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Chez Visconti le drame s’incarne dans le tragique de relations complexes, d’amour usé tel une lèpre qui gangrène la mémoire des êtres esseulés. Burt Lancaster en professeur emmuré dans sa solitude, ermite se préparant à une mort qu’il attend avec calme. Une mort dont il guète d’une oreille les bruits de pas, quand elle aura aménagé dans l’appartement du deuxième étage. Refus de vivre incarné par le mutisme rigide des élégances d’un autre âge. Tel l’actrice se refusant à la parole chez Bergman dans Persona, il s’efforce de s’extraire du monde, isolé dans un 400m2 dans les murs sont envahis par les livres et les tableaux. C’est à travers lui les restes d’une aristocratie qui se meurt dans les mutations néo-libéralistes d’une société des années 70 en pleine mutation; où l’argent vulgarise et met à mal les idoles passées, les formulations de directive des domestiques et façon d’organiser un cadre de vie grâce à la collection. Le mobilier est lourd, précieux, fragile. Il cadre, impose, régule les déplacements et les manières, codes et façon de s’occuper, de déjeuner, ou de recevoir.


Mais comme Chez Bergman, la vie s’infiltre de toute part, et il devient de plus en plus dur de rester insensible et immobile, de se refuser à voir le monde se transmuer et différer de celui que l’on a connu. De se vulgariser. Le professeur se voit forcé à la réaction quand la comtesse fait irruption pour envahir un espace jusqu’alors destiné à sa mort, quand elle force les portes de l’appartement vide. Quintessence de l’opulence nouveau riche d’une aristocratie qui s’embourgeoise —sans culture ni éducation—, le plongeant au coeur de règlement de compte familiaux dans une obscénité sans nom. On parle de « race » en synonyme de termes Marxistes.
C’est la rencontre de deux mondes, deux modes. Helmut Berger en amant-pute de luxe descendant en fourrure la gueule en sang pour téléphoner. C’est la grandeur et décadence de l’aigle, vieil homme esthète et savant, avilit par des corbeaux en fin de course.


Dans ce huit clos Sartrien des méprises et conversations qui fâchent, toujours sur le fils. Une scène d’amour post-68 dans triangle amoureux insolent sur des meubles Louis XV, et musique italienne mélo couvrant Mozart, pourtant partout. Un déménagement hypothétique à Munich, des propositions avortées. Jamais l’on ne quittera l’appartement où se joue drame de l’élite, de l’ancien monde et des réplicas du nouveau. C’est la crise sociétale d’un libéralisme en marche dans un pays qui voit son patrimoine et ses idoles noyées sous les fuites d’eau de la modernité, humidifiant les tapisseries et niquant au passage quelques tableaux néo-classiques. A force de détruire les murs porteurs d’une vision pourrissante, gratter les vestiges d’une civilisation perdue amoureuse de la beauté classique, de la peinture.


« Viendrez-vous à mon enterrement professeur? Vous savez que vous seriez la seule personne respectable de tout le cortège? Toutes les putes de Rome vêtues de noir comme un défilé de jeunes veuves ; Suivies par tout les arnacoeurs, les camés, les gouines. Et une délégation de pédales. »
La modernité rentre a grand pas. On abat, ouvre les espaces en loft all white où trônent désormais de l’art contemporain criard. C’est Jean des Esseintes qui prendrait Andy Warhol pour colocataire, c'est l’intellectuel jugé réactionnaire par le vulgaire d’un capitalisme déviant, parasitant tout. Réflexion sur la mort, incompréhension et transcendance sur des fauteuils en velours, rythmé de colères Jupitériennes de Silvana Mangano.


Après le suicide de Helmut Berger


la comtesse en pleurs ponctuera le chef d’oeuvre dans un nihilisme fataliste, avec cette idée que dans la mort, « cette chiennerie finale », le pire sera que le chagrin passe toujours. « Nous l’oublierons, et les larmes sont aussi précaires que tout le reste. »

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le 10 mai 2020

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