Utøya, 22 juillet choisit de représenter ce qui peut être vu comme un tabou: Comment fait-on pour survivre à une attaque terroriste?
Le choix du titre est assez remarquable, il place l'événement dans la longue liste des jours tragiques où il n'est pas nécessaire de mentionner l'année pour le replacer dans le temps. C'est le cas du 11 septembre, de 7 janvier, du 13 novembre...


On suit Kaja venue avec sa sœur pour participer au camp d'été de la Ligue des jeunes travaillistes de Norvège sur l'île d'Utøya. Le jour du 22 juillet (2011), après avoir appris les explosions du quartier des ministères d'Oslo, elle va devoir courir pour sauver sa vie et retrouver sa sœur dont elle s'est séparée avant l'attaque.


L'oeuvre entre dans le cercle très restreints des films composés uniquement de plans-séquences. Si les explosions sont des images du caméras de surveillance et de films amateurs mis bout à bout, ils ont pour vocation d'être des plans-séquences tournés plus ou moins consciemment dans le feu de l'action. Mais, la partie fiction sur l'île d'Utøya, répond aussi à ce défi technique.
Nous suivons Kaja, sur ce long plan-séquence, qui s'étend sur aussi longtemps que le durée de la fusillade: environ 72 minutes. Elle se réfugie d'abord dans la salle commune, dans les cris et la panique de ses amis et compagnons de camping. Après s'être cachée avec quelques-uns de ses amis en lisière de forêt, elle décide de partir seule à la recherche de sa sœur.
Le spectateur peut alors voir le choix du plan-séquence de deux façons. Soit comme une vue à la première personne, où il se retrouve impliqué quasiment au même niveau que les autres personnages. Il peut aussi être abordé comme une vue à la troisième personne, dans lequel Kaja doit toujours rester en vue pour ne pas risquer de la perdre dans la panique.


Tout ceci se passe en un mouvement. Quand Kaja se lève, la caméra la suit et le spectateur est comme emporté avec elle. Courant derrière elle, se mettant comme elle à couvert entre les tentes, nous entrons alors dans une sorte de story mode. Kaja devient une survivante solitaire. Son apparence physique, proche de Lara Croft - brune avec les cheveux en arrière, pantalon technique, chaussures de randonnée, débardeur gris et veste militaire- renforce cet aspect. Le déroulement dramatique la fait passer par différents lieux dans lesquels elle doit échanger avec des personnages rencontrés au hasard.


Le film réussit à faire adopter au spectateur les mêmes comportements que Kaja. D'une violence rare, sans jamais sombrer dans un voyeurisme dégradant, le film offre une expérience d'une intensité profonde. Le sentiment de danger permanent, la surprise dans le déroulement de l'histoire et aussi la manière dont le film se présente, force le spectateur à rester attentif en permanence. Erik Poppe parvient avec Utøya, 22 juillet à faire ressentir la notion de danger mortel.


En effet, Kaja meurt, au seul moment où elle sort du cadre. Trahie par l'indiscrétion de son compagnon d'infortune dont le comportement montre sa grande incompréhension des événements qui sont en train de se dérouler.


Émotionnellement très fort, le film propose à son spectateur une expérience intense, déstabilisante et assez effrayante.

S'inspirant d'un événement réel, l'histoire de Kaja à la recherche de sa sœur est purement fictionnel mais trouve son inspiration dans des témoignages de faits ayant eu lieu à Utøya le 22 juillet.

Alexandre_Burban
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le 23 nov. 2019

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