LA LUMIÈRE !!! Le son !! Le montage !

Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu un Godard et celui-ci me fait dire que j'ai eu tord d'attendre si longtemps pour me replonger dans son cinéma. Évidement il y a ce petit quelque chose de snob qui est un peu agaçant mais de revoir un de ses films en étant un peu plus agée et en ayant vu moulte autres chose entre temps me donne envie de dire que : c'est aussi ça qui est bon.

Je vais commencer par la lumière car je crois que c'est ce qui m'a le plus marquée. Dès le premier plan du film on saisit toute l'importance qu'elle aura ici. Elle est tellement "propre", tellement travaillée, c'est super pointilleux, super doux. J'ai particulièrement aimé lorsqu'elle était au coeur de petit détails : les led sur les places de cinéma, par exemple. Ou lorsque l'image d'Hitchcock apparait, avec la lumière sous son oeil. D'ailleurs, c'est un travail de la lumière qui me semble assez proche de celui - prodigieux - de Psychose donc on voit bien à quel point rien n'est laissé au hasard.

Le son ensuite, puisque ça a été ma deuxième exclamation. L'usage des voix off est globalement très agréable, avec ses chuchottement qui façonnent une intimité un peu particulière car à la fois très artificielle et très authentique (paradoxalement). J'ai aussi beaucoup aimé les collages sonore, comme on a un très beau alors que mari et femme se poursuivent dans l'appartement : les rires sur le disque, la musique en post prod, les voix des personnages. Peut être que les plus touchant sont ceux de la fin : la voix robotique de l'aéeroport qui s'impose aux amants, il y a quelque chose de très "poésie du monde moderne". Ce truc est peut être un peu facile mais ça ne m'empêchera jamais d'aimer ça.

Le montage quant à lui est tout juste merveilleux. Le rythme est extrêmement bien maitrisé : la durée est exploitée avec une grande justesse, notamment lorsqu'il y a ces séries de plans sur les parties des corps. Ou la suite des trois plans poitrines lors du diner, sur ses visages qui sans se répondre entre eux semblent répondre à quelque chose. Mais on a aussi un jeu avec la brieveté, celle des insert de pages de publicité par exemple, elles sont omniprésente. C'est le temps de l'amour (et quelque part avec les lui des copains et de l'aventure), de la sensualité, qui s'oppose dans toute sa grandeur avec celui des modes, des injonctions, de la conformité et du désir d'être dans un présent, dans la vogue. Il y a cette séquences où il est beaucoup questions des avoirs du couple qui fait une peu penser à Perec dans Les choses (même si le bouquin date en fait de l'année suivante).

Ça me mène assez facilement a un autre point, plus au niveau de la diégèse, que je voulais aborder. Je vois un peu ce film comme la chronique du désoeuvrement d'une femme de petite bourgeoisie. C'est un désoeuvrement finalement très conventionnel. Elle ne sait plus pour qui elle se fait belle, c'est ça son grand malheur. Je ne crois pas bon de résumer le film à ça mais ça ouvre plein de porte à ces réflexions qui me fascinent sur l'impact du patriarcat sur la vie de couple et la temporalité faussée du capitalisme néolibéral.

Une femme mariée travaille aussi énormément sur les images que ce capitalisme a créer, avec les pub géantes et des journaux féminins qui font dès le départ autant le bonheur que le malheur de ces dames - ou plutôt qui font leur malheur mais elles ne le savent pas encore ou s'y résignent. Il y a tout un immaginaire qui est mobilisé ici et qui ne peut que faire échos à notre époque où l'on essaye de lutter contre les nouvelles formes de ses injonctions, ce qui nous force à les discuter même si c'est, évidemment, sur un autre mode que celui des deux demoiselles du café ou de Charlotte et sa femme de ménage.

Dernier point, j'ai beaucoup aimé la sensualité équitable qui se détache de ce film, sa corporalité. Certes, ça reste des corps calibrés pour le cinéma français des années 60, mais il y a une discussion autour des choses du corps (plaisir, maternité,...) et des choses du couple.

Bref, je pourrais continuer longuement comme ça mais c'est assez de mon flux de pensée désorganiser pour aujourd'hui.

louisewun
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le 14 juil. 2022

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