You People
4.5
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Film de Kenya Barris (2023)

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Décevant.


L'idée de base est bonne, typique de ce genre de comédie, sauf que c'est difficile de faire de l'humour quand on essaie en permanence de ne pas être offensant. Il y a un peu d'autodérision, mais jamais beaucoup.


Le petit blanc est un mec doux et gentil qui ne veut que du bien, assez agaçant de par son style, son mode de vie. La femme, on ne sait pas grand chose d'elle à part qu'elle aime le stylisme et veut faire ça, son personnage n'est pas aussi investi. Les parents sont déjà plus intéressants, car plus caricaturaux, l'auteur ne s'intéresse hélas qu'à un parent de chaque côté, l'autre étant plus là pour donner la réplique ou hocher de la tête. Malheureusement ça tourne vite en rond, l'auteur ne parvient pas à varier les situations et les réactions de ses personnages (dans les limites de leur caractérisation), si bien qu'on a vite l'impression de revoir les mêmes scènes encore et encore, que ce soit la mère qui se montre maladroite ou le père qui est jugeant et intrusif.


Les personnages ont du potentiel et quelques situations sont amusantes, mais la plupart du temps le film est assez paresseux dans son déroulement. La mise en place est très longue et malgré cela, l'auteur coupe le moment clé, c'est-à-dire le dialogue qui va unir les deux tourtereaux : en effet, suite à une réplique, le petit blanc convainc la grande black de rester ouverte à ce qu'il pourrait se passer, et au lieu d'enchaîner avec de bons dialogues qui justifierait leur lien, on passe à un 'instant montage' où on les voit rire durant ce date et à d'autres : un peu facile mais surtout, le lien se créer sans la bénédiction du spectateur qui assiste à tout cela avec beaucoup trop de distance. Dès lors, on s'en fiche un peu que le couple tienne ou pas. L'on comprend qu'il y ait un objectif à atteindre (rester ensemble) mais émotionnellement le spectateur n'est jamais investi. Notons également d'autres séquences trop faciles comme celle du basket, quand le petit blanc finit par s'intégrer comme un ouf, ou encore les copines de la future mariée qui ne supportent pas la maman blanco. Mais le pire du pire reste certainement la manière dont tout se résout à la fin : il suffira d'un petit discours pour que le père comprenne et que la mère se comporte mieux, ça n'a aucun sens ! des gens comme ça, qui sont cons pendant TOUT le film ne peuvent pas évoluer si facilement à la fin. Comme si pour lutter contre le racisme il suffisait de dire que c'est pas bien.


Mais le gros problème du film c'est peut-être aussi sa volonté de bien faire. Le réalisateur profite de son film pour tacler les blancs hypocrites et débiles qui veulent s'agenouiller en guise d'excuses, c'est bien, mais faire dire au héros blanc à la moindre occasion qu'il respecte les blacks, qu'il a compris qu'il ne pouvait pas les comprendre, c'est juste crétin. On n'a pas besoin d'avoir des petites phrases moralisatrices injectées ici et là, gratuitement ou pour être sûr qu'on ne se méprenne pas sur le fond de pensée du personnage. Les noirs sont un peu plus rentre dedans mais là aussi, on sent une morale, une justification dont nous n'avons pas besoin (on a été vos esclaves on a le droit de foutre la merde). On dirait que l'auteur a voulu éviter le côté caricatural que l'on reproche aux films français, pourtant ça fonctionne mieux quand tout le monde en prend pour son grade, plutôt que de donner l'impression qu'en fait ce sont tous des gens bien au fond.


Le message me surprend. A regarder le film on a l'impression que les blancs et noirs ne pourront jamais être ensemble. Pourtant il me semble voir beaucoup de couples métisses pour qui ça marche. Alors pourquoi un tel acharnement avec en plus une généralisation de se phénomène (contradictoire en plus puisqu'on nous dit que le grand-père de l'héroïne est blanc). En plus c'est vraiment parfois des prises de têtes extrêmes, des attaques des deux camps, à aucun moment on ne sent les différence couler naturellement et donc les disputes venir d'elles-mêmes, non tout paraît forcé. Aussi forcé que les répliques lisses des personnages.


Est-ce que le couple tiendra ? Je ne pense pas. Parce que l'auteur fait un curieux choix : ce sont les parents qui décident de tout. En soi, c'est un sujet intéressant à couvrir et si c'est fait volontairement, ça peut être très bien. Ici, j'ai l'impression que l'auteur ne s'est même pas rendu compte de ce que cela signifiait. Parce que durant tout le film on comprend que les conflits viennent des parents, ok. Mais la résolution vient aussi des parents. Sauf qu'on nous vend ça comme une victoire du couple. Sans cynisme. Alors que c'est quand même triste et il aurait été bien de vraiment souligner le fait que ce soient les parents qui ont sauvé les pots, parce que leurs abrutis de gosses sont des débiles incapables de se prendre en main. Franchement, il ne faudrait pas grand chose pour que le film soit bon : montrer que leurs choix sont désastreux plutôt que de dire "mais non c'est bien, ils suivent leurs rêves ça finira par bien se passer pour eux (et c'est le cas, de ce que l'on voit brièvement à la fin) " ; montrer que ces jeunes adultes ne parviennent pas à se déconnecter de leur héritage culturel et que plus ils essaient plus ils s'enferment dans une pensée extrémiste, au lieu de ça on va parler d'identité de chacun, valoriser chacun pour sa culture, interdit de dire du mal de quoi que ce soit. D'ailleurs je me dis que Jonah Hill a bien changé, il est l'opposé de ce qui l'a fait connaître.


La mise en scène n'est pas vilaine en soi, les costumes et décors sont bien choisis par rapport aux personnages. Mais bon, on est face à deux familles bourges qui jouent à la plus misérable. Alors qu'ils ont tous des maisons incroyables, même quand ils n'ont pas de boulot, ça n'a absolument aucun sens en fait. Les acteurs font bien le boulot mais font toujours la même chose, le pire rôle étant celui d'Eddie Murphy qui n'a que peu de répliques amusantes et qui doit se contenter de froncer les sourcils. Julia Louis Dreyfuss apporte beaucoup au film, elle est toujours pétillante et son auto-dérision est magnifique. Les autres font le job mais c'est délicat, ils ne veulent froisser personne. J'ai aussi eu l'impression qu'il fallait le moins sexualiser les personnages, alors ils sont un peu chubby mais surtout ils ont des vêtements qui cachent tout et quand ils s'habille sexy, la caméra reste bloquée sur le visage, les plans d'ensemble sont très courts. Le seul moment où le réalisateur déroge à la règle, c'est quand il filme les copines de la mariée, avec leurs mini tops pour des poitrines abondantes, mais ça reste bref.


Bref, que voilà un film bienpensant et maladroit. Est-ce que l'on peut être comique sans trop taper sur les gens, oui c'est possible, j'ai ri plusieurs fois durant le film, mais il faut avouer que ça limite fortement le potentiel comique et qu'en plus de ça il faut se taper une narration de neuneu.

Fatpooper
6
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le 13 avr. 2024

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Fatpooper

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