Vampirella
Vampirella

Film DTV (direct-to-video) de Jim Wynorski (1996)

J'avais envie de voir ce film rien que pour raconter de quelle façon incongrue j'ai appris son existence.
Il y a quelques années de cela, j'ai refeuilleté un vieux numéro de Picsou magazine, le numéro 294 pour être exact. J'avais 4 ans quand il est paru, mais je l'avais acheté à l'époque où on trouvait des ré-éditions en magasin.
Dans la rubrique des scoops cinéma de ce numéro, ils parlaient d'une future adaptation de Vampirella au cinéma ! C'est déjà surprenant de voir un magazine pour enfants évoquer cette héroïne des BD destinée aux adultes, mais j'étais encore plus étonné d'apprendre qu'il ait pu exister un tel film sans que je n'en ai jamais entendu parler jusque là. Est-ce que, comme "CyberPD" avec Lorenzo Lamas dont on parle sur la page d'à côté (ils précisent que PD = Police District), ce film a été abandonné ?
En plus de ça, le magazine évoque une hésitation du réalisateur entre Tia Carrere et Talisa Soto pour le rôle principal, en ajoutant que Brigitte Nielsen avait été considérée aussi.

Que de suspense pour moi, donc, à la lecture de ce numéro !
Je suis allé plus tard sur IMDB, et évidemment ce que Picsou ne nous disait pas, c'est que le réalisateur est Jim Wynorski, expert en séries Z et en films d'exploitations modernes dont les œuvres les plus connues doivent être Chopping mall et Le retour de la créature du lagon. Plus récemment il a aussi donné Dinocroc vs Supergator et Komodo vs Cobra.
Picsou nous a aussi caché que le producteur est Roger Corman, qu'on ne présente plus.
Et évidemment, le film n'est jamais sorti en France, et aux Etats-Unis il n'a pu se trouver que sur le marché de la vidéo, et non sur le grand écran comme annoncé. Et bien entendu, entre les deux actrices sélectionnées, c'est la moins connue qui a eu le rôle : Talisa Soto.
Autant dire que ce Vampirella n'était pas dans mes priorités, mais j'y ai repensé récemment, et j'avais envie de garder une trace écrite de mon aventure.
Pendant qu'on y est, dans les pages de ce Piscou mag, on apprend que Woo va réaliser un certain "Face-off" ("Bas les masques" en français, nous dit-on) sur un policier infiltrant un groupe de terroristes, que Snake Plissken joué par "le génial Kurt Russell (Stagate)" sera de retour, qu'on attend L'arme fatale 4, et que Jean-Pierre Jeunet va réaliser le nouvel Alien.
Comme quoi, ils n'étaient quand même pas trop mal informés à l'époque, même sans internet.

Tout commence par un plan sur une galaxie inconnue, visiblement peinte.
Une planète apparaît, son nom : Drakulon. Ca commence mal.
Apparemment c'est le vrai nom de la planète de Vampirella dans le comic, mais c'est le genre de truc qu'ils auraient pu modifier, un peu comme les web-shooters dans le Spider-man de Raimi, ou au moins l'amener un peu plus en douceur, plus tard dans le film.
Mais on apprend tout bien vite dans ce film : en quelques instants on sait tout ce qu'il faut savoir sur Drakulon, ses rivières de sang qui permettent aux gentils vampires de se nourrir, même si par le passé, en des temps barbares, ils buvaient le sang des autres. Tout ça, on l'apprend parce que, c'est pratique, le père d'Ella le lui raconte, et ce dès l'apparition de ces personnages. Toutes les informations sont amenées immédiatement et de façon on ne peut plus forcée, puisqu'au cours de ce dialogue on apprend aussi que la peine de mort risque d'être réinstituée, ce qu'Elle trouve horrible, parce que c'est une gentille, pas comme le vilain Vlad et sa bande, qu'elle évoque dans la même phrase. On sait déjà tout sur le film.
Et à la fin de cette scène, l'héroïne fait preuve de son amour pour son père, "l'homme le plus sage de Drakulon". Ca tombe mal pour elle, mais bien pour le public qui a en si peu de temps toutes les clés de l'intrigue en main : quelques scènes plus tard le père meurt, tué par Vlad (vous vous souvenez, le grand méchant dont on vient de parler), et Ella pas contente montre les crocs. On ne nous le dit pas, car il ne faudrait pas nous mâcher le travail non plus, mais c'est le moment où elle se jure de venger la mort de son paternel.

