15 minutes ont suffi pour donner une leçon de cinéma à Paranormal Activity

V/H/S, c'est le film qui a bien fait parler de lui ces derniers mois et particulièrement en 2012 où il est passé par de nombreux festivals à la renommée très variable (Strasbourg, Gérardmer, Nice, Paris mais aussi Toronto et Sundance). C'est surtout un film qui surfe sur deux tendances actuelles du cinéma d'épouvante : le found-footage et le film à sketchs. La première popularisée par les films Blair Witch, Cloverfield ou la triste saga Paranormal Activity, et la seconde qui permet de lancer de jeunes réalisateurs, au-delà du DTV, sur un projet collectif dont les succès de The Theatre Bizarre et Doomsday Book dans les festivals confirment le bien du genre, et en attendant The ABC's of Death (ambitieux long-métrage composé de 26 réalisateurs). Alors est-ce que mélanger deux sous-genres pour en faire un film ne va--t-il pas faire perdre une certaine identité à V/H/S ?


Non !
C'est là toute la réussite du film. Une vraie merveille du cinéma fantastique/épouvante indépendant, aidé par des réalisateurs talentueux, dont Ti West (Cabin Fever 2, The Inkeepers), Joe Swamberg (Lol, Nights and weekends) et Adam Wingard (You're Next). Si les sketchs sont assez inégaux sur le plan qualitatif, l'ensemble rend extrêmement bien à l'écran, et c'est l'avantage du format, car il agit comme un grand-huit nous faisant passer de moments plus posés, à des moments de pures folies où tout s'enchaînent avec frénésie.


V/H/S est donc découpé en six sketchs dont une trame narrative. Cette dernière intitulé Tape 56 nous présente une bande de casseurs/braqueurs chargée de retrouver une cassette dans une maison où l'accueil est relativement morbide (un vieil homme, et accessoirement décédé, devant une télévision). Cette intrigue est le fil conducteur du film et sert de transition entre chaque sketch. Pas vraiment clair, très mystérieux, ça n'en reste pas moins dérangeant ! L'histoire renvoie à certains éléments de The Ring où chaque braqueur va regarder un extrait de la cassette (les sketchs suivants), désormais lié et à un destin funèbre. Pas vraiment compréhensible mais terriblement efficace.


Premier sketch du lot, Amateur Night a le mérite de mettre directement dans le bain. Une soirée beaucoup trop arrosée. Un after dans une chambre et c'est laissé place à l'imagination d'un David Bruckner dérangé, qui s'attaque à nos peurs profondes et rend hommage à une figure du monstre mythologique d'épouvante. Très vicieux !


Le second, Honeymoon me confirme quant à lui tout le bien que je pense Ti West. Simple, diablement efficace, et servi par un twist final dérangeant. Une histoire simple d'un couple amoureux, mais pas vraiment en phase, se payant le luxe d'une virée touristique dans le fin-fond des Etats-Unis. Jamais clichée dans la description de ses personnages mais avec des indicateurs subtils qui laissent imaginer le dénouement.


Tuesday The 17th, véritable hommage à Vendredi 13 qui use volontairement des clichés inhérents au genre slasher. Cette promenade dans les bois rappellera également aux gamers le jeu Slender. Très malsain, le film confirme une nouvelle fois une montée en puissance qui fait met nos nerfs à rudes épreuves tant le rythme s'intensifie à chaque sketch.


The Sick Thing That Happened to Emily When She Was Younger a des éléments qui nous renvoient à Paranormal Activity 4. Mais c'était sans compter le génie narratif de Joe Swamberg, complexe et osé dans son utilisation des effets-spéciaux. En quinze minutes, il a réussi ce qu'on attend de Paranormal Activity depuis 4 ans.


Et enfin la descente finale des montagnes russes avec 10/31/98 qui narre le départ de quatre amis pour une soirée Hallowen. Honnête et simple dans le traitement de ses personnages, avec à l'arrivée une nouvelle histoire sur fond de culte religieux et d'événements paranormaux. Mais le talent du collectif Radio Silence nous permet d'évaluer leurs capacités à utiliser d'effets spéciaux incroyables. Le court est certes prévisible mais il sera pardonné par un traitement furieux où le film se conclue sur une impression d'avoir assisté enfin à un excellent film de genre.


Pour revenir à l'aspect global du long-métrage, l'utilisation de la caméra mobile est vraiment bien faite, car le film est lisible sans pour autant paraître figé et donc peu naturel. Tous les réalisateurs se sont servis de ce format avec brio. V/H/S est un film malsain mais très prenant, répondant sans cesse à nos pulsions de violence et de goût pour l'adrénaline et l'horreur. Traitant souvent du rapport à l'argent, au sexe, à la débauche ou au dépassement des limites, les personnages en prennent vraiment pour leur grade. Un ensemble pas vraiment compréhensible sur le plan narratif mais cohérent et surtout terriblement efficace dans son traitement. Mais toute la réussite du film tient du fait que ces intrigues soient parfaitement adaptés au format court. Parfois trop court, mais jamais trop long.


Du coup, les amateurs du film d'épouvante indépendant ont là de quoi trouver une véritable référence pour l'année. Les néophytes et fanatiques de Paranormal Activity y seront réticents, les autres seront comblés comme l'ont été tous ces organisateurs de festival qui n'ont pas hésité à le sélectionner dans toutes les grandes compétitions internationales. Démoniaque, dérangeant, efficace. V/H/S ou quand la jeune génération frustrée donne une claque aux grosses productions actuelles.


Et pour ceux qui auraient apprécié l'expérience, je vous recommande sa suite intitulée V/H/S/2, tout aussi maîtrisée.

Kévin List

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