En temps de paix ce sont les fils qui enterrent leurs pères, en temps de guerre...

Après avoir conté les exploits et la légende de William Wallace dans l’acclamée et multi-oscarisée Braveheart, exposé sans concession les supplices de Jésus Christ dans La Passion du Christ et d’avoir dépeint la chute de l’empire Maya à travers l'aventureux Apocalypto, Mel Gibson revient après 10 ans d’absence pour une nouvelle biopic qui, une fois encore, est très raccord avec la personnalité et le cinéma de l’ancien Mad Max, l’agent Riggs et William Wallace à la fois.


Si le projet a été en suspens chez l’acteur et auteur depuis 2002, c’est à partir de 2014 que Gibson lira le script envoyé par le producteur Bill Mechanic et qu’il décidera de mettre en image une biopic consacré au personnage de Desmond Doss, premier objecteur de conscience ayant reçu la plus haute distinction dans l’armée américaine. Sachez d’ailleurs que Doss s’était opposé à voir sa vie adaptée en film, avant d’accepter un documentaire tourné par Terry Benedict désormais producteur du cinquième long-métrage de Mel Gibson.


Si la personne derrière la caméra a attiré les polémiques comme son portrait de catholique traditionaliste assumé, il faut reconnaître qu’en seulement 4 films, Gibson n’aura jamais laissé le public indifférent. En bien avec la fresque épique sur William Wallace et son film de survival-poursuite malgré des avis fermement opposé à celui-ci, comme en mal avec le résumé des 12 dernières heures de Jésus-Christ faisant preuve d’autant de subtilité qu’un mauvais gag d’un film de Raja Gosnell ou qu’un ralenti d’un Resident Evil de Paul W.S Anderson. Au-delà de la présence de la religion, j’apprécie surtout le fait qu’il n’amenuise jamais la violence dans ses films pour les rendre aussi saisissant et réaliste que cela lui est possible et sa manière de narrer une histoire, et en principe de bonne histoire qui méritent d’être portée à l’écran.


Et on peut remercier Bill Mechanic d’avoir insisté pour que Mel Gibson porte cette biopic à l’écran, sans ça cela n’aurait peut être jamais été fait et cela m’a permis de découvrir mon premier Mel Gibson au cinéma, autant dire que l’expérience en vaut la chandelle.


Et pourtant, pour un film de guerre centré sur des faits héroïque d’un objecteur de conscience, Mel Gibson va pourtant séparer le film en deux parties égales : la première étant porté sur la présentation de Desmond Doss, de son entourage, de sa petite amie et de ses épreuves pour entrer dans l’armée tout en restant fidèle à ses convictions religieuses sans céder au port d'arme.


Dés cette partie, on remarque rapidement que c’est un film de Gibson, la religion étant au cœur du futur médaillé d’honneur et la relation père/fils conflictuelle entre Thomas Doss et Desmond Doss


revenant aussi dans la seconde partie pendant un (très bon) dialogue entre Doss et un soldat sur le champ de bataille.


Par ailleurs le traitement du personnage de Doss est le point le plus réussi sans contexte. Andrew Garfield, jusque là principalement nommé pour le rôle de Spider-Man chez SONY, trouve non seulement son meilleur rôle mais se montre extrêmement crédible et attachant face à l’adversité à laquelle il est confronté. Il est très bien aidé par le fait que Gibson ne se contente jamais d’explorer Doss qu'en surface, il nous montre chacun des liens qu’il entretient autour de lui pour le rendre aussi humain que possible.


Si on excepte un début de romance un peu niais entre lui et Dorothy Schutte


(le second dialogue à l’hôpital même si volontairement niais, ça reste grotesque)


, on s’y identifie vite. Surtout avec la relation qu’il entretient avec son père alcoolique et vétéran de guerre dévasté. Les principaux seconds rôles étant d’ailleurs très bien traité : Hugo Weaving rayonne en vétéran de guerre pourtant éteint, Teresa Palmer joue Dorothy avec énormément de conviction surtout en présence d’Andrew Garfield et Sam Worthington se montre également très investi et bien dirigé jouant lui aussi un personnage ayant réellement existé en la personne du capitaine J. Glover.


