Si je devais retenir des réalisateurs emblématiques des années 30 et 40, nul doute que Mervyn LeRoy ferait partie de ceux-là. Ses films au scénario toujours maîtrisé et captivants n'ont jamais eu de cesse d'avoir face à moi des leçons de cinématographie. La palme revenant à "La Valse dans l'Ombre" qui ferait aimer le film d'amour à n'importe quel coeur de pierre et qui, à mes yeux, fait partie des plus grandes oeuvres romantiques de l'histoire du cinéma.


Avec "Ville haute, ville basse", je me replongeais avec joie dans sa filmographie. Il y a dans l'idée de ce titre une volonté de mettre en scène le combat entre deux mondes séparés au sein d'une seule et unique civilisation. Deux femmes graviteront autour d'un même homme, l'une issue d'une famille de la jet-set new-yorkaise, l'autre du petit peuple, élevée par une mère strip-teaseuse des quartiers évités par la bourgeoisie. Chacune le désire à sa manière. La ville haute est en couple avec lui mais voit son mariage chancelant face au retour de la ville basse qui exerce sur lui une attirance peu commune. Le film est ainsi truffé d'ambiguités, LeRoy laissant le doute sur la véritable personnalité de chacun, celle que l'on enfouit à l'abri des regards indiscrets. La mécanique d'Isabel apparaît éloignée de toute pureté au profit d'un machiavélisme dont elle jouit. Est-elle vraiment amoureuse de lui ou désire-t-elle juste voler l'amant qui lui était cher ? Quid de Brandon dont la scène finale nous montre un homme au regard dur, presque cruel, nous laissant là encore dans le mystère de sa psyché. Etait-il vraiment amoureux de Jessie ou n'était-ce qu'une mythomanie pour combler un éventuel narcissisme ?


Chacun ira de sa propre interprétation. LeRoy ne dit rien, ne jette pas ses personnages dans le cliché des êtres déballant des joutes verbales pour exprimer vraiment leur but. Non pas que ce procédé me rebute mais son absence dans un métrage de cette époque n'est pas anodin. Deux autres points augmenteront davantage le capital qualité du titre. Tout d'abord, on retrouve encore une fois le professionnalisme du cinéaste à gérer de main de maître une storyline bourrée de ramifications. Si le triangle amoureux est avéré, est-ce aussi le cas du rectangle car un quatrième personnage laissera éclater son amour entre les trois protagonistes centraux.


Enfin, il ne faudrait surtout pas oublier de mentionner un casting proprement prestigieux constitué des grands de son époque et répondant à l'objectif habituel de LeRoy qui est de sublimer le sexe féminin à l'écran. Barbara Stanwyck mais surtout Ava Gardner scotchent par leur beauté que nous ne retrouvons plus chez les actrices de notre temps (instant boomer bien placé). Cyd Charisse, un peu en retrait il est vrai, se charge de compléter le podium. Et puis James Mason toujours aussi charismatique.


Il est dommage que "Ville haute, ville basse" soit un peu délaissé car il a tous les attributs d'un très grand film. A tous les amoureux d'amour, je me ferai un plaisir de vous le recommander chaudement.

MisterLynch
9
Écrit par

Créée

le 6 mai 2022

Critique lue 30 fois

MisterLynch

Écrit par

Critique lue 30 fois

D'autres avis sur Ville haute, Ville basse

Ville haute, Ville basse
MisterLynch
9

Je t'aime, moi aussi mais...

Si je devais retenir des réalisateurs emblématiques des années 30 et 40, nul doute que Mervyn LeRoy ferait partie de ceux-là. Ses films au scénario toujours maîtrisé et captivants n'ont jamais eu de...

le 6 mai 2022

Ville haute, Ville basse
JanosValuska
7

Faux-semblants.

Film tellement féminin – et écrit par une femme : Isobel Lennart – qu’il apparait presque comme une sorte de Johnny Guitar du film noir. D’une élégance rare, le film offre un terrain de jeu imparable...

le 16 janv. 2021

Ville haute, Ville basse
FrankyFockers
8

Critique de Ville haute, Ville basse par FrankyFockers

Encore un chef-d'oeuvre signé Mervyn LeRoy, avec trois des plus belles actrices du monde, Ava Gardner, Barbara Stanwyck et Cyd Charisse, face à l'un des plus beaux acteurs du monde, James Mason, dans...

le 9 mai 2020

Du même critique

Malmkrog
MisterLynch
4

Que tout ceci est époustouflifiant !

Au démarrage de cette critique, je suis à la fois confus et déçu. Confus parce qu'il m'est bien difficile de mettre des mots sur ma pensée et déçu parce que Cristi Puiu était considérablement remonté...

le 25 juil. 2021

4 j'aime

9

Ménilmontant
MisterLynch
9

Là où tu iras, il n'y a pas d'espoir

Ce n'est que tardivement que j'ai connu Dimitri Kirsanoff dont j'eus le plaisir de faire un démarrage en fanfare dans sa filmographie. Ménilmontant c'est avant tout une entrée en matière d'une...

le 5 mars 2021

4 j'aime

1

From What Is Before
MisterLynch
8

Un léger bruit dans la forêt

Mes débuts avec Lav Diaz ne s'étaient pas du tout déroulés comme je le pensais. Avec "Norte, la fin de l'histoire", je sortais épuisé et déçu de cette séance qui n'eut pour moi qu'un intérêt proche...

le 19 févr. 2021

4 j'aime