Tusk
5.6
Tusk

Film de Kevin Smith (2014)

Peut-être que ça se voit à ma liste de films vus depuis ce début d'année, j'ai découvert Kevin Smith. Un type abonné aux feel good movies, qui semble beaucoup s'amuser et dont on a de suite envie de devenir un pote rien qu'à le voir hocher la tête pour acquiescer à ce que raconte son pote Jay dans les divers films où ils apparaissent.


Pas de ça ici. Par contre j'vais spoiler comme un cochon.


Tusk, c'est l'histoire d'un vieux qui kidnappe un petit jeune pour réaliser une fusion "homme-morse". Là comme ça, sur le papier, on se dit qu'on va bien se marrer, c'est Kevin Smith, il fait des films de copain, on veut être son copain, on va tous vouloir un copain morse. On commence le film avec le sourire, on se dit que quand même ces deux animateurs de podcast sont quand même des petits cons, on se dit "mais où est-ce que j'ai déjà vu la tête de ce blondinet?" et on s’apercevra à la fin du film qu'en fait c'est le gamin du sixième sens. On avance dans le film on se dit que quand même, ce face à face entre Wallace et Howard est intrigant et tendu, on sait pas comment se placer. On avance et on se rend compte que cette Genesis Rodriguez est fichtrement canon. On avance et on voit un vieillard chanter, appuyé sur le dos d'un homme-morse et on comprend finalement qu'on va pas rire beaucoup, on est ému et voilà, paf, on s'est encore fait avoir.


Ben oui, voilà j'admets, ça m'émotionne tout ça.


Comprend moi bien. Là dedans j'ai pas vu de film d'horreur et je crois qu'à partir du moment où on se détache de cette idée, tout va beaucoup mieux. J'ai pas vu non plus de buddy-movie ou j'sais pas quoi qui évoque l'idée qu'on va se faire des tapes dans le dos à la fin en se rappelant nos années nonantes.
Pour moi, Tusk, c'est un conte et je vais m'expliquer.


Les protagonistes sont un florilège de losers, tous plus incapables les uns que les autres et emprisonnés dans des corps, des relations, quêtes, maladies... de ces entraves quotidiennes qui font faire de la merde, dont on n'arrive pas à se séparer.



  • L'un est podcasteur (Wallace qu'il s'appelle), ancien geek timide qui s'est trouvé une vocation dans l'idée de devenir un petit con qui commente les ratés du net. Qui part à la recherche d'histoires sensationnelles à raconter.

  • L'autre est un podcasteur (oublié son nom, on s'en fou, c'est garçon du sixième sens) qui suit son copain et qui trouve quand même qu'il va un peu trop loin mais on se marre bien. Il doit toujours repasser derrière son pote pour réparer ses frasques auprès de sa copine.

  • La copine (Genesis, t'as un nom de groupe naze mais quand même en te voyant je me suis dis "cette fille, je pourrais la... présenter à mes parents" <3), enfermée dans sa vie avec un homme qu'elle a aimé en geek timide, devenu un salaud et incapable de se décider enfin à le quitter pour un homme meilleur (le blondinet par exemple tiens, au hasard).

  • Le détective (Johnny Depp il parait, ce mec est un foutu transformiste c'est fou), enfermé dans son enquête puisqu'il poursuit ce dangereux psychopathe depuis des années sans résultats mais il y aura finalement consacré sa vie entière.

  • Le vieillard psychopathe (Howard) naturellement qui est enfermé dans sa maladie, fascination dévorante pour les morses (Mr. Tusk) au point de vouloir retrouver cet ami qui l'a sauvé un jour lors d'un naufrage afin de livrer un combat contre lui à armes égales de sorte que la nature reprenne le pas sur l'homme. On aurait tendance à dire que c'est pas un loser car il a vécu des grandes choses, pourtant il est pas épargné par la folie et on ne pourra pas plus l'admirer que les autres.


