Dieu des chrétiens, si tu me donnes la victoire, je me ferai adventiste

... ou l'incroyable, héroïque courage d'un supposé couard.


Oui, c'est une histoire incroyable et pourtant vraie, donc quasiment miraculeuse. Celle de Desmond Doss, jeune garçon de Virginie (un des États-Unis d'Amérique) qui, suite à Pearl Harbor (décembre 1941) et au déclenchement de la guerre du Pacifique entre Japon et USA, s'engage comme infirmier dans l'armée d'infanterie, sauf que, adventiste du 7ème jour, ses convictions religieuses lui interdisent de toucher une arme et de tuer autrui : c'est un objecteur de conscience. Cette particularité lui attire, durant sa période d'entraînement militaire (basic combat training) à Fort Jackson - Caroline du Sud, de très graves ennuis avec 1. sa chambrée, 2. la hiérarchie militaire. Il passe en Cour Martiale et frôle la radiation de l'armée, son père, un caporal vétéran de la WW1, parvenant néanmoins à lui sauver la mise in extremis. Finalement accepté et formé comme infirmier (medic) dans son régiment, il est envoyé au front avec celui-ci (les gradés qui l'ont formé et entraîné, les soldats avec lesquels il a suivi cette formation).
On est en avril-mai 1945 et le front, pour l'infanterie américaine, c'est notamment, à mi-chemin entre Taïwan et le Japon proprement-dit, l'île d'Okinawa, une pièce absolument essentielle du dispositif défensif japonais : si Okinawa tombe, le Japon central (les grandes îles) est condamné à très brève échéance. Le régiment de Doss est transporté, débarqué et aussitôt lancé dans la bataille d'Okinawa, laquelle donne lieu à des affrontements acharnés, les forces japonaises étant condamnées à vaincre ou mourir. On assiste donc à des faits d'armes héroïques, surhumains, de part et d'autre des belligérants, notamment à Hacksaw Ridge (l'arête d'Hacksaw), titre original du film de Mel Gibson. Cet escarpement rocheux (genre falaise) d'une bonne centaine de mètres de hauteur, férocement défendu par les Japonais est pris d'assaut sept fois par l'infanterie américaine, ensuite sept fois repoussée par les Japonais (avec des pertes énormes de part et d'autre : trois divisions américaines y sont anéanties). La deuxième moitié du film est consacrée à la 7ème prise d'assaut (cette fois effectuée par le régiment de Desmond Doss) et enfin à celle victorieuse (la 8ème). Le soldat Doss participe aux assauts sans disposer de la moindre arme pour affronter l'ennemi. Durant les combats (extrêmement sanglants), il effectue avec une bravoure incroyable, sidérante, sa fonction d'infirmier, secourant les uns, dispensant les premiers soins aux autres, transportant les multiples blessés (en fait, ses camarades de régiment) à l'abri, à l'arrière, autant que possible. Le réalisme des combats est hallucinant, on fait des bonds sur son fauteuil. Est-ce exagéré ? Je ne crois pas, ces combats ont vraiment été féroces, tous les témoignages (et les milliers et milliers de morts) nous le disent. Je vous passe les péripéties, mais quand son bataillon est contraint au repli et est rejeté de la crête rocheuse par une contre-offensive japonaise, lui reste sur le champ de bataille et, à nuit tombée, entreprend le sauvetage de dizaines de blessés (l'un après l'autre), en les attachant avec du cordage et en les faisant glisser, par un contrôle à la force des bras, le long de la falaise ou à-pic rocheux de la hauteur d'un immeuble de vingt étages. C'est surhumain et incroyable, mais vrai (historique) : il tracte, descend et sauve ainsi quelque 75 hommes de sa division. Sans être lui-même jamais blessé, hors quelques égratignures et, compte tenu des circonstances, c'est proprement miraculeux.


Néanmoins, le lendemain, il sera blessé et évacué à son tour lors du victorieux assaut final.


La réalisation de Mel Gibson est puissante, haletante, magnifique. L'étude, le découpage de la vie de Desmond Doss et de la construction de son caractère (et de son fonctionnement mental) sont très lisibles. La mise en scène et la photographie des combats (de toutes sortes) sont d'un réalisme à couper le souffle ; la bande son et le montage : au diapason. L'interprétation est nickel, parfaitement naturelle ; il faudrait tous les citer : Andrew Garfield bien sûr (dans le rôle de Desmond Doss), mais aussi Luke Bracey (Smitty, son rival et "adversaire" à Fort Jackson, son ami à Okinawa), Sam Worthington (son capitaine), Hugo Weaving (son père, magnifique composition), Teresa Palmer (la femme de sa vie), Vince Vaughn (son sergent) et... tous les autres. On est à leurs côtés. Transportés. À Okinawa. On tremble, on y croit.
Hacksaw Ridge ("Tu ne tueras point") est un grand film paradoxal : un film de guerre conçu pour nous dégoûter de la guerre.
Avec lui, Mel Gibson devrait retrouver la faveur du public et, j'espère (car son film le mérite), d'Hollywood. Une brassée d'Oscars n'est pas impossible en février prochain.


P.S. Tout de même cette question pour la 2ème partie du métrage : comment les Japonais ont-ils pu laisser les Américains installer ces échelles de cordes le long de l'escarpement vertigineux défendant cet accès de l'île ? Et pourquoi ensuite ne les ont-ils pas tout simplement coupées ? Les Américains n'auraient pu alors escalader cette défense naturelle qu'au compte-goutte.


6 nominations aux Oscars 2017 et deux obtenus.

Fleming

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