La vie personnelle de Doss est traitée comme il faut et dresse un portrait simple mais prenant de cet homme, et la formation militaire ainsi que les croyances opposés de ses compagnons de guerre et de ses supérieurs auxquels il sera confronté. La mise en image restant en principe simple de la part de l’acteur/réalisateur en optant quand même pour une photographie soigneuse et la caméra évitant de rester fixe pour un rien, y compris pour une courte scène d’entraînement au camp militaire dynamiquement filmé. Même si on a le droit à une scène sauce sergent Hartman qui fait écho très (trop ?) évidente à l'ouverture du film de Stanley Kubrick.


Et ce qu’on pourrait appeler du manichéisme avec la maltraitance de Desmond Doss, c’est largement justifié : un soldat n’est pas censé croire qu’un bon catholique refusant d’être un soldat armé peut servir son pays en temps de guerre et la personnalité de Doss justifie aussi le rejet des supérieurs et de ses camarades à son égard.


La seconde moitié du film se centre, elle, pleinement sur la seconde guerre mondiale pendant la bataille d’Okinawa. Et encore une fois, comme lors des moments les plus sanglant et viscérale de ses précédents films, Mel Gibson ne fait preuve d’aucune censure ni retenue dans l’esthétique visuelle ou la réalisation pour montre l’état pitoyable des soldats américains vaincu ou des paysages dévastés sur le champ de bataille, à l’image de la première grimpée de la corde


ou la caméra filme les soldats en contre-plongée avant de remonter lentement vers le haut de la falaise pour dévoiler un premier plan des restes des précédents affrontement.


A partir de là, Tu ne tueras point va gagner en froideur et en tension jusqu’à exploser littéralement pendant la première grande bataille du film qui est, à mes yeux, la plus grande réussite du film. Une grande bataille de plusieurs minutes sans musique pour accompagner le son des affrontements, ou chaque image transpire la violence et la brutalité avec son lot de corps en charpie, criblés de balle, déchiquetés, transpercés et un sens du découpage et du filmage quasi-parfait rendant les combats entièrement terrorisante et rendre la submersion totale.


Une fois de plus on reconnait très bien la patte de Mel Gibson qui ne fait preuve d’aucune autocensure pour nous montrer que, la guerre, ça gicle de touts les côtés. Et qu’est-ce que ça fait du bien par rapport à ce qu’on nous propose dernièrement !


Et cette intensité ne part pas, elle reprend du leste quand il le faut et lorsque Doss se bat pour sauver des vies sur le champ de bataille, seul contre tous. Ça transpire le stress et la tension, l’acteur s’investit davantage qu’il ne l’était déjà, l’imagerie montre aussi bien l’héroïsme du gars que le résultat désastreux du conflit. Et on se sent pleinement investit, la première heure ayant prit le temps qu’il fallait pour bien développer le personnage de Desmond Doss, et du coup on a vraiment envie de le voir réussir ce qu’il entreprend et on tremble lorsqu'il se retrouve en situation extrême.


Je suis même prêt à pardonner sans problème les images du documentaire sur Desmond Doss incrusté en fin de film avant le générique de fin de la part de Gibson pour nous dire :



Si si, je vous jure que ça s’est vraiment passé.



Le seul point un peu en dessous du reste, c’est pour la musique de Rupert-Gregson Williams. James Horner était à la base pressenti pour la musique mais mort récemment dans un incident d’avion, c’est à lui qu’il incombait de reprendre la baguette avec, pour l’ensemble, un travail de plutôt bonne facture mais ça s’arrête là. L’ambiance est présente, il n’y a rien de mal à en redire mais j’aurais aimé ressentir une intensité semblable à l’imagerie du film en écoutant la partition du compositeur.


Je ne saurais dire si je me laisserais tenter par sa suite en stand-by sur Jésus-Christ, mais pour ce qui est de Tu ne tueras point, Mel Gibson prouve une nouvelle fois que c’est un cinéaste hors-pair, tant dans sa narration que dans la réalisation et la force émotionnelle qu’il sait insuffler à ce qu’il raconte. Que ça soit une fresque historique, un film de poursuite dans la jungle ou une biopic sur fond de film de guerre comme ici. Je sais pas quoi ajouter de plus pour vous sommer de le voir en salle, surtout qu’on n’est peut être pas prêt de revoir un film aussi intensif que celui-ci.

Créée

le 10 nov. 2016

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