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Je me fends d'une critique rapide pour consigner mes impressions sur ce film qui cristallise les passions. Une remarque préliminaire à ma critique : à l'heure où j'écris, sur environ 500 notes, plus de 50% sont des extrêmes, dont la moitié de 1 et la moitié de 10. Ce genre d'anomalie statistique me laisse perplexe : faut-il que le sujet soit d'importance pour qu'une batterie de thuriféraires viennent donner aveuglément la note d'un chef-d'œuvre et qu'une autre batterie de détesteurs viennent par principe traîner ce film dans la boue ! Hélas, j'ai le sentiment d'une asymétrie entre les deux extrêmes : je décèle pour ma part plus de sectarisme dans les 1, et plus de maladresse ou de naïveté dans les 10. Indépendamment de la qualité du film, le constat le plus éloquent est celui qu'un film traitant d'un épisode controversé de notre histoire semble susciter des réactions démesurées, d'où quelles proviennent - on remarquera d'ailleurs que le récent film d'Omar Sy, Tirailleurs, a également suscité des passions, inversées en l'occurrence. Symptôme d'une société divisée ? J'ai mon idée sur la question, mais ce n'est pas l'objet de ma critique.


Je ne prétends pas être objectif ni expert, mais je me veux du moins honnête et de bonne foi. Je dirai donc que j'ai passé un bon moment en voyant Vaincre ou mourir, mais que c'est loin d'être une pleine réussite. Je dois dire que j'ai bien fait de n'en pas trop attendre en allant le voir au cinéma, en dépit d'une bande-annonce prometteuse - pour une fois. Car si je m'étais attendu à un Braveheart "à la française", comme j'ai pu le lire, j'en aurais été pour mes frais. On en est infiniment loin. Mais commençons par le bon, il sera temps de mégoter et de rechigner plus tard.


Au rayon des vraies réussites, la première et non la moindre, c'est le sujet : bon sang de bois, que ça fait du bien de voir un film sur une période aussi passionnante de l'histoire de France ! Le cinéma français, par habitude, par culture, par idéologie, par paresse, par crainte, ou pour je ne sais quelle autre raison absconse, n'ose que rarement s'emparer des pages glorieuses de l'histoire de France, ou même de certaines pages tragiques. Je compterais sur les doigts de la main les réalisations tant soit peu ambitieuses sur des périodes historiques antérieures au XXe siècle, alors même qu'il y a tant de matière à y puiser ! Bravo aux équipes du film d'avoir donc choisi ce thème si passionnant !


La deuxième réussite, c'est que Vaincre ou mourir me semble historiquement correct, ou en tout cas attaché à une vraie historicité. D'abord par l'immersion dans l'époque (décors, costumes...), et ensuite par le ton, et par la véracité ou la vraisemblance des scènes - le film contient d'ailleurs nombre d'anecdotes en apparence bénignes mais qui se révèlent assez proches de ce que j'ai pu lire de la réalité historique, ce qui me semble relever d'un agréable souci du détail. Bien sûr, il serait faussement naïf de ne pas voir la patte idéologique du Puy du Fou dans la narration de cette histoire. Mais, d'une part, j'aurais mauvaise grâce à y voir un objet de blâme, étant donné que je suis en sympathie avec la philosophie puyfolaise ; d'autre part, surtout, cela aurait pu se faire au détriment de l'honnêteté historique, ce qui ne me semble pas avoir été le cas ici, et d'autant moins en ayant écouté les réalisateurs et l'acteur principal en parler.


Je soulignerai également la qualité de la bande sonore (la musique est réussie, en particulier) et, dans une moindre mesure, l'honorable facture de la photographie.


Ce ne sont pas là des points mineurs, et ils justifient pleinement d'aller voir Vaincre ou mourir, car, si tant est que l'on se laisse prendre au sujet, on en ressort a minima avec ces réelles satisfactions et le sentiment d'avoir vu une œuvre intéressante qui ne se moque pas de son spectateur. Ce fut mon cas, à tout le moins.


Ces réussites sont cependant mitigées par des défauts qui grèvent hélas l'impression d'ensemble. D'aucuns ont critiqué l'introduction par des historiens. Ce n'est pas forcément le choix le plus heureux, mais j'aurais pu m'en accommoder. Cependant, dès le début, cela inscrit le film dans ce qu'il devait sans doute être à la base, et ce qu'il ne semble jamais avoir totalement cessé d'être : un docu-fiction. Car à cette présentation didactique sous le magistère de quelques historiens donnant le ton général du métrage, il faut ajouter l'omniprésente voix off, les ellipses à répétition, les dates inscrites en plein milieu de l'écran à mesure que l'on avance dans l'histoire, et plus généralement le peu de temps mis à faire ressentir au spectateur la véritable immersion dans une œuvre autoporteuse. C'est comme si elle nécessitait d'être toujours remise dans son contexte et expliquée par un regard extérieur. Pourtant, nombre de scènes témoignent du fait que l'on dépasse ici le simple docu-fiction. Les scènes d'embuscade m'ont semblé de très bonne qualité, par exemple. Dommage d'être resté quelque part au milieu du gué, en n'assumant pas complètement la dimension fictionnelle et en s'arrimant souvent avec excès à l'Histoire de la Vendée, par le maladroit truchement du commentaire perpétuel.


