Un drôle de paroissien par Gérard Rocher La Fête de l'Art

On ne vit pas si mal que cela dans la famille Lachenaye, famille très catholique et vivant de rentes dans un appartement cossu d'un chic quartier parisien. Cependant tout a une fin, l'argent s'épuise, les parents n'ont plus l'âge de travailler et leurs enfants ne se sentent pas trop attirés par une activité professionnelle.
Toutefois, il semble qu'assister aux office et se recueillir devant le "Seigneur" soit une source d'inspiration. surtout lorsque le son de la monnaie dans les troncs aiguise l'imagination.
Georges, le fils ainé de cette famille "bien pensante", est persuadé d'avoir reçu un conseil de son "patron spirituel". On ne peut pas laisser à la dérive d'anciens riches au bord de l'expulsion et ce petit tintement est perçu comme le conseil d'un guide. Pourquoi ne pas vider les troncs de cette paroisse si accueillante et tenter sa chance dans d'autres si possibilité. Tout est question de ruse, d'organisation...


Le "Christ" a toujours soutenu et aidé les pauvres, il peut donc rendre de menus services à ses assidus fidèles en plein désespoir. Est-ce vraiment fauter de descendre un morceau de caramel au font d'un tronc pour tenter d'attraper quelques pièces même pour grignoter alors que l'on faisait jusqu'alors bonne bombance sans rien faire ? Certainement pas lorsque l'on a été fidèle au denier du culte.
Par sa méthode très artisanale Georges, sans complexe mais malgré tout respectueux, se met enfin au travail. Néanmoins toute entreprise demande du personnel pour "doper" l'activité et étendre son rayon d'action comme toute société ambitieuse.
Qu'à cela ne tienne,, les aides sont toujours disponibles pour ce genre de boulot. La technique s'améliore avec le copain Raoul complètement dévoué à la cause.
Un seul problème pour ces ingénieux "artisans de la fauche", la police veille, l'inspecteur Foucherat et ses hommes pressés par le Préfet suivent de très prêt cette situation qui fait jaser.


Il est difficile d'analyser ce film sans faire un détour par la personnalité de son réalisateur Jean-Pierre Mocky. L'homme est difficile à cerner et on peut le considérer, du moins jusqu'aux années 90, comme un trublion du "Septième Art". Certes à l'image de ce film, Jean-Pierre Mocky s'en prends sans compter à une société qu'il trouve décadente et injuste. Il faut dire que "Un drôle de paroissien" fut tourné en 1963 et déjà le réalisateur avait un contentieux à régler avec les institutions en place, l'Eglise et l'Etat très liés à cette époque. Chacun en prendra largement pour son grade et le tempérament anarchiste et parfois, avouons-le, un peu théâtral du personnage se défoulera à travers ses œuvres.
Le film que je vous présente ne put exister que grâce aux avances sur recettes car Jean- Pierre Mocky, bien qu'entouré du gratin des acteurs et actrices, avait du mal à "passer" vis à vis d'un public très traditionaliste. Le réalisateur sera plus ou moins suivi sans jamais attirer les foules malgré les prestigieux acteurs. Il adore choquer et pour beaucoup ce film en est une preuve flagrante car ce que l'on admet à notre époque est bien plus large que lors des années 60.


Ici la religion, l'Etat et sa police font l'objet d'un pastiche sans concession accentué par la complète immoralité de cette famille bourgeoise et traditionaliste, bon chic bon genre, pieuse à outrance mais en fait plus malhonnête que d'autres citoyens dans le besoin.
Le contraste est saisissant car Georges remarquablement interprété par Bourvil est assez détestable en prenant appui sur Jésus et son Saint Patron pour extorquer les lieux de culte. Son aspect bigot et précieux le rend antipathique et c'est là où ressort le génie de l'artiste. On ne peut s'empêcher de soutenir le personnage et de sourire à ses frasques. A ses côtés, on a la joie de retrouver une partie de la "bande à Mocky" avec notamment Raoul Jean Poiret, ans le rôle de petit loubard bricoleur et sans grand scrupule, Francis Blanche dans le rôle de 'l'inspecteur Foucherat entouré de ses policiers,véritables souffre-douleur de leur administration et de l'opinion publique.


A mon avis Jean- Pierre Mocky malgré sa remise en cause de nos institutions dans ses films, malgré ses descriptions assez acerbes sur ses personnages et un certain degré de provocation n'entre pas dans le clan des cinéastes "Nouvelle Vague". C'est un réalisateur atypique ayant allié parfois le bon et le moins bon et je m'explique. Lorsque le cinéaste achète le cinéma "Le Brady" situé dans le 10ème arrondissement de Paris, le public est parti. Seul un petit clan d'inconditionnels et d'amis viennent visiter la petite salle du premier étage. Les films se succèdent mais le talent et les fonds ne sont plus là, les films de cette dernière période frôlent l'oubli.
Il n'empêche que le réalisateur et le personnage révolté m'a fait passé d'excellents moments difficilement oubliables. Il était un grand Monsieur pour qui pouvait comprendre et suivre son combat durant des années où notre cinéma faisait l'objet de beaucoup de censures, la CCC "Cote Centrale Catholique" menant le bal en orientant le public vers un cinéma moins dérangeant.


Le cinéma "Le Brady" était avant 1994 un cinéma dans lequel pour quelques sous on pouvait se faire peur avec des films d'épouvante ou tenter de rêver avec des films d'aventures qui n'impressionneraient plus personne maintenant. Dans ma jeunesse il m'est arrivé de rêver dans cette salle à la limite de la propreté et du confort. Mais qu'importe, j'en garde plein de bons souvenirs.
En 2011 le cinéma a été rénové et propose d'excellents films d'art et d'essais mais l'ombre de Jean-Pierre Mocky plane toujours.


Je vous conseille la lecture du livre "Le Brady, cinéma des damnés" de Jacques Thorens paru en 2015. C'est un document unique sur cette petite salle dans laquelle des habitués peu fortunés et quelques marginaux venaient parfois se réfugier. Jean Pierre Mocky en fut le propriétaire de 1994 à 2011.


Box-Office France: 2 361 855 entrées


Note: 8/10

Grard-Rocher
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le 26 août 2019

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