2007, au regard du rythme auquel évoluent les préoccupations identitaires actuellement, ça paraît aujourd'hui précoce pour faire un film sur la condition des personnes intersexes. L'œuvre ne manquera heureusement pas de nous rappeler qu'il n'est jamais trop tôt pour diversifier l'apport du cinéma aux mentalités, mais cette marque d'avant-garde, XXY la porte un peu comme une tare.


Il naît cependant d'un lien fort : avoir une actrice intersexe et une réalisatrice aux commandes le dote d'une aura d'authenticité qui le rend assez imperméable à la polémique sans que le scénario ait besoin de prévoir sa défense au détriment de sa forme. Le septième art en sera reconnaissant, et l'on est gratifié d'un scénario loin d'être aussi prudent et gnangnan que la question de l'identité et de la sexualité d'adolescents peut le laisser attendre.


Peut-être à cause d'un regard intersectionnel trop visionnaire, ou bien de la volonté de Puenzo de trop bien parler de tout en peu de temps, l'histoire se balance hélas d'un côté puis de l'autre de l'équilibre, certes très précaire, que lui laissait son délicat sujet. La franchise de la réalisatrice, qui aurait dû lui servir d'alliée de choix, se révèle souvent déplacée. Son regard doux, presque maternel, devient condescendant.


Moins métaphoriquement, son aise pour parler de certaines choses est par moments malaisante, et la manière dont certaines facettes de la crise identitaire sont abordés tête baissée rend le tout cul-cul. Bref, XXY aborde seulement le lien entre les aspects physique et émotionnel de l'intersexualité, sans jamais développer l'un sans l'autre, ni extrapoler intelligemment sur leur interaction, et surtout sans jamais changer de registre.


Car le scénario aurait mérité bien davantage d'ascenseurs émotionnels, de détresse et de douceur, toutes choses qui se retrouvent asphyxiées par des barrières à peine effleurées : la quête de la légitimité, le rejet social, l'agression, l'asphyxie parentale, la maladresse dans la bonne volonté d'un père... Ce sont autant d'aspects bel et bien considérés et mis en scène, ce en quoi il demeure un assez bon film sur l'acceptation, mais rien de plus. Toute son énergie semble avoir été dilapidée à cet effet, et de ce fait, ce n'est hélas pas une œuvre sur laquelle on se repenche avec une très forte incitation à la magnanimité.


Quantième Art

EowynCwper
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le 4 déc. 2020

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Eowyn Cwper

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