• Le pavot est une fleur robuste. Vous n'avez représenté qu'un problème mineur. Mais ce revolver... Je le trouve particulièrement fascinant. Qu'est-ce ?

  • Pour les requins, bien sûr. Avec des cartouches de gaz comprimé.




Je m'appelle Moore. Roger Moore.



Avec Vivre et laisser mourir, le réalisateur Guy Hamilton après Goldfinger et les diamants sont éternels porte une fois encore sur grand écran un nouvel opus de la franchise 007, mais pas n'importe lequel puisqu'il s'agit d'introduire un nouveau comédien pour jouer l'espion anglais si longtemps incarné avec charisme par Sean Connery. Un nouveau costume Bondien porté par Roger Moore, avec le consentement de notre cher Connery, ce qui n'est pas rien. Un huitième film de James Bond qui nous entraîne dans une mission exotique empreinte de mysticisme vaudou savamment orchestré autour d'un récit mouvementé dans lequel 007, se retrouve à enquêter sur les meurtres de trois agents qui rapidement le conduiront sur les traces de Mr Big, gros bonnet d'Harlem et grossiste d'héroïne pour un certain Kananga, qui fait pousser des hectares de pavot dans des champs camouflés. Des tonnes de marchandises censées être distribuées gratuitement pour créer une offre et être le seul à pouvoir répondre à la demande. Une histoire qui étonne de par sa portée plus terre-à-terre et moins poussive, échappant à un enjeu mondial pour quelque chose de plus intimiste. Une approche totalement bienvenue !


S'ensuit une enquête pimentée durant laquelle l'on va voyager dans des décors paradisiaques pour certains avec la petite île des Caraïbes de San Monique, sauvage pour d'autres avec la Nouvelle-Orléans : Louisiane, ou encore chaotique et désespéré avec Harlem. Des décors solides astucieusement mises en scène par Guy Hamilton qui offre une réalisation de qualité. Une direction artistique influencée par une culture noire offrant un contraste idéal pour le périple qui se joue avec une ambiance sombre et mystérieuse où le réel et le fantastique se touchent du bout des doigts. Une plongée dans l'univers noir américain idéalement enrichi par une atmosphère chaude, jazzy et mystique que les musiques de George Martin et la chanson de Paul McCartney viennent superbement enrichir. Une chanson incroyable sur un générique d'introduction visuellement percutant accompagné par un mélange de percussions et de contrebasses que l'on retrouvera tout du long du récit pour mon plus grand plaisir. Des partitions supplémentaires faîtes de trompettes entre autres, s'ajoutent avec des sonorités festives, entraînantes ou encore mortuaires. Un résultat final particulièrement savoureux pour les oreilles autour d'une ambiance occulte formidable.


L'action est solide ! À travers un rythme généreux ce long-métrage enchaîne les péripéties via de multiples courses poursuites comprenant un bus à étage du nom de " San Monique ", que pilote avec fureur 007 et qui finira coupé en deux. Une poursuite endiablée dans un aéroport avec un petit avion N77029 qui y laissera ses ailes. Ou encore une longue chasse à l'homme acharnée dans des bateaux à moteur lancés à vive allure dans les bayous. D'autres séquences excitantes s'ajoutent avec une confrontation brutale dans un train entre Bond et Tee Hee (Julius W. Harris), un combat haletant dans un cimetière entre 007 et le Baron Samedi (Geoffrey Holder), ou encore un affrontement final passionnant entre l'agent britannique et Kananga (Yaphet Kotto). Un ultime duel à la résultante douteuse et perturbante avec une balle à air comprimé anti requin qui fera de Kananga une véritable baudruche. Un choix étrange à l'origine de la plus ridicule mort d'un antagoniste Bondien ! Le passage dans le chenil de crocodiles fait partie des meilleurs moments ainsi que les scènes vaudoues avec les sacrifices rituels. Certaines idées sont excellentes comme les scènes des funérailles version jazz, ou bien les tables piégées dans les bars; d'autres le sont beaucoup moins avec le shérif Pepper par Clifton James et son beau-frère Billy Bob, qui prend trop de places à travers un humour idiot sur un personnage bien trop montré qui n'a surtout rien à faire là, à part gâcher une belle scène d'action.


