C'est vraiment le film le plus triste au monde. Des deux films de Demy que j'ai vu, deux contes du désespoir tuant, Une chambre en ville est celui qui cherche le moins à jouer à cache-cache avec la tristesse foudroyante de son récit. Dans Les Parapluies de Cherbourg, il y avait encore les couleurs vives et les envolées lyriques de Legrand qui tentaient de sauver les apparences, lançaient des nuances de vie inespérées. Ici, le désespoir est comme un roc, immobile, un monolithe, qui fait face à tous les personnages dans le décor vert et gris. La musique a vieilli, elle-même n'est pas éternelle, chacune de ses notes semble aller vers le bas, l'obscurité, chaque envolée s'essouffle, chaque élan poétique se retrouve bloqué. Cette chambre du titre, c'est cette chambre où gisent les secrets, les morts, les passions mortifères et sublimes. Tout mène à cette chambre, chants, corps, décors, et donc à la tragédie. La seule touche de couleur du film, c'est Violette, avec sa robe rose et sa voix de crécelle. Sauf qu'elle n'est pas dans le film. Elle court et la caméra ne semble pas vouloir la suivre. L'histoire d'amour et de mort éphémère, tragique, ne la concerne pas. On l'abandonne, on la met de côté. Elle devient une tâche de rose ridicule dans le gris de Nantes. C'est terrible.