Alors qu'est-ce qu'on a? Une bande de minables en quête de sel à donner à leur vie. Wallace part à la recherche d'histoires à raconter dans son podcast et s’aperçoit que là où il se trouve, tout n'est qu'ennui, les canadiens sont chiants d'après lui. Le salut lui est offert quand il trouve un vieillard plein d'histoires passionnantes à raconter. Ironie du sort, c'est aussi de lui que viendra le mal. Et j'aime bien cette idée parce que celui qui visionne le film, qui se dit que "quand même tous ces gens ils ont une vie chiante, ces dialogues c'est lourd, ils ont rien à raconter" ben il tombe, craque dedans, on est des Wallace. A chercher le sensationnel on va se retrouver en homme-morse. Oui la vie ça peut être chiant pour beaucoup de monde, c'est chiant d'entendre des gens raconter - mal - leurs histoires sans intérêt. On recherche ce qui titille l'intérêt et on se retrouve avec des Donald Trump qui prennent toute la place dans les médias. Storytelling, films à gros budgets, effets spéciaux, Walt Disney, tout ça.


L'enquête, c'est vrai, souffre de longueurs et n'est pas très intéressantes. Malgré tout j'arrive à la faire entrer dans cette vision avec laquelle j'ai reçu le film.
Tout l'intérêt est dans le face-à-face entre nos deux gaillards.
Ce plan beaucoup trop court dans lequel Howard chante, appuyé contre le dos de Wallace déjà transformé en morse qui hurle sa peine, ça m'a touché tout au fond de mes tripes.


Bon et alors quoi? On avance dans le film et on découvre cette fascination malsaine d'Howard pour les morses, à tel point qu'il se rêve lui même en cet animal. Il a besoin d'un compagnon avec qui s'affronter pour redonner une chance à Mr. Tusk (qu'il a tué par le passé afin de se nourrir). Car c'est sa quête à lui, il en a gros sur la patate et besoin de s'exorciser, il a besoin qu'on le libère.
Et c'est dans ce combat final que nous est donné l'occasion de tout comprendre. Au moment où le vieux sort de son costume de morse pour tenter d'attaquer Wallace avec une hache. Symboliquement ça saute aux yeux. Il ne s'agit pas du papillon qui sort de sa chrysalide mais de celui qui s'accepte en tant que chenille. Howard n'est pas et ne sera jamais un morse, il est obligé de le reconnaître et redevient humain afin d'affronter Mr. Tusk à nouveau.
On peut se rêver une autre vie, on ne peut agir convenablement que de sa position, en sortant des entraves du rêve.
Mr. Tusk de son côté (Wallace) doit s'accepter en tant que tel qu'il est maintenant, un paquet de chaire en forme de morse (comme toute personne blessée par la vie ne peut revenir en arrière mais avancer avec ce qu'elle a à sa disposition, comme ce pauvre garçon qui s'est coupé la jambe dans la vidéo critiquée au début du film, qui s'est suicidé par la suite) pour venir à bout de son adversaire et c'est ce qui les libérera l'un l'autre. En quelque sorte, oui Wallace a sauvé Howard.


Ce qui est terrible c'est ce final, où la copine et son pote se rendent au zoo pour voir Wallace. Parce que c'est là qu'on comprend que tous ne se sont pas libérés de leurs chaînes. Elle est toujours enchaînée à ce morse en qui elle arrive toujours à voir son copain (mais on notera qu'elle ne semble pas assez courageuse pour partager sa vie), le pote est toujours en train de suivre la fille et de vivre dans l'ombre d'un homme devenu morse qui avait la particularité d'être un petit con.
Wallace quant à lui accepte enfin l'idée qu'il puisse pleurer puisqu'une larme coulant sur sa joue constitue un des derniers plans (dans le film plus tôt il affirmait qu'un homme ne pleure pas, le blabla habituel). Il est le seul à s'être libéré, malgré tout l'enfermement dont il est victime (dans un corps de morse, dans une cage de zoo avec un malheureux ballon gonflable comme jouet).


Comprenez moi, ce film est terrible. C'est un conte comme pouvaient le raconter les frères Grimm, en mode Kevin de la Fontaine Smith, on est loin du rêve, de Walt Disney ou autre, non c'est terrible, comme la vie est terrible et ça m'a touché, voilà, j'avoue, m'en tenez pas rigueur, pardon. J'ai pas fais exprès.

Lantern_Paerson
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le 21 janv. 2016

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