 
Roger Moore en tant que James Bond fait une première entrée en scène convaincante en présentant une figure Bondienne venant contraster avec l'aspect rugueuse, sévère et massive de Connery. Une personnalité plus détendue, ironique et légère qui va comme un gant à Roger Moore qui pour une première livre un travail satisfaisant. Un début pour le comédien étrangement mis en scène avec un film qui s'ouvre sur le décor de l'ONU, avant de basculer autour d'une cérémonie vaudoue avec un James Bond qui à aucun moment n'apparaît durant le prélude. Une drôle de manière de mettre en mouvement cette nouvelle version de 007 qui apparaît pour la première fois autour d'une partie de jambes en l'air à laquelle M, par Bernard Lee accompagné de Moneypenny, par Lois Maxwell, met un terme en surprenant Bond dans une position embarrassante avec une agent italienne incarnée par Madeline Smith. Durant son périple, Bond fait la rencontre de la magnifique " Solitaire " qu'incarne avec douceur Jane Seymour.
« - Dame Rouge sur Roi Noir, Mlle...?
- Solitaire.
- Je m'appelle Bond. James Bond. »

Une prophétesse de cartes qui tire sa puissante magie de son innocence physique jamais d'effleurer. La comédienne est magnifique et offre un moment de douceur très appréciable avec cette James Bond girl à part des autres.


Les méchants sont très mémorables, parmi mes préférés de la franchise, aussi bien l'antagoniste principal que ses sbires. Kananga alias Mr Big par Yaphet Kotto, est un grand méchant absolument parfait qui malgré quelques caricatures comme le coup du repaire secret dans une grotte souterraine en dessous d'un cimetière parvient à marquer le film de son charisme. Un adversaire redoutable et impitoyable qui sait où il va, possédant un réseau de renseignements particulièrement efficace. Parmi ses acolytes vient Tee Hee par Julius W. Harris, qui avec son bras métallique (suite à un accident fâcheux durant lequel un crocodile lui a dévoré le bras) avec des pinces puissantes fait office d'adversaire atypique. Un méchant sournois d'une force colossale. La pétillante Rosie Carver par Gloria Hendry est un agent de la CIA survitaminée et sexy, en tant qu'agent triple qui apporte du dynamisme à l'intrigue par sa fraîcheur. Murmure par Earl Jolly Brown le fait à chaque fois marrer. Le meilleur arrive avec Baron Samedi incarné par Geoffrey Holder qui est un de mes antagonistes préférés de la franchise. Un chaman vaudou au rire diabolique et à la gestuelle à la fois grotesque et inquiétante incroyablement joué par l'acteur. Baron Samedi se pose comme le protecteur de la forteresse de pavot de San Monique en faisant peur à la population durant ses cérémonies occulte durant lesquelles il prend le nom d'un Dieu vaudou de la mort pour mieux servir les ambitions de son boss Kananga. 
« Et voici maintenant le légendaire baron Samedi, les amis. Le dieu vaudou des cimetières, chef de la légion des morts. »
Une belle équipe de pourriture que James devra affronter seul, ne pouvant compter sur l'aide de son pote Félix Leiter par David Hedison, qui comme à son habitude n'est pas très compétent.



CONCLUSION :



Vivre et laisser mourir, réalisé par Guy Hamilton est une première mise en service satisfaisante pour Roger Moore sous les traits de James Bond. Autour d'un récit divertissant articulé sous une ambiance imprégnée d'une culture noire qui enrichit intelligemment le récit, on suit une intrigue mouvementée dans laquelle le mysticisme attend les spectateurs autour d'un culte vaudou articulé dans les bayous qui offrent un terrain de jeu convaincant à cette mission. Un huitième opus particulièrement distrayant appuyé par des personnages savoureux dont une composition musicale et une chanson incroyable.


Une introduction convaincante pour Roger Moore en tant que 007.




  • Il y a deux manières de mettre un crocodile hors de combat. Hé ! Hé ! Hé !

  • Je... suppose que vous n'allez pas me livrer vos petits secrets ?

  • Le premier, c'est de loger un stylo dans le trou derrière les yeux.

  • Et la seconde ?

  • C'est encore plus facile. Vous mettez la main dans sa gueule et vous lui arrachez la langue. Hé ! Hé ! Hé !


B_Jérémy
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le 17 mai 2022

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