Absolument tout est expédié dans ce début de Vampirella, ce qui ne semblait pas être une bonne chose, parce qu'avec un scénario qui s'avère déjà aussi simple, comment remplir le reste du film ?
Une fois l'héroïne arrivée sur Terre, c'est pareil : voilà un geek qui se fait attaquer dans la rue, on ne sait même pas qui c'est mais immédiatement il est sauvé par la femme-vampire, il l'emmène chez lui, sans transition elle regarde une carte des constellations et demande à l'inconnu qu'elle a sauvé d'imaginer ce que c'est de se réveiller sans se retrouver plus tard que le moment où on s'est endormi mais face à l'éternité, avec tous ses proches décédés. Le type a de la compassion pour elle, accepte sans aucune questions son récit farfelu, cherche sur son ordinateur le lieu où trouver un des méchants, elle l'embrasse, et s'en va.
Le geek, on ne le reverra plus dans la suite du long-métrage, mais juste après le départ de l'héroïne, il bâtit la légende : "Ella... a vampire girl... Vampirella !". J'aurais jamais trouvé ça moi-même.
C'est fini, on a emballé tout ça en 5mn. Et là on n'en est qu'à 15mn de métrage.
J'ai l'impression que ce film a voulu passer par toutes les étapes les plus classiques d'une fiction de ce type là, mais en pressant tout, ce qui donne un résultat ridicule.

Drakulon, Vlad, ... comme si ça ne suffisait pas, le gentil s'appelle Van Helsing. Comme si on ne pouvait pas faire un film de vampires sans faire référence à ces noms, alors même qu'il n'y a à la base aucun lien avec l'œuvre de Bram Stoker. Ah et il faut préciser que l'identité secrète de Vlad sur Terre, ou son nom de scène plutôt car il est chanteur à Las Vegas, c'est "Jamie Blood". Comment est-ce que les experts de l'unité spéciale dont fait partie Van Helsing ne l'ont pas trouvé ? Surtout que le titre d'une de ses chansons est "Bleed", et il y parle de boire du sang et ne pas apparaître devant un miroir...
Pour Vampirella, il suffira d'un poster pour le retrouver, mais pour Van Helsing et sa bande de bras cassés, il faudra une scène d'interrogatoire grotesque où un vampire est torturé avec de l'ail tout autour de sa tête. L'acteur ne semble pas avoir envie de jouer la souffrance toutefois, et il faudra donc en venir à la menace avec une seringue remplie d'eau bénite provenant du pape lui-même, rien que ça ! J'ai cru que c'était du bluff, qu'il y aurait un gag du genre "aha on t'a bien eu, t'as craché le morceau alors qu'en fait cette eau n'a rien à faire avec le pape", histoire de retirer un peu de ridicule... bah non.
Par ailleurs, l'équipe de la "special unit" nous sort la meilleure réplique du film lorsqu'ils étudient une photo d'un atterrissage de fusée, et sur laquelle ils arrivent à discerner une tache qu'ils comprennent de suite être une chauve-souris : "Vampires from space ?".
C'est vraiment un hasard, mais le film "Not from this earth", de Jim Wynorski, se nomme "Le vampire de l'espace" en français, et justement il y a un stock-shot de ce film-ci réutilisé au début de Vampirella !

Effectivement, ce film nous apprend que tous les vampire sont issu de l'espace. Et leur ambassadeur, ce faux Dracula qu'est Vlad, n'est pas un bon exemple pour sa planète, tellement il joue mal. Dès le départ il cabotine complètement, exhibant bien ses dents pour être sûr qu'on comprenne qu'il est en colère, donnant des ordres avec trop d'exagération, sautant en tendant les bras comme le gros cliché qu'il est.
Bon, en fait sur Terre ce n'est pas tellement mieux. Un homme qui a affaire aux vampires, quand il est emmené pour être tué, proteste en grognant comme un petit chien. Sans les images, rien qu'avec le son, on aurait pu croire qu'il était bâillonné, et qu'ainsi il n'exprimait pas son envie d'être relâché avec des mots, mais non, rien ne l'empêche de parler, mais il ne fait que grogner. Ca doit être un sacré handicap au quotidien.
Ce qui est étonnant c'est que lui, contrairement à l'acteur qui jouait le geek et qui n'était pas trop mauvais, a continué sa carrière. Enfin, si on peut dire que jouer dans la série des "Bare wench project" de Wynorski forme une carrière.
Talisa Soto, l'actrice principale, bien qu'elle ne fasse pas dans de tels excès, ne joue pas tellement bien non plus. Et dans les combats, elle est encore moins convaincante, et ce ne sont pas les bruitages amplifiés de coups et d'os cassés qui améliorent les choses.
Ce qui aurait pu être un bon point, au moins, dans ce film, c'est le costume de Vampirella, le fameux ! Pas étonnant que sur la cover de la VHS on ne voie que le visage grimaçant de Talisa, et non le reste de son corps, car on ne retrouve pas la tenue ultra-légère et indécente de la femme-vampire du comic book.
J'ai vu des images de l'actrice dans un costume qui y ressemblait, bien qu'il la couvrait un peu plus que l'héroïne de papier, mais celui du film n'y ressemble même pas. C'est une sorte de bikini rouge, avec un gros triangle doré sur le bas. Du costume original, le col blanc a tout de même été conservé, mais on dirait un truc en plastique qui achève de rendre l'ensemble de la tenue ridicule.
Quand le geek la voit pour la première fois, il demande "are you some kind of...", qu'est ce qu'il voulait dire ? "prostitute" ?
Le charme fonctionne pourtant pour certains, il faut croire, puisqu'un robot distributeur de bonbons siffle Vampirella quand elle passe.