Autre regret : le manque d'incarnation des personnages. L'acteur de Charette me semble correct - avec le bémol que ses premières prises de paroles dans le film m'ont paru molles et sans âme véritable ; mais les choses sont allées en s'améliorant et j'ai fini en empathie avec le personnage, ce qui est le signe que finalement le travail est plutôt bien fait - peut-être est-ce moi qui étais trop sur la défensive initialement. En revanche, je suis bien en peine de vraiment identifier les autres personnages : peut-être est-ce dû à un jeu approximatif, ou à une direction hasardeuse ; j'ai tendance pour ma part à privilégier l'hypothèse d'une défaillance d'écriture. En vérité, je crois que le point nodal des défauts de Vaincre ou mourir, c'est bel et bien l'écriture, à travers le parti-pris de ne pas avoir une histoire en particulier à raconter, mais une juxtaposition de scènes dans le grand décor des guerres de Vendée, et centrées autour du personnage de Charette. Tous les autres - même ses proches lieutenants, même le général Travot - qui eût pu être un bel alter ego "bleu" - sont ternes, fades, inconnus. J'ai eu le sentiment d'un film qui ne prend pas son temps, qui veut aller trop vite, qui se cantonne à l'absolument nécessaire - l'Histoire avec un grand H -, et oublie l'essentiel : l'intimité avec les personnages et avec l'histoire que l'on nous raconte. Cela rejoint ce côté "docu-fiction" originel, qui commente et illustre une époque au lieu de raconter une histoire continue et compacte. Peut-on faire un bon film épique et émouvant en 1h30 ? J'ai tendance à penser qu'une bonne demi-heure de plus, voire davantage, au service d'une narration plus intime, n'aurait pas fait de mal au film.


Enfin, au rayon des - petites - déceptions, je mentionnerai les répliques parfois un peu "m'as-tu vu", "à l'américaine", que l'on a placées dans la bouche des personnages, et notamment de Charette. Singer les films épiques américains ne sied pas au cinéma français. Et faire prononcer à Charette un vers de Cyrano ("mais on n'abdique pas l'honneur d'être une cible"), c'est au mieux de la maladresse, au pire, du gros rouge qui tache (sauf à ce que l'on me pointe que c'est Rostand qui aurait plagié Charette, ce que mon ignorance pourrait entendre avec humilité mais ce qu'une brève recherche Qwant ne m'a pas clairement indiqué). Davantage de subtilité n'aurait pas fait de mal. Et cela vaut aussi pour le fond : on pourra certes dire qu'il y a quelques bémols au manichéisme général du propos

lorsque l'on mentionne des exactions perpétrées par Charette sur des prisonniers, altérant sa vertu de chevalier blanc, ou lorsque l'on voit certains républicains (Travot, par exemple) se comporter avec honneur et dignité, à rebours de l'esprit général du film qui condamne sans équivoque la France républicaine et les exécutants du Comité de salut public

mais cela me semble si mince qu'il semble n'y avoir là qu'une concession purement formelle à un nécessaire esprit de nuance.


Alors, est-ce un nanar ? Non. Est-ce un chef-d'œuvre ? Non plus. Est-ce un film à la mesure de ses moyens ? Je pense qu'il y avait matière à mieux faire, même sans beaucoup de moyens, en gommant certaines scories dommageables. Bien sûr, il est aisé de le dire de l'extérieur, surtout en n'y connaissant rien en cinéma, comme c'est mon cas. Mais c'est l'impression qui indubitablement m'anime après avoir vu le film.


Mais ce que je veux dire avant de clore cette critique, c'est que malgré les défauts que j'ai cités, c'est avec infiniment de bienveillance que j'ai rédigé ces impressions, car je retiens avant tout l'intention louable du départ, la sincérité de ses équipes et les qualités réelles du film dans la restitution de cet épisode passionnant de notre histoire. J'aurais pu me contenter de mettre une superbe note et de dire que c'était un grand film, sous prétexte que je suis en sympathie avec son récit. J'aurais pu dire que "si Libé et Télérama détestent, c'est que ça doit être bien !", mais "c'est un peu court, jeune homme" ! Zut, je paraphrase également. Lorsque l'on essaie d'enraciner sa vision du monde dans la vérité, on ne peut pas se renier en fermant les yeux sur les réalités qui s'offrent à nous. Qui aime bien châtie bien ; je crois qu'être exigeant avec ce genre de productions qui vont très nettement dans le bon sens et qui demeurent rares à ce jour est aussi le meilleur moyen d'appeler à élever le niveau pour livrer à l'avenir de vrais bons films dans cette veine. Il est absolument nécessaire que la production française finance à l'avenir de beaux films épiques ou tragiques sur notre histoire, et que nous retrouvions de l'ambition dans notre cinéma. Et il faut l'y encourager, mais dans l'honnêteté intellectuelle et l'exigence. J'ai l'impression que cela frémit depuis quelques années, après des décennies à ronronner dans le régressif, mais il faut que cela s'accentue ! Merci à tous ceux qui s'engagent pour nous proposer des œuvres ambitieuses sur l'histoire de notre pays ! Haut les cœurs !

Volpardeo
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le 1 févr. 2023

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