Comment retranscrire l'émotion ressenti devant ce film ? C'est simple, si vous voulez savoir, regardez ce film maintenant car toute chose écrite ne pourra transmettre un centième de l'émotion que contient ce film, signé d'un certain Cassavetes. On comprend avec ce film ce qu'est le cinéma, le vrai. Et on voit la différence avec tous ces films qui font comme si c'était du cinéma, poussant tout à l'hystérie, méprisant aussi bien les spectateurs que leurs personnages (oui je parle bien de Mon roi de Maiwen, de De rouille et d'os d'Audiard). Regardez ce film et vous verrez d'où vient l'inspiration de ces films médiocres, qui font croire à leur génie alors que tout est manipulation la plus exécrable. Mais concentrons-nous plutôt sur Cassevetes. D'abord parlons de la mise en scène pour comprendre pourquoi je dénigre autant les films cités précédemment. La caméra laisse la place à ses acteurs, jouant tantôt du plan d'ensemble pour relater l'action ou du gros plan pour accentuer l'émotion des acteurs. Il y a un vrai travail sur les corps chez Cassavetes qui est tout à fait intéressant. Il respecte les mouvements de ces acteurs en soulignant à chaque moment un trait de leur visage, une particularité de leur mouvement, ce qui donne presque une valeur anthropologique à sa manière de filmer. La musique est toujours judicieuse, ne soulignant jamais la mise en scène ni en voulant soutirer les larmes du spectateurs mais toujours en accompagnant l'émotion du spectateur. C'est un film qui nous prend par la main plus qui nous pousse. Prenons cette scène absolument magnifique où le mari de Mabel appelle le docteur pour la faire interner. La scène dure encore et encore, laissant tout le champ libre au jeu magique de Gena Rowlands. Il n'y aucune morale dans ce film, Mabel n'est jamais traitée comme folle. Bien au contraire, il y a une certaine poésie qui émane du personnage comme lorsqu'elle danse sur le lac des cygnes avec ses enfants (autre grande séquence du film). Le voisin, face à elle se trouve comme gênée face à cette femme qui se comporte comme un enfant et qui laisse d'ailleurs ses propres enfants joués nus dans la maison. Mabel est finalement la liberté incarnée qui se fout complètement des conventions sociales, elle apparaît aux yeux des autres comme folle. Lorsqu'elle revient de l’asile psychiatrique, son mari lui demande de revenir comme elle était auparavant, mais le comportement de Mabel est désormais guidé par les mœurs sociales (elle demande à son mari si sa conduite est correcte). D'où cette scène finale magnifique, où Mabel danse au milieu du salon en sifflant la danse des cygnes, elle n'est plus elle même, la société la condamne à devenir quelqu'un d'autre. C'est un film qui traite plus du rapport que nous avons aux autres qu'un film sur la folie à proprement parler. Dans tous les cas, c'est un grand film, cela reste sûr.