Attention , très grand cru. White Fire, aka Le Diamant, aka Vivre Pour Survivre (oui, y a réellement 3 titres différents, ça commence bien) est ni plus ni moins que le film qui, plus encore que la filmo de Ed Wood, plus encore que les films de ninja turcs, sous-Conan italiens hydrocéphales et autres Stallonoïdes philippins, a donné envie à une bande de potes de créer le site Nanarland il y a de ça une vingtaine d'années, pour faire découvrir au-delà de leur cercle d'initiés ce genre de pépites pittoresques du cinéma populaire branquignol et naïf d'antan. Une légende.

On s'attaque ici au Grand-œuvre de Jean-Marie Pallardy (signé John M. Pallardy au générique, il faut bien s'exporter!), habituellement obscur faiseur de l'âge d'or du film de boules des années 70/80, aux titres aussi fleuris que L'Arrière-train sifflera 3 fois et autres Règlements de femmes à OQ Corral, et qui signa ici un de ses quelques films sérieux. Oui j'insiste, car cela ne paraitra pas évident vu tout ce qu'il y aura de croustillant à dire, mais White Fire n'a aucune vocation à être un film comique, parodique ou quoi. C'est un film dramatique très sérieux.

Inutile d'essayer de résumer ce film dont le scénario est tout aussi ni fait ni à faire que tout le reste. Je conseillerai plutôt au béotien d'aller directement voir sa magnifique affiche à la Evil Dead 3 : tronçonneuse priapique et phrase d'accroche crétine résument parfaitement le niveau de portnawak parfaitement inconscient et inconséquent que l'on s'apprête à admirer. Contemplons-donc le mystère. Que dire, si ce n'est que c'est un frère et une soeur, Mike et Ingrid -le premier développant une passion complètement incestueuse pour la seconde, mais j'y reviendrai- qui sont pourchassés par on ne sait qui, on ne sait pourquoi, et que tout ce beau monde est à la recherche du white fire (à dire en roulant des yeux avec l'air d'un shaman en transe), sorte de légendaire You-Koun-Koun radioactif géant. Un diamant qui est d'ailleurs découvert absolument par hasard au fond d'une mine turque dont le personnel et les locaux semblent tout droit sortis de la base du méchant d'un Austin Powers.

White Fire est conçu comme une succession sans queue ni tronc ni tête de péripéties belmondo-tintinesques qui auraient été écrites par un Hergé shooté aux champignons et filmées par un frère caché mongolien de Philippe de Broca, où absolument tout et tout le monde tombent comme autant de cheveux sur la soupe, sorte de Yojimbo totalement à la ramasse où de méchants sbires moustachus et grimaçants sortent littéralement de nulle part d'un plan à l'autre, armés jusqu'aux dents d'un arsenal bigarré -bâtons, couteaux, crochets, tesson de bouteille ou encore nunchaku. Ils se font évidemment tous botter le cul en 1v10 par un inénarrable Robert Ginty, joues rebondies et moustache de chanteur folk, l'air aussi badass et crédible dans ce rôle de Jack Reacher éco+ qu'un type qui pèse mes patates chez Carrefour.

Rajoutons à cela une bande-son inepte, qui se résume à deux refrains de stadium rock FM miteux qui tournent en boucle et ne sont jamais corrélés au 1er degré désarmant du métrage, qui se veut film sérieux de chasse à l'homme sanglante.

Dès les 5 premières minutes du film c'est un festival hilarant. Ca flaire déjà l'amateurisme total, l'intrigue dépenaillée (une famille ordinaire est poursuivie dans un sous-bois pas du tout inquiétant par des soldats débiles pour une raison que l'on ignore et que l'on ignorera toujours), l'absence de mise en scène un tant soit peu professionnelle, le casting de quatrième zone... C'est une rafale d'erreurs grossières, mouvements de caméra affreux, faux raccords hénaurmes même pour un oeil peu sagace en la matière comme le mien (sauf s'agissant des films de Maïwenn, faut pas déconner). Cadres dégueu, montage aberrant, costumes et coiffures qui changent d'un plan à l'autre, moumoutes et moustaches en folie, chemises à fleur et auréoles sous toutes les aisselles, figurants en roue libre, types qui déboulent dans le plan de nulle part, bastons pachydermiques et morts ridicules, cascades ratées et pyrotechnie pathétique, doublage lunaire (le père adoptif en particulier est doté d'un accent parfaitement indéfinissable) jusqu'aux répliques qui touchent à une absurdité hilarante: "ma patience a des limites mais faut pas exagérer"... Il fallait l'oser! Pallardy oblige, tout est prétexte à dispatcher quelques femmes à poil au hasard ici et là dans le film, ce qui ajoute au portnawak déconcertant ambiant.

