T. Edward Shults regarde la jeunesse américaine d'un oeil inquiet et rempli de compassion. Waves pourrait avoir l'apparence d'un énième "coming-of-age movie" ayant pour unique prétention de raconter le passage à l'âge adulte d'adolescents en perte de repères à travers leurs tumultes amoureux. En réalité Waves raconte beaucoup plus.


C'est en affrontant le sujet de l'adolescence d'une manière politique que le film gagne en puissance. La question de l'éducation des hommes est sans doute le sujet central du film. Des hommes soumis à des injonctions d'exceller, de s'endurcir quitte à se blesser, se détruire. Le personnage de Tyler symbolise cette jeunesse prête à se sacrifier pour ne pas décevoir, pour satisfaire les désirs de ses parents. C'est par une gradation de la violence que Trey Edward Shults montre le passage à l'âge adulte de Tyler. La transformation d'une victime en bourreau, symbole d'un masculinisme devastateur. Un homme prêt à éliminer ceux qui l'empêchent de reproduire le destin que ses parents lui ont tracé.


Le film se décompose en deux parties : dans la première la voix du frère monopolise tout, il est question du point de vue de l'homme, toute l'attention est centrée sur lui. Cette première partie se conclut par un climax qui remet tout un système éducatif en question, puis le format du film se réduit pour laisser place à des bandes noires qui rétrécissent notre champs de vision. On ne peut pas s'empêcher de penser à Mommy de Xavier Dolan avec un format carré qui va de paire avec l'état mental du protagoniste qui semble contaminer tout, tout devient oppressant.


Dans la deuxième partie l'enjeu est centré sur la benjamine, comment arrivera-t-elle à grandir face à ce passé que lui laisse son frère. Ce passé que nous avons expérimenté avec elle en première partie du film, nous sommes réellement investi dans la construction de son personnage, nous assistons à son évolution en temps réel. Le film est rythmé par des prestations impressionnantes de la part des acteurs, des rôles difficiles à endosser : on notera particulièrement la prestation spectaculaire de Taylor Russel qui excelle dans la sobriété et l'élégance, plus touchante que jamais.


D'autre part la cinématographie permet au film de gagner en lyrisme. Des plans aux couleurs d'une génération, bercée par les clips de rap américain : on pense évidemment aux couleurs néons rouge et bleu ( sur-exploitées dans les clips de rap d'aujourd'hui ). Une bande originale diversifiée ciblant un auditorat particulier, qui montre ainsi bien les ambitions du film : vouloir être celui d'une génération.


Cependant la sur-esthétisation du film est un élément sur lequel s'interroger , elle se situe dans la même veine que celle des films comme Moonlight ou encore Queen and slim. L'esthétique semble embrasser une certaine idéalisation de la vie de cette jeunesse ( une vie instragamable ) Ainsi serait-elle un paradoxe avec le propos même du film visant à s'affranchir de ces visions superficielles ?


D'autre part l'exacerbation du pathos vers la fin du film trouve t'elle sa légitimité?


On pense à la succession de catastrophes et la mort qui pèse à chaque instant avec notamment cette scène de discussion dans la voiture entre Luke et Emily qui sonne comme une surenchère de qui possède la vie la plus merdique : -mon père me battait quand j'étais jeune, il va bientôt mourrir, il a le cancer....
- Bah moi ma mère est morte! ( en plus de cela mon frère a tué sa copine !)


Est-il vraiment nécessaire d'insister sur le tragique quand il est déjà omniprésent?


Malgré tout Waves excelle dans son genre et permet d'offrir un tableau réaliste d'une jeunesse américaine désireuse de rêver et de vivre.

HichamFz
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le 24 mars 2020

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