Vincent n’a pas d’écailles repose sur une idée de cinéma assez géniale, combiner la légèreté du film naturaliste à la lourde mythologie du film de super-héros US.
Le cinéaste réussit son pari et l’association fonctionne très bien, ces deux aspects se nourrissant successivement l'un l'autre.
La narration du film progresse sous la forme de trois chapitres qui pourraient s’intituler : la vie sauvage, l’apprivoisement, la fuite.
La première partie est la plus belle, la plus épurée, quasi dépourvu de dialogue. Thomas Salvador, réalisateur-acteur, apparaît dans le plan sans que l’on ne sache rien de lui, ni son passé, ni qui il est. Mais son corps est déjà en mouvement, il fuit un quotidien terne, et file, comme une escapade rozierienne, rejoindre le sud de la France et les merveilleux paysages des Gorges du Verdon, superbement filmées, en période fin-estivale, lorsque la chaleur et le soleil sont encore là mais s’apprêtent à laisser la place à un ciel plus gris.
Vincent ne semble guidé par aucun véritable objectif, il se contente de vivre, alternant petits boulots et baignades, comme un animal solitaire. Une scène fabuleuse sous forme de miroir symbolise cet état, lorsque Vincent, lors d’une baignade, fait face à un renard venu se désaltérer au bord de l’eau.
Petit à petit on comprend son secret, au contact de l’eau sa force et son énergie sont décuplées. L’eau, ici, plus que jamais source de vie et régénératrice, élément magnifiquement filmée, comme une matière perceptible autant qu’un personnage à part entière.
Dans la deuxième partie Vincent s’ouvre peu à peu au monde. Mais un ami et une rencontre amoureuse plus tard, auxquels il va livrer son secret, et il n’est déjà plus possible de faire corps avec ce quotidien et les règles trop strictes imposées. Il ne peut rester en captivité et il ne peut vivre son « anormalité » dans un cadre trop étouffant ni sans être dérangé. Traqué, il ne peut que fuir à nouveau, en mouvement, toujours, pour reprendre sa liberté, ailleurs.
La dernière séquence, celle où Vincent prend le large, fuit vers l’horizon le plus lointain, est également merveilleuse.
Le film de Thomas Salvador n’est pas sans défauts, il semble parfois un peu à court d’écriture, mais sa fraîcheur, sa faculté géniale à faire naître la magie avec trois fois rien et sa façon de miser sur le tout visuel, comme un film burlesque ou muet, l’emporte. Revigorant.
Teklow13
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le 19 févr. 2015

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