Y’a des films comme ça, sans prévenir, sans penser à voir quelque chose de grandiose, ils nous explosent à la gueule par leur génie. On pensait passer le temps, se divertir, et ça aurait été en soi, déjà un exploit, mais ce qu’on se ramasse, c’est mieux qu’un bonus, c’est une bénédiction.


J’me souviens d’avoir entendu parler de Turbo Kid en début d’année et avoir eu envie de le voir, sans pour autant taper du pied avec impatience ni sautiller à sa sortie. Bon déjà, techniquement, je ne pouvais pas pour la dernière, vu que ce film n’est tout simplement pas sorti dans les salles obscures, du moins, pas dans nos contrées franco-belges (je me trompe ?). Alors récupérer la bête a dû relever d’un goût du risque Hadopien et d’une pointe d’illégalité. Certes, je n’en suis pas fière, d’autant que le film m’a plu, mais se procurer ce genre de film peut paraître plutôt délicat, vu qu’il n’est pas couvert médiatiquement, donc, introuvable. Bref, j’vous raconte un peu ma vie, mais j’aime ces petites introductions merdiques qui font que je vous donne un contexte totalement inutile mais qui me confère le pouvoir de blablater en toute impunité. Alors maintenant, on peut passer au vif du sujet : ce que j’ai pensé de Turbo Kid.


Initialement tiré d’un court métrage, Turbo Kid raconte l’histoire d’un jeune homme qui vit de la vente de bricoles et autres camelotes dans un contexte post-apocalyptique. En effet, les événements relatés se passent en 1997 à la suite d’une explosion (semblable à celle que les dinosaures ont connue) qui a décimé la majeure partie de la population, le reste se trouvant en guerre pour trouver de l’eau potable. Le film a initialement été présenté au festival du film Sundance début 2015. L’univers tire vers celui de Mad Max, tant par ses grandes lignes que par ses personnages qui ressemblent physiquement aux méchants de la franchise avec Rockatansky. Ça y ressemble sur beaucoup de points, sauf qu’ici, on a troqué les voitures et les motos par des BMX. Un côté ridicule ? Peut-être. Un côté enfantin ? Sûrement, mais pas que ! En fait, la force de Turbo Kid réside dans le fait qu’il arrive à naviguer sur plein de genres à la fois, sans donner la désagréable impression de bouffer à tous les râteliers, à l’inverse, il trouve sa véritable identité car le tout est assez intelligent pour emprunter ses bases à quelques œuvres, tout en allant plus loin et en s’offrant le luxe de sortir des sentiers battus (sa fin le prouve), sans toutefois prendre d’énormes risques.
Ainsi, l’œuvre nous balance des hommages à divers objets culturels bien connus : la musique des années 80, le walkman, le ghetto-blaster, les tenues fluo, les films comme Mad Max déjà cité, les jeux vidéo, les comics, et arrive à surfer sur tout à la fois avec une facilité presque déconcertante et en assumant son côté loufoque qui frise parfois le risible.


Le film est héroïque, car il est construit comme un film de super-héros, où le protagoniste principal est simplement Turbo Kid, dérivé de sa BD préférée, Turbo Rider, qui doit sauver sa belle qui ici, ne s’appelle pas Peach comme dans Super Mario mais Apple. Le film emprunte également quelques doses de western, de gore, de science-fiction et forcément, de post-apo. Mais ne nous méprenons pas, l’œuvre est avant tout humoristique et envoie vraiment de ce point de vue-là : les situations sont parfois très drôles, tout comme certaines répliques, ou encore les personnages, notamment le personnage principal, mais aussi son ami cowboy presque indestructible, avec des couilles en acier et un calme incroyable, et surtout Apple, dont l’optimisme est infini, tendant presque sur la folie. Je vous l’ai dit, Turbo Kid rend quelques hommages à certaines œuvres comme Zombieland (le gamin énonce ses règles de survie à sa petite amie qui les respecte scrupuleusement, ou encore le fait que le personnage de cowboy est dans la même veine que Tallahassee, physiquement tout comme dans son comportement), Shaun of the dead, puisque ce jeune qui n’a pas de prédispositions à se battre ou à sauver tout le monde se retrouve dans l’obligation de se vêtir d’une panoplie de super-héros pour retrouver sa belle. Vous l’aurez compris, les personnages sont détonnants et ont tous un petit quelque chose de plaisant, même le méchant joué par Michael Ironside (qui grossit mais ne vieillit jamais ?) se révèle charismatique, tout comme son bras droit que l’on entendra jamais mais qui fout les jetons par sa ressemblance avec un certain Immortan Joe. Par toutes ces caractéristiques, cette multitude d’univers représentés, Turbo Kid est une sorte de melting pot, à l’instar de Kung Fury, davantage enfantin et peut-être moins « fouillis » et embrouillé que l’œuvre de Sandberg.


Toujours dans le parallèle avec d’autres œuvres cinématographiques, pour son environnement, on retrouve un peu du film La route puisque les paysages sont assez semblables, sans pour autant être aussi désolés, et sans pour autant que Turbo Kid prenne la tension dramatique qui se dégage de l’adaptation de Cormac McCarthy. Au contraire, notre œuvre arrive à composer ce côté terne et gris, en un mot : post-apocalyptique avec un univers pop, coloré et presque enfantin, notamment avec la présence d’Apple habillée comme une Barbie et de son vélo licorne, et de celle de Turbo Kid de son accoutrement lui aussi, très vif, et de sa collection d’objets désormais inutile mais visuellement pigmentée, éclatante, bref vivante. Le personnage d’Apple arrive à donner au film cette dimension légère, avec comme dit précédemment, son optimisme, mais aussi son côté envahissant, son comportement, ses réactions, sa façon de penser, son sourire, ou aussi ses jeux de chat avec son nouvel ami. En fait, Turbo Kid a ce côté puéril assumé qui ne dépasse jamais la connerie crasse, c’est bon enfant et ça complète les quelques scènes et situations gores qu’on nous donne, rendant le tout à la fois réaliste et désopilant.
La bande originale du film permet elle aussi de composer avec cet univers triste, puisque l’ouverture est couverte par Stan Bush et son fameux Thunder in your heart, et le reste sonne très musique électronique des 80’s/90’s. D’ailleurs, si quelqu’un réussit un jour à obtenir la bande originale, j’en veux une part.


Pour conclure, j’ai envie de dire que Turbo Kid est une sorte de madeleine de Proust que je n’avais jamais eu l’occasion de goûter auparavant. Ses emprunts à divers genres et autres hommages feront certainement passer l’œuvre comme opportuniste, mais je trouve que ce défaut est en fait une qualité, comme vous l’aurez compris. J’ai vraiment adoré. Je vous conseille vivement de regarder ce film.

Szagad
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le 13 sept. 2015

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