C'est un film résolument pessimiste. Chers communistes, ne faites jamais confiance à un bourgeois. Ne faites jamais confiance au monde. Restez au kholkoze (sur une île de préférence).

Les 45 premières minutes sont étrangement caricaturales. Je ne sais pas si c'est pour mieux insisté sur le "renversement" du rapport de force (au sein de LA lutte évidement ). J'ai d'ailleurs un problème avec ce renversement, qui n'en est pas vraiment un. La violence ne change pas seulement de camps. Elle change radicalement de forme. Sur le bateau, elle (la bourgeoise), ne l'invite, lui (le prolétaire), peut-être jamais à partager sa table, seulement elle ne passe pas son temps à lui foutre des baffes en pleine tronche (ce dont lui ne se privera pas). La violence symbolique des insultes et des moqueries laisse en quelque sorte place à la violence physique des coups. Faut-il hiérarchiser hiérarchiser ces violences respectives ? On retiendra seulement que ces modes de domination partage leur résultat : l'humiliation.

Dans la forme, c'est plutôt surprenant. Le film est variable. La première partie est sincèrement drôle. Les mimiques, les gestes, les paroles, les regards (la réapropriation du masque lupin : ancestralité animale) etc. Tout semble exagéré. La situation qui déclenche la disparition des deux protagonistes elle-même est à mourir de rire. Ce n'est pas assez de les avoir enfermé sur un yoat, il faut qu'il partage leur nuit sur un pauvre radeau pneumatique (signe de la déchéance des conditions matérielles, seule manière d'un renversement du rapport de force).

Tandis que sur l'île, le ton change progressivement pour ne plus jamais vraiment quitter le sérieux. Et les effets de "miroir social" (renversement strict et soudain de la hiérarchie de domination) sont probablement les derniers éléments purement comiques du film.

Le basculement original s'opère quand chacun cesse de considérer l'autre comme une caricature. Les masques tombent et chacun est presque contraint d'avouer qu'il désirait secrètement l'autre depuis le début.

On peut croire d'abord qu'il s'agit d'autre chose qu'un exotisme transclasse (la petite bourgeoise qui rêve de se faire un vrai loubard). L'existence d'un amour plus fort que les réalités sociale, réalités qui risquent de les rattraper quand ils rejoindront le monde (social).

Pourtant d'autres signes contradictoires sont présents, et ce, dès le début de leur idylle. Le désir qui les anime n'est pas le fait d'une résignation consciente et logique (nous sommes perdus, donc il n'y a plus rien à perdre, donc allons-y). Non, le principe de cet amour est autrement plus déraisonné.

C'est précisément sur ce point que l'on peut considérer qu'il y a tâche, ou bien que le récit s'appuie sur les bases d'idées reçues communes, mais portant fragiles. On nous invite à supposer une sorte de retour brutal à une forme primitive du vivant, dans lequel les sentiments prennent le pas sur les choix de raison. Un retour à la bestialité animale (qui dit que l'état de nature est nécessairement un état bestial) qui est manifesté en somme par la violence de leurs rapports, à la limite du masochisme. Ce qui offre des pistes explicatives quant à l'incompatibilité de cette passion, une fois retourné à l'état civilisé.

Film à voir, juste pour entendre une bourgeoise chuchoter "sodomise moi" à un prolétaire retourné à son animalité primaire. Sade teinté de lutte de classe. Tout un programme.

MrRavioly
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le 5 mai 2022

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MrRavioly

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