Funny UGC Us - Le jour où j'ai failli me battre avec un spectateur (non)

La pluie tombe sur le cinéma des halles un mardi soir. Il fait froid, les arbres bruissent à la lueur de la Sainte-Eustache qui juxtapose le complexe. Non, en fait il fait bon. Il fait bon aller aux dernières séances des Halles, celles de 22h30, pour y voir un film d'horreur. En espérant ne pas avoir une salle trop petite, puisque ce soir j'attends deux amis et nous aimerions nous placer correctement. Un homme me demande une cigarette. Je lui dis attends, je regarde. Il me parle de toute sa famille qui est décédée. Je lui dis t'emmerde pas, il m'en reste. Il me demande si j'ai du feu. Je lui dis que j'avais feu du feu. Il ne comprend pas. Je lui dis t'emmerde pas, j'ai du feu. Je lui donne, il part et je jette un dernier coup d’œil à cette basilique qui sera le dernier joli souvenir de cette soirée ignoble ! Ah oui, si vous voulez mon avis sur le film, ce sera en bas, avec le code secret "Jordan rempeele on dirait Ryan Gosling qui fait son film et qui repompe tout ce qu'il a pu voir dans sa vie." Ca se fait pas, j'avoue.


Ils arrivent, on présente nos cartes. J'ai toujours cette angoisse de présenter ma carte à un vigile et pas à quelqu'un qui déchire les tickets. Ca m'est arrivé une fois, ça m'a traumatisé. Nous passons devant les sucreries, je demande à mes amis si ils veulent quelque chose, ils me demandent pareil, je leur réponds que je ne suis pas un pigeon, en fait. Cinq minutes plus tard, je craque devant la salle et achète un paquet de maltesers et un fanta. J'avais un billet de 10, j'étais en plein stress de savoir si j'avais assez ou pas. Miskina, la séance me revient toujours à sept euros avec ces conneries de fanta. Nous entrons dans la salle, le film commence et là, c'est le drame.


Durant tout le métrage, un groupe de deux personnes derrière nous rigolait constamment. Mais genre, constamment. Peut-être une réplique sur trois, sans exagérer. Ca ne parait rien, mais à terme ça doit faire quelques centaines de rires très bruyants durant le film, sans exagérer toujours. Ces rires étaient accompagnés d'un autre rire, un peu plus loin dans la salle, exactement le même rire, un peu gras, bruyant et très beauf. Je pense qu'ils se connaissaient. Ca a tué toute la séance. On sort tellement du film et on se perd tellement à savoir quoi leur dire si jamais on se retournait que l'on en oublie quand le film doit être drôle, quand telle réplique doit marcher sur nous ou lorsque c'est intense et horrifique. On perd tous nos repères, et c'est la première fois de ma vie où j'avais vraiment envie de prendre mon courage à deux mains, de me retourner et de leur lâcher un violent : vous cassez les couilles à tout le monde. Oui, je suis violent. Même la salle n'osait plus rire, c'était horrible. Il y a un minimum de savoir vivre quand on va voir un film. Que des gens mangent bruyamment, que certains regardent leur téléphone (c'est arrivé pendant la séance), c'est extrêmement chiant mais peu importe, chacun vit sa séance tant qu'il le souhaite et c'est plus un manque d'éducation et de tolérance qu'autre chose. Là, ces rires semblaient intentionnels, ou alors très alcoolisés ou plein de weed. Je trouve ça absolument exceptionnel que certains soient aussi stupides et arrogants pour s'afficher comme ça, sans en avoir rien à faire des gens autour. Déjà que je trouve l'humain assez con de manière générale dans sa façon de se tenir en public, là c'est simplement révoltant. Je vous passe les petits commentaires qu'ils se faisaient, tout était fait pour désamorcer chaque scène et chaque réplique pour les rendre hors sujet.


