Pourquoi regarde-t-on ce genre de films ? Qu’ont-ils à nous dire, et pourquoi vouloir traiter de ce que nous connaissons déjà trop bien ? Les attentats de novembre 2015 sont moins ancrés dans la grande Histoire (celle avec sa grande hache, comme disait Pérec) que dans nos histoires individuelles à tous.

Or, on ne peut ignorer qu’il se fait un besoin d’en parler. Fluctuat Nec Mergitur, série documentaire prenant le problème à bras le corps en faisant témoigner des rescapés, avait déjà été un saisissement en 2018. C’est désormais au tour de la fiction de s’emparer de ces tragiques évènements qui, rappelons-le, ne sont survenus qu’il y a sept ans.


La rentrée cinématographique a donc été chargée avec, par ordre d’apparition, Revoir Paris, Novembre et Vous n’aurez pas ma haine. Si je ne saurais parler du deuxième, que je n’ai pas vu, il est certain que Revoir Paris se perdait dans son propos et finissait par livrer, tout bêtement, une histoire d’amour médiocre. La figure livide de Virginie Efira ne servait que de faire valoir au film Les Enfants des Autres, dont elle était également tête d’affiche, et diffusé au même moment.


Malheureusement, Vous n’aurez pas ma haine se casse les dents de la même manière. Bien qu’il soit plus cohérent dans son propos et reste, de A à Z, marqué par un deuil soudain et violent, il finit par ne rien dire de ce à quoi on pouvait s’attendre.

Tout comme Revoir Paris, Vous n’aurez pas ma haine jouit d’une entrée en matière réellement saisissante, qui vous fera tressaillir, fermer les yeux, sinon pleurer. Mais il faut dire que cela ne relève d’aucun procédé de mise en scène, ni même d’une qualité d’écriture particulière. En réalité, tout ce que nous pouvons ressentir à ce moment-là est dû à la mémoire que nous avons des attentats. Oui, ce sera violent. Oui, il y aura des morts. Tout cela est aujourd’hui écrit d’avance, et le côté tragique (au sens littéral des personnages qui ne maîtrisent pas leur destin) n’est nullement du ressort du film lui-même.


Antoine Leiris (interprété par Pierre Deladonchamps) est un auteur, une personne réelle, dont le film est l’adaptation d’une portion de sa vie. Il perd sa femme dans l’attentat du Bataclan, et le film montre son deuil. Pourquoi lui ? Parce qu’il a écrit un texte, “vous n’aurez pas ma haine”, qui a beaucoup ému et apaisé au lendemain des attaques meurtrières. Montré comme un appel à la sagesse, le texte mène Antoine jusque sur les plateaux télé du monde entier et l'érige en philosophe de la barbarie universelle.

Là où Revoir Paris avait au moins la délicatesse de prendre une madame tout-le-monde, là où c’était un film qui permettait l’identification, Vous n’aurez pas ma haine choisit plutôt de nous montrer cet homme, qui nous paraît parfois méprisable avec ses airs de starlette faussement incomprise. L’identification n’est pas la clé de voûte du film, et l’on préfèrerait suivre les aventures de Melvil, son fils de 2 ou 3 ans, brillamment interprété par la petite Zoé Iorio. Au bout du compte, Vous n’aurez pas ma haine ne fait que nous raconter une histoire plutôt oubliable qui prend les attentats comme toile de fond. Il est d’ailleurs étonnant de se placer de manière unilatérale derrière le héros, à qui le contexte semble vouloir tout pardonner, alors même que celui disait, au début du film,essayer de ne pas écrire quelque chose de “trop centré sur ma petite personne”. Rappelons qu’Antoine Leiris, le vrai, a participé à l’écriture du scénario…


Nous en revenons donc à la question initiale : pourquoi allons-nous voir des films sur les attentats ? Et pourquoi s’attarde-t-on à en produire ? Pour comprendre, peut-être. Comprendre que derrière la folie de certains hommes se cache la sensibilité de certains autres. Si ce n’est pour comprendre, y’a-t-il une autre raison de vouloir se replonger dans ce passé trop récent et trop tragique ?


Il s’agit en tout cas d’espérer que les réalisateurs et réalisatrice qui ont récemment voulu s’exprimer sur les attentats ne s’en soient pas simplement servi pour faire pleuvoir les larmes et les billets. En regardant Revoir Paris et Vous n’aurez pas ma haine, on a toutefois l’impression que personne n’est réellement prêt à en parler.

emimile01
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le 27 nov. 2022

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