Derek Yee, un nom qui n'est pas forcément familier du grand public ou bien même des amateurs de cinéma HK, et pourtant ceux ayant un peu parcouru sa filmographie savent qu'on ne ressort jamais déçu d'un de ses films. Il commença comme acteur dans les films de kung fu de la Shaw Brothers avant de signer sa 1ère réalisation en 1986 avec "The Lunatics" qui aborde la maltraitance et les conditions de vie déplorables des handicapés mentaux à Hong Kong, un choix gonflé étant donné que le cinéma HK traite rarement de ce genre de sujet social et engagé. Fort du score honorable du film au box office (plus de 9 millions HK$), il continue sur sa lancée et réalise un an après People's Hero, un superbe huit clos dans lequel des jeunes paumés décident de braquer une banque et se retrouvent coincés entre la police et des vrais braqueurs.

Puis les films s'enchaînent : C'est la vie mon chérie, Full Throttle, Viva Erotica ... mais les constantes développées par le réalisateur restent, à savoir une direction d'acteurs sans faille afin de créer des personnages humains et touchants, dénués de tout cliché, associé à un scénario de qualité dont il est l'auteur. Alors certes ses films ne sont pas exempts de défauts, mais il y a toujours d'indéniables qualités qui ressortent, assurément la marque d'un grand auteur.

"One Nite in Mongkok" est le nom donné à l'opération de police consistant à dénicher 2 chefs de gangs locaux ainsi qu'un tueur venu de Chine populaire pour justement tuer l'un des deux. Le début du film commence comme un film de triade classique avec une escalade de la violence, œil pour œil, dent pour dent, les 2 gangs en activité dans le quartier de Mongkok s'entretuent. L'un des 2 chefs voyant qu'il est en danger décide de contacter Liu, un petit trafiquant de téléphone portable joué par Lam Suet, afin qu'il use de ses contacts au mainland (Chine Populaire) pour faire venir un tueur capable d'assassiner son rival. Ce tueur, c'est Lai Fu, joué par Daniel Wu qui lors de son séjour à l'hôtel va aider Dan Dan, une prostituée joué par Cecilia Cheung, à se débarrasser d'un client quelque peu agressif. Ceci est donc la base du film mais beaucoup de sous intrigues vont venir se greffer petit à petit et chaque personnage, aussi insignifiant qu'il puisse paraître au départ, a son importance. Car le scénario du film est vraiment très bien écrit, chaque petit détail anodin peut amener au final des surprises ou rebondissements.

Au niveau du casting, il n'y a rien à redire, Daniel Wu, un des acteurs montant du cinéma HK, réussit à l'instar de certains de ses confrères de cette nouvelle génération de jeunes acteurs, à être parfaitement crédible, Cecilia Cheung est convaincante dans son rôle de prostituée naïve et vénale, Alex Fong déjà excellent dans Till Death do us Part de Daniel Lee a pris de la bouteille et cela lui permet d'interpréter un flic expérimenté hanté par ses démons, Chin Kar Lok, dont Derek Yee nous avait montré une autre facette que celle de cascadeur dans son Full Throttle, est parfait lui aussi tout comme Lam Suet dans un personnage haut en couleurs et délirant. Certains auront également reconnu le jeune maigrichon à lunette de L'Enfer des Armes de Tsui Hark jouant un indic junkie, ancien ami d'enfance de Alex Fong.

En plus d'une direction d'acteur sans faille, tous les personnages du film sont très bien développés et comme je le disais plus haut, on est loin des clichés que ce soit au niveau de la police, des immigrants ou encore des prostituées. Chaque personnage possède ses zones d'ombre et des faiblesses en lui qui font que les apparences sont souvent trompeuses, ainsi au fur et à mesure que le film avance, les masques vont tomber et nous laisser découvrir une autre facette. Leurs actions ne sont donc pas prévisibles et peuvent amener des conséquences imprévues. Le réalisateur ne manque pas non plus l'occasion de traiter en arrière plan du problème de l'immigration des chinois du mainland vers Hong Kong à travers ses 2 personnages principaux.

Au point de vue de la réalisation, Derek Yee utilise beaucoup la caméra à l'épaule notamment lors des nombreuses poursuites dans Mongkok et les scènes d'action sont terriblement efficaces, très énergiques et très crues. Ici, malgré la présence de Chin Kar Lok aux chorégraphies, la violence est brutale et très réaliste, représentant bien le côté désespéré et noir du film. Car One Nite in Mongkok est un film sans concession et le final du film est là pour nous le rappeler. Hormis certains polar de la Milkyway, on avait plus vu ça depuis longtemps.

Au final, nous sommes donc devant un film au scénario en béton où tout s'emboîte parfaitement pour former un tout passionnant avec des personnages très bien développés soutenu par une interprétation sans faille et une bonne réalisation. Ce petit bijou signé Derek Yee prouve qu'il y a encore des réalisateurs et acteurs capables de faire de très bonne chose à Hong Kong.
Ryo_Saeba
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le 2 oct. 2010

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