Quelque part en Thaïlande, sur la côte, un jeune architecte arrive dans un village où il cherche un hébergement. Ton (Supphasit Kansen) vient travailler à la construction d’un complexe balnéaire, alors que le village présente encore les traces du tsunami du 26 décembre 2004. En témoigne un important bâtiment abandonné et délabré entouré d’une clôture, à proximité du chantier où Ton prend ses fonctions. Le collègue auprès de qui il se renseigne lui recommande de ne pas s’en approcher, le prétendant hanté. Bien entendu, la recommandation aurait plutôt tendance à renforcer la curiosité de Ton.


En arrivant sur place, Ton a demandé une chambre dans un bâtiment peu fréquenté, mais qui est bel et bien un hôtel. Malgré sa taille, le nombre d’employés est relativement faible. A la réception, Ton trouve une jeune femme (Anchalee Saisoontorn) dont il apprend rapidement le prénom : Na. Rapidement, on sent que Ton et Na se plaisent. Mais, Ton ne séjourne sur place que le temps de son travail sur le chantier (seul de la boîte qui l’emploie - basée à Bangkok - à se porter volontaire pour venir dans ce coin quelque peu désert et donc marqué par une catastrophe majeure). Quant à Na, elle fait vivre cet hôtel, entreprise familiale. Ses parents sont morts avec le tsunami, probablement dans le bâtiment à l’abandon que Ton a remarqué à proximité de son chantier. Na a encore un frère qui se prétend bandit et semble se contenter de petits trafics.


Ce film a le mérite d’évoquer la vie après le tsunami. Comme le dit le réalisateur (Aditya Assarat) dans une interview disponible en bonus du DVD, la ville se reconstruit beaucoup plus rapidement que ses habitants qui sont durablement marqués, notamment par la perte de leurs proches. La présence de Ton n’est pas vue d’un très bon œil par ceux qui le voient passer du temps dans le coin, en particulier en compagnie de Na. On pourrait d’abord penser que tout cela n’est pas bien méchant (des jeunes en mobylette qui viennent en groupe faire du bruit et des gamineries devant Na et Ton qui se promènent en voiture). D’ailleurs, Na semble considérer qu’il suffit d’attendre qu’ils passent à autre chose. Mais, on va constater que ce n’est pas qu’un petit jeu et que ce groupe, dirigé par le frère de Na, est capable d’aller beaucoup plus loin.


On ne saura jamais exactement ce que les membres de ce groupe reprochent à Ton. Probablement, le réalisateur espère provoquer un certain ressenti auprès des spectateurs (spectatrices). Ainsi, le tout premier plan montre juste la surface d’une mer et on finit par comprendre qu’il s’agit d’un rêve de Na. Après la projection, on peut se dire que si la mer se montre ainsi envahissante dans les rêves de la jeune femme, c’est parce qu’elle reste marquée par le tsunami, y compris dans son inconscient. Mais la mer qui hante le rêve de Na est plutôt calme, sans doute à l’image de son caractère. Na est douce, presque rêveuse et ses sentiments vis-à-vis de Ton s’expriment surtout par sa présence et sa prévenance. Alors que Ton cherche régulièrement à l’aider, elle lui répète que c’est à elle de s’occuper de ces taches. La douceur et la tranquillité sont sans doute aussi dans le caractère du réalisateur et peut-être même dans un état d’esprit propre à la Thaïlande. Un pays qu’on découvre un peu, lors des escapades en vélomoteur de Ton qui emmène Na. Celle-ci profite tranquillement, agréablement surprise que Ton soit revenu après une semaine à Bangkok pour un point professionnel (« D’habitude, ceux qui ont dit qu’ils reviendraient, ne reviennent jamais »). Mais, on comprend que Ton apprécie la tranquillité qu’il trouve au village, ainsi bien-sûr que le charme de Na. Ils pourraient constituer un joli couple et couler des jours heureux. Mais ce serait oublier la tragédie du tsunami, un drame qui a marqué tous les villageois dans leur chair, constituant de fait une sorte de clan très fermé de celles et ceux sur place au moment du drame, par opposition à tous ceux qui n’ont connaissance des faits qu’au travers des médias (le réalisateur se place dans cette même catégorie que Ton). On peut également imaginer qu’à leurs yeux, la vie et la mort n’aient plus la même valeur qu’avant la catastrophe. Enfin, l’étrange dénouement peut être interprété symboliquement.


Un film au rythme assez lent et contemplatif, au laconisme sans doute voulu pour inciter les spectateurs à la réflexion. La part de mystère qu’il conserve malgré tout contribue à son charme.

Electron
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le 25 mai 2021

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