Du coup de poing au coup de coeur

Quoi rajouter à un film qui a reçu toutes les éloges possibles de tous les côtés, et qu'en plus tout est justifié ?
Clouzot disait "pour faire un bon film, il faut trois choses: 1- un bon scénario, 2- un bon scénario, 3- un bon scénario. Un Prophète est une leçon magistrale de ce domaine-là. On est proche de la perfection, vraiment. Totalement haletant, le film nous attrape et nous lâche plus. Le plus fort, c'est qu' Audiard arrive à passer de la violence la plus crue (scène de meurtre particulièrement réaliste) à la poésie la plus symbolique (ce tué qui revient fréquemment via des flammes...). L' imagination et le réalisme se mélangent, et dès qu'une situation est posée, elle est perturbée par ses personnages fascinants de virilité et de sauvagerie. Cela m'a fait penser alors au "Parrain", toujours rebondissant, passionnant constamment (sur 2 h 30, c'est quand même une énorme prouesse !). Autre gros point commun avec ce chef d’œuvre emblématique: leurs sujets si profondément universels. La loyauté, la domination, la solitude, la survie... à travers Malick, nous avons la métaphore de l'ascension, à travers César la chute. Les lions se bouffent entre eux après avoir prêté allégeance, afin de récupérer les tribus. rarement un film français n'aura montré à quel point les relations humaines peuvent être imprévisibles. Il en découle un suspens dingue. Audiard parvient également, et là encore c'est incroyablement malin, d'imposer un humour sympathique sur certaines scènes ! Dans la vraie vie, ce p'tit gars est un rigolo, ça se devine pas mais c'est le cas ! Bref, "un prophète" fait parti des scénarios dont la possibilité d' étude serait un honneur pour moi. La mise en scène est en parfaite cohésion avec son sujet et sa fougue, on la sent vibrante et au plus proche de ses personnages démons. Jamais elle ne juge ses truands, toujours cherchant la vérité, crédible dans sa vision carcérale. Depuis combien de temps on a pas vu un film français aussi efficacement stylisé, et aujourd'hui quand arrivera-t-il de nouveau une réalisation pareille ? Le chapitrage et les ralentis sont magnifiques, la relation musicale superbe (même si, et c'est le très gros défaut de Desplat, la musique ne vaux plus rien en dehors de son mariage à l'image), tout est inspirant et jubilatoire. Et pourtant, quelle est la scène qui m'a le plus impressionné dans sa composition ? Lorsque Malick sort de prison pour une permission pour la première fois, à l'aube fraiche.. La parfaite retranscription du sentiment humain à cet instant, sous les chants des oiseaux au matin... quelle représentation sublime ! Le casting général du film est également à souligner. On a beaucoup parlé de Rahim (qui a un peu de mal à passer dans un film aussi marquant depuis, faut bien avouer) et d' Arestrup (parfait, rien d'autre à dire, c'était le seul capable d' incarner le type le plus brutal du monde et à faire deviner une sensibilité insoupçonnable), mais les acteurs secondaires ne se laissent absolument pas écraser et livrent des prestations tout aussi remarquables. La photographie givrée et les décors ultra-réalistes sont impressionnants et contribuent à cette ambiance de danger permanent, comme un grand film de mafia américain. "Un Prophète " est un des rares films français capables de rivaliser avec ceux américains. C'est pas rien ! A voir absolument !