Au bout d'un moment j'ai passé plusieurs passages jusqu'à la fin, faut pas déconner non plus.
De ce que j'ai vu, on a : un méchant qui parle de trop avant de mordre, cite Shakespeare, se fait arrêter au dernier moment, puis quand il a de nouveau l'occasion de sucer le sang de son ennemi il se remet à parler ; une séquence musicale avec "Jaimie Blood", pour remplir le film, avec des effets cheaps comme le public qui disparaît quand il chante "disappear" ; on apprend le terrible passé de Van Helsing qui a dû tuer son père après que Vlad l'ait mordu ; Vampirella qui veut le consoler, il la rejette disant "things move a little too fast" (tu m'étonnes !), mais finalement ils s'embrassent plus tard ; Van Helsing qui fait boire son sang à Vampirella pour qu'elle reprenne des forces ; deux plans nichons (forcément, chez Wynorski...) dont un où la vampire détourne l'attention de Van Helsing en lui demandant "what's hot ?".
Le pire est gardé pour la fin, avec la mort de Vlad complètement naze où il retire un bout de fusil mitrailleur flanqué dans sa poitrine, le soulève, se fait frapper par la foudre, et se transforme comme par magie en un type à tenue ignifugée qui ne ressemble en rien à Vlad. Le pire, c'est que même le bout de l'arme à feu n'est plus pareil, car c'est devenu un simple tube de métal. Même les cris de douleurs du grand méchants sont ratés, ils sont trop bizarres pour ne pas être risibles.

Ce qui pourrait à la limite intéresser certains, ce sont les cameos d'Angus Scrimm (que je n'ai pas reconnu pourtant) et de... John Landis ! J'ai été tellement surpris que j'ai cru que c'était juste un look-alike.
C'est un peu moins intéressant, mais il y a aussi Jim Wynorski lui-même (mais je ne sais pas du tout de quoi il a l'air) en présentateur TV, et Forrest J. Ackerman, énorme fan de SF et créateur de Vampirella, qui joue dans la scène à Las Vegas. Ce qui explique qu'il y ait un homme vieux qui danse dans ce club branché. Je ne connaissais pas cette personne, mais à voir sa filmographie et biographie, je suis soudainement pris d'une grande sympathie pour lui. RIP.
EDIT: non, il devient carrément un de mes héros.
http://en.wikipedia.org/wiki/Forrest_J_Ackerman
Et je m'en suis rendu compte après : il a donné son nom au personnage du geek dans ce film.

Et dire qu'à la fin du générique de Vampirella, on nous annonçait une suite !
Quelle déception ça a dû être, en plus de cela, pour les fans de Vampirella, voyant au fur et à mesure ce qui devait être un film passant au cinéma devenir un direct-to-video. Surtout que, je l'ai découvert seulement après avoir vu le film grâce à une recherche sur google, ce projet remontait à bien plus loin dans le temps que je ne le pensais.
J'ai vu un poster annonçant un film Vampirella par la Hammer, j'ai cru à un fake, alors qu'il n'en est rien ! Ca devait réellement se faire, et parmi les actrices envisagées il y avait Caroline Munro et Valerie Leon, que j'avais adorée dans La momie sanglante.
Je vous laisse lire ces articles complets sur le projet :
http://rajadevilman74sramblings.blogspot.com/2011/05/unmade-movies-hammer-studios-unproduced.html?zx=bd4011bb83fe1759
http://www.unofficialhammerfilms.com/articles/vampirella.html

Maintenant, on ne peut que se lamenter et rêver du film qui aurait pu naître de l'union entre la Hammer et Vampirella.
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le 13 sept. 2011

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Wykydtron IV

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