2012

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Julien Lada

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