Cauchemars de l'Italie