A la fin du film, lorsque le générique est tombé, je me suis retourné pour voir ces deux visages et je les ai fixés. J'étais décidé à dire quelque chose. Vous savez, pour quelqu'un de plutôt introverti dans ce genre de situations, c'est difficile car il faut prendre en compte deux choses. La première, c'est que ça va être une intrusion directe, totale et unique dans le quotidien de ces deux personnes. Je serai le seul visiblement à le faire, et nous allons entrer en confrontation directe. La deuxième, c'est : est-ce que je suis légitime pour faire une remarque déplacée et agressive ? C'est vrai, il faut déjà juger la frontière entre le comportement stupide d'un spectateur, qui ne mérite pas qu'on l'agresse pour autant, et celui de quelqu'un qui fait ça intentionnellement et qui est réellement un connard. Donc, je les fixe, je crois qu'ils finissent par me regarder aussi mais l'impensable se produit. Non, chers lecteurs, je n'ai rien dit, je ne me suis pas bagarré, j'ai fermé ma petite bouche de célébrité éphémère de notre cher réseau culturel. La raison ?


Ils parlaient anglais. Totalement désarçonné, j'ai vu un grand trou noir. Je n'ai pas compris. Je les ai entendu faire des commentaire en français pendant le film, j'étais vraiment prêt à leur dire une phrase que je m'étais répété durant toute la fin du film : vous avez cassé les couilles de tout le monde et bien niqué notre séance, merci beaucoup. Mais les types parlaient anglais bordel. Pendant une demi-seconde, j'ai essayé de traduire cette phrase dans ma tête mais j'ai vite lâché l'affaire. Du coup, miskina, les bras ballants, je suis reparti bredouille, comme une victime. En plus, quelqu'un de précieux pour moi a dit un jour que parfois je roulais du cul quand je marchais. Depuis, à chaque fois que je suis énervé, j'y pense et je le fais au centuple quand je marche en y pensant. Ca n'a aucun putain de rapport, mais je crois que l'on se dit tout vous et moi.


Jordan rempeele on dirait Ryan Gosling qui fait son film et qui repompe tout ce qu'il a pu voir dans sa vie. Je n'avais pas aimé Get Out et j'ai plus apprécié ce Us, qui reste quand même et je suis désolé de vous le dire une resucée de beaucoup d'influences et de références, malgré un talent certain du cinéaste pour la maîtrise, la technique et la création d'atmosphère. Les acteurs sont très bon (voire excellents comme Lupita Nyong'o et Elisabeth Moss), la poésie très attirante quoique trop peu exploitée et les idées n'ont de cesse de foisonner dans ce métrage qui ressemble à un melting pot de tout ce que l'on aimerait voir dans le cinéma d'horreur et dans le cinéma fantastique. Néanmoins, l'excitation que l'on ressent lors de certaines scènes restent à nuancer, déjà parce que le twist ending se perd dans des facilités shyamalanesques, ensuite parce que Jordan Peele est un amoureux de la forme qui adorerait savoir la relier parfaitement au fond. Il y a évidemment du Lanthimos et du Haneke dans ce film (j'ai vu ces références dans une autre critique, mais je les ai sorties hier dans le bus pour rentrer donc automatiquement je me permets de les remettre) mais Peele semble encore chercher son cinéma, en nous imposant une deuxième famille totalement dispensable et et désagréable et en ne poussant pas assez la longueur de ses plans ou de ses idées pour décupler la bizarrerie malsaine de ses personnages.


Il est évident que c'est un réalisateur talentueux, passionné et engagé, qui par le biais de l'horreur tente (avec plus ou moins de réussite) de parler de la société (ou de sa société, ce qui à terme pourrait paraître problématique) et emmène le spectateur dans un florilège de prouesses artistiques. Si le film parait parfois long ou brouillon, Us est moins imposant que Get Out mais sûrement plus créatif et courageux (dans son aspect technique), ce qui permet au spectateur de passer un moment agréable, dérangeant et captivant devant une telle débauche d'honnêteté. On reste parfois en dehors de la tension à cause d'un humour marvelisant (pas toujours), et souvent happé par ce Us qui est une vraie promesse de renouvellement pour les futures années à venir.

EvyNadler
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste En 2019, je ne suis pas Jessica Chastain, donc ne me dites pas que j'étais géniale dans Interstellar - Mes 57 films en 2019

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le 27 mars 2019

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EvyNadler

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