Conçu avec une remarquable incompétence technique qui ferait passer les bouzasses de Fabien Onteniente pour du Mizoguchi, le film suscite cette forme d'incrédulité mêlée d'admiration sincère que l'on ressent devant quelque oeuvre d'art brut conçue par un débile léger sourd muet et aveugle.

Mais là où White Fire touche au sublime au sens philosophique, au sens premier du terme, c'est dans la relation entre Mike et Ingrid, clairement incestueuse et pourtant jamais montrée comme bizarre ou malsaine: elle est traitée comme un kink de base d'un boulard erotique-soft, ce qui rend le tout absolument abominable à regarder. Ingrid ne voit aucun problème à ce que son frère l'observe longuement sortant nue de la piscine, et lui tourne autour en faisant des allusions lourdes, culminant dans cette réplique entrée dans la légende: "dommage que tu sois ma soeur..."

Nan mais attendez, attendez. J'ai encore rien dit, vous n'imaginez pas à quel point le film part en vrille à cet instant dans de sombres recoins chelou où même Gaspar Noé et Pasolini n'oseraient pas foutre les pieds. Parce que Ingrid, elle se fait tuer peu de temps après, dans des circonstances parfaitement ridicules mais passons. Or Mike avait besoin d'elle pour infiltrer le groupe des méchants... enfin, je crois, pour trouver le diamant qui est... euh... j'ai rien capté, c'est indescriptible, bref, Mike a besoin d'un sosie de sa soeur, me demandez pas pourquoi. Il rencontre une nana dans un bar alors qu'il noie son deuil dans l'alcool, et là paf, il convainc cette meuf moyennant rémunération de faire une opération du visage pour devenir le parfait sosie de sa soeur. Ce qu'elle fait sans broncher, et après quoi, de fil en aiguille... Ils couchent ensemble. Evidemment la dite meuf ne met aucun bémol et ne voit aucun inconvénient à ce que Mike l'appelle Ingrid pendant leurs câlins. Pallardy invente le concept d'inceste casual et post-mortem. Et si je vous dit que le regard libidineux de Mike est entrecoupé d'inserts sur des flashbacks de sa soeur quand ils étaient encore enfants? Du grand art vous dis-je!

Mais ce qui est génial dans ce film, c'est que aussi éclaté soit-il, il ne supporte pas la médiocrité. Son visionnage nécessite un spectateur exigeant. Pas question de regarder White Fire d'un oeil narquois et distrait en épluchant des carottes, ce serait passer à côté de tant de choses. Apprécier ce nanar dantesque à sa juste valeur nécessite une véritable éducation au regard, une implication pleine et entière du spectateur concentré pour ne pas louper le moindre des gags involontaires jubilatoires qui s'accumulent à l'écran. C'est du Tati. Du Tati inversé, perverti et fait à la bite, certes, du Tati plus enseigne discount que Jacques, mais du Tati quand même.

Bref, c'est hilarant de bout en bout, c'est clairement un très grand film de l'histoire non-officielle du cinéma. Alors, 8/10 vraiment? La même note que j'ai mise à Barton Fink et à Mystic River? En tout cas ça m'a fait bien plus rire que les "nanars volontaires" péraves à la Machete et compagnie. Préférons les originaux aux ersatz.

Et puis zut, y a une fight à coups de tronçonneuse, alors Sam Raimi lui doit tout.

Biggus-Dickus
8
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le 27 avr. 2023

Critique lue 50 fois

Biggus Dickus

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