Persuadé d'être un loup, Jacob est admis dans un centre spécialisé dans le trouble de la zoanthropie (l'identification à un animal) pour guérir...

Comment ne pas penser à la bizarrerie d'un film de Yórgos Lánthimos face à la découverte de cet institut peuplé de jeunes adolescents se laissant aller aux instincts sauvages des animaux qu'ils sont persuadés d'être ? Entre une fille perroquet (qui agit par mimétisme), un garçon berger-allemand ou un autre écureuil, l'incongruité d'une réunion de tels patients aux comportements extravagants va de prime abord peut-être donner lieu à quelques sourires mais la comparaison avec les velléités satiriques du cinéaste grec va vite s'estomper, "Wolf" va en effet privilégier un axe dramatique bien plus prononcé pour s'intéresser au mal-être adolescent qui s'incarne derrière ce retour à l'état sauvage.

Assez intelligemment, le film va poser ce trouble comme un refus, une forme de résistance jusqu'au-boutiste chez ces jeunes, à basculer dans la vie d'adulte à laquelle on les destine (l'animal représentant ici la forme de régression ultime pour échapper aux vicissitudes humaines ou à des traumas d'enfance insurmontables). Incompris par eux, ce "refuge" animal doit être détruit par les adultes pour remettre leurs enfants sur le chemin de ce qu'ils jugent être la normalité (l'analogie avec les camps de conversion/réorientation sexuelle aux États-Unis est évidente). En façade, le quotidien du groupe est ainsi fait de diverses activités et vidéos assommantes cherchant à lui rappeler l'importance de la conscience humaine mais il est avant tout régi par les interventions cruelles d'un thérapeute, aux méthodes tenant également d'une bestialité insidieuse dissimulée derrière ses habits d'humain civilisé.

La montée en puissance des confrontations entre Jacob et ce "gardien de zoo" de plus en plus désinhibé en termes de violence sera le point le plus passionnant de "Wolf", l'affirmation progressive de la régression animale du premier se posant finalement comme seul rempart face à la sauvagerie primaire (et bien humaine) du second. Au fur et à mesure de ses tentatives pour tenter de "dresser" Jack, les fissures de son masque de thérapeute vont définitivement se briser pour laisser place à son véritable visage, celui d'un lion prétendument roi de la jungle et ne cherchant qu'à assouvir sa soif de domination sur autrui (à noter le grand numéro de Paddy Considine à ce moment-clé du film).

En parallèle, s'il va donner lieu à de très belles séquences où George MacKay va exprimer brillamment tout son côté animal en compagnie de Lily-Rose Depp (leur parade nuptiale sur le toit est magnifique d'intensité), le versant romantique se révélera hélas un peu plus faible, exacerbant même le côté inachevé d'un dernier acte qui ne semblera plus trop savoir quoi dire ou aller sinon vers des aspects de cette relation déjà compris avant même qu'ils soient révélés.

Ainsi, au-delà des souvenirs d'un bel univers singulier, de tenants et aboutissants d'un discours exploités en totale harmonie avec lui ou de prestations remarquables (George MacKay est décidément un vrai talent) que laisseront sûrement en mémoire ce "Wolf", l'apparition presque trop abrupte de son générique de fin cristallisera aussi celui d'un film inabouti, trébuchant sur une ligne d'arrivée clairement pas à la hauteur de ses meilleurs atouts. On en montrerait presque les dents par frustration.

RedArrow
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le 19 août 2022

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