Une adaptation cinématographique d'une œuvre littéraire est un exercice périlleux depuis Méliès.

Les exemples sont légions et combien d'entre nous terminent régulièrement les films adaptés en hurlant, murmurant ou radotant: "le bouquin est mieux".

Passé cette généralité, ici en pleine Occupation, nous avons une adaptation de Balzac, pilier, (oublié ? désuet ?) d'une littérature française dont on nous a abreuvé (avec Zola) durant nos études secondaires (au moins au XX° siècle).

Adaptation qui n'est pas basée sur un ouvrage spécifique de la Comédie Humaine, mais sur un personnage (donc plusieurs ouvrages), complexe et haut en couleurs : Vautrin, sorte de pré-Mabuse se jouant des autres de par ses nombreux déguisements et son intelligence démoniaque...tin tin tin

Je n'ai pas lu les ouvrages concernés mais déjà les faire rentrer dans 2H de film n'est jamais simple sans de multiples ellipses et raccourcis qui chagrinent -légitimement les exégètes de notre Honoré national.

Pierre Billon, le réa, que je connais mal (mais dont j'ai bcp apprécié le polar "jusqu'au dernier" à découvrir) est un adaptateur rompu d'œuvres littéraires (Hugo, Shakespeare, Saint-Ex, Colette) qui fait le taf en pleine époque de censure et autres désagréments.

A l'instar du Marchand de Venise cela met un peu de temps à s'installer et cela s'accélère vivement vers la fin.

Rien à dire, sur l'immense Michel Simon, tjs à l'aise pour incarner des personnages aussi chafouins que doucereux et ici protéiforme au gré des déguisements et autres intonations de voix.

La classe, rien à dire.

Ensuite Georges Marchal me semble un peu falot en jeune homme amoureux dépassé par le truc, idem pour Madeleine Sologne.

De même pour toute la clique de courtisanes et autres oisives qui s'occupent en piaillant et médisant, rien de bien terrible.

A noter, la bonne prestation d'un Louis Seigner en plein démon de midi et de Lucienne Bogaert et sa clique de loufiats lâches et margoulins. Sans compter les quelques minutes de Mouloudji dans un rôle de salaud comme il savait si bien les jouer à l'époque.

Je vous renvoie vers la pertinente critique de 6nezfil pour tout ce qui a échappé à la censure pétainiste et qui à la fois complexifie le personnage et fait des parallèles cinglants entre la Restauration et les années 40. C'est très bien vu de sa part et preuve que les cinéastes français, même fliqués, avaient du répondant et de la finesse.

Avec Jean Marais à la place de Marchal cela aurait pu cartonner dans les relations perverses entre Vautrin et Lucien de Rubempré.

A voir pour les fans du grand Michel et les archéologues du patrimoine.

Créée

le 24 mars 2023

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Neubauten

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