Avec Vice, Adam McKay réalise un extravagant, incroyable (au sens premier du terme) et néanmoins passionnant portrait à charge de Dick Cheney, qui fut vice-président des États-Unis entre 2001 et 2009, soit deux mandats successifs, dans l'administration du président George W. Bush, lui-même fils aîné de George H. W. Bush vice-président des États-Unis de 1981 à 1989 et président de 1989 à 1993, ces trois hommes étant de brillantes ou très notables personnalités du parti républicain (symbolisé par l'éléphant... l'âne symbolisant, lui, le parti opposé, démocrate) de ce pays.
Je résume brièvement le contenu de ce portrait à charge :
George W. Bush était un homme politique très inexpérimenté ("green"), au contraire de son VP qui lui avait été chaudement recommandé par son père George H. W. et en qui il avait toute confiance. Si bien que toutes ses décisions furent influencées par Dick Cheney (et les têtes pensantes du cabinet de celui-ci) qui a donc disposé d'un énorme pouvoir (en fait, quasiment TOUT le pouvoir qu'il voulait) dans tous les domaines, non seulement de l'Éxécutif, mais aussi au Sénat et au Parlement américain, pendant les huit années de cette "co-monarchie" absolue. Toutes les actions, erreurs et horreurs ayant émaillé les deux présidences (2001-2009) de George W. Bush (et notamment la guerre en Irak et ses "désastreuses" conséquences humaines et politiques, dont la création d'un "État Islamique") sont à imputer à son VP : Dick Cheney, un très secret mais "very vicious character", car... pendant ces huit années, l'État américain, c'était lui... + son cabinet de "têtes pensantes" républicaines triées sur le volet et amis de longue date + sa cellule familiale (surtout sa femme Lynne au moins aussi ambitieuse et républicaine que lui, et sa fille aînée). Voilà, c'est en gros ce que dit le film.
Vice nous fait donc revivre les grands moments de ces années-là (à commencer par le séisme du 11 Septembre 2001 : attaque terroriste et destruction des Twin Towers et de plus de 2.000 vies humaines, etc.) à travers le prisme Dick Cheney et tels que reconstitués de façon aussi authentique et peu biaisée (?) que possible par Adam McKay.
C'est un biopic assez ardu à suivre, pour ceux qui n'ont pas connu cette longue période de la politique américaine et internationale... et même pour les autres. Ardu mais pas si mal conçu, réalisé et monté, bien que, encore une fois, clairement partial. Certaines idées scénaristiques sont plutôt brillantes, à tout le moins : spectaculaires.
Dick Cheney est toujours vivant aujourd'hui, il a 78 ans. Ça n'est pas facile de décrire et résumer la vie d'un tel homme (réputé, selon McKay, particulièrement secret), mais le réalisateur réussit à faire exister le personnage, à le rendre assez crédible et même (cela paraît un comble) pas si antipathique que ça. Il faut dire qu'il nous donne sur lui des informations soit paradoxales, soit contradictoires. Par ex., au début, il nous présente Dick Cheney comme un étudiant très moyennement brillant, qui se saoule la gueule à l'occasion, conduit en état d'ivresse et qui se fait "remonter les bretelles" par sa jeune, ambitieuse et hyper-brillante femme Lynne... qui le pousse et l'aide à faire carrière ; ensuite, il en fait un roi shakespearien (passage que j'ai trouvé frisant le grotesque), un cerveau machiavélique, un être dévoré d'ambition, dur, froid, calculateur, sans scrupules, prêt à tout pour make America great again et s'enrichir largement au passage. Ces deux aspects (ou plutôt : temps) du personnage paraissent difficilement compatibles, non ?
Mais dans l'ensemble, j'ai quand même trouvé le film passionnant pour la vision qu'il nous donne de l'esprit américain, de sa morale, du fonctionnement des institutions américaines et de tous les rouages administratifs du pays le plus puissant au monde... même si beaucoup de choses à ces sujets ne sont pas dites (évidemment).
Sinon, le film perdrait beaucoup de son lustre sans la composition véritablement stupéfiante de celui qui incarne Dick Cheney tout au long de sa carrière : Christian Bale. Franchement, il est sidérant, incroyable, fantastique ! C'est du jamais vu. Si dimanche, il n'obtient pas l'Oscar du meilleur acteur, ça sera un véritable scandale (Rami Malek est très bon en Freddie Mercury, mais... sa performance n'a rien de comparable à celle de Christian Bale en Dick Cheney). Amy Adams (Lynne Cheney), elle aussi, se débrouille bien. D'autres grands acteurs sont à leurs côtés (impossible de parler de tout, vous verrez bien).
Permettez-moi d'insister sur le plus important : le métrage dépeint le couple Dick et Lynne Cheney comme d'ambitieux arrivistes qui, sous leurs allures d'inoffensif et souriant gros nounours et de femme brainy, mais charmante, BCBG, vertueuse et dévouée à son mari et ses filles, sont prêts à tous les crimes, capables de toutes les vilenies, pour satisfaire leur soif de pouvoir, de réussite et d'enrichissement personnel. Cela me semble forcément une vision exacerbée et exagérée de ce qu'ils sont.
Avec Vice (un "biopic" que j'ai, pour ma part, trouvé ardu, fourmillant, mais passionnant), Adam McKay et le parti démocrate décochent un féroce coup de pied de l'âne non seulement à Dick et Lynne Cheney (et je me demande comment ils l'ont pris), mais au parti républicain dans son ensemble, donc bien sûr à l'actuel président des États-Unis : Donald Trump. Et cela, parce que, comme le dit la bande-annonce du film : Some vices are more dangerous than others.