A l'instant où j'écris cette critique, nous sommes à la moitié de l'année 2014, et sans vouloir trop m'avancer, je pense sincèrement que "Under the Skin" est le film le plus étrange sorti depuis janvier.

Étrange est vraiment LE mot du film, car au-delà de son esthétique si particulière, "Under the Skin" est assez bizarre, bien qu'intéressant, dans ce qu'il raconte également.
L'expérimentalisme pour raconter une histoire de SF, c'est un procédé que l'on ne voit pas souvent il faut l'avouer, hors il s'avère que cela fonctionne très bien dans le film. Car si au premier abord (notamment lorsque l'on regarde la bande-annonce) on peut penser que nous allons avoir à faire à un film assez bordélique mais visuellement radical, et bien nous somme dans le vrai, et pourtant le long-métrage n'est pas non plus illisible ni incompréhensible. Bien au contraire.
"Under the Skin" est une histoire tout ce qu'il y a de plus simple, mais c'est sous cette trame que se dissimulent les vrais enjeux du long-métrage. Non pas que la SF soit mise de côté, non, c'est véritablement dans cette absence d'émotions que le film s'avère très parlant. Scarlett Johansson n'est pas seulement en train de jouer devant la caméra, mais elle est aussi à notre place. Elle est à la fois actrice et spectatrice, cela étant due notamment au fait que le film dévoile l'actrice sous toutes ses coutures. En résulte donc une sorte d'introspection offerte à la comédienne à l'issue de son rôle. Autant dire que c'est magnifique, et que la petite estropiée qui n'arrivait plus à murmurer à l'oreille de son cheval aux côtés de Robert Redford, a fait du chemin. Johansson impose, elle n'émeut pas, mais elle impressionne. Rarement une telle justesse l'a habitée, ce rôle fait un peu office de cap dans sa carrière, et autant dire qu'elle le prend très à coeur.
Mais on peut aussi voir "Under the Skin" comme un film sur la prise de conscience, l'extra-terrestre prenant conscience des horreurs qu'elle réalise. On ne peut pas en revanche le voir comme un film sur la féminité, car alors la femme serait véritablement un monstre abominable, c'est pourtant d'un monstre qu'il s'agit, ou plutôt du monstre qui sommeille en chacun de nous. Car en plus d'être volontairement dépourvu d'émotions, le film ne propose pas non plus d'être empathique à l'égard du personnage principal, et c'est là que réside sa grande force majeure, car on regarde ce personnage tel qu'il est. Nous ne savons rien de lui, ni comment il s'appelle, ni d'où il vient, nous savons seulement qu'il a l'apparence d'une belle femme, une femme vénéneuse et dangereuse. Alors quand ce personnage prend conscience de sa vraie nature, c'est également le spectateur qui en prend conscience, on pourrait presque parler d'un film interactif.
On aurait facilement pu penser que Jonathan Glazer allait proposer un dispositif de mise en scène beau mais trop lisse pour permettre à cette histoire de tenir sur la durée du film. Ce n'est pas le cas, au contraire, tout dans cette mise en scène et cette réalisation, sont les fruits d'une maîtrise sidérante de l'art du cinéma. "Under the Skin" est l'un de ces films qui trop peu souvent franchissent les limites des codes habituels pour proposer d'autres axes de narrations, afin de prouver qu'une histoire peut être racontée de plein de manières différentes.
Bien entendu on demeure parfois perdu, et c'est tout à fait logique puisqu'il s'agit d'un choix du réalisateur, le film ne se regarde pas de manière banale, il se vit comme une expérience sensorielle où l'interprétation devient primordiale. Évidemment c'est là que les détracteurs vont trouver leurs arguments les plus creux, et il est dommage de voir que des films comme celui-ci peinent encore à ouvrir les esprits du public et de la critique. Donner ses lettres de noblesses au 7ème Art n'est vraiment pas une chose facile visiblement.

Déroutant et captivant, "Under the Skin" est un choc. Un véritable objet de fascination.

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le 1 août 2014

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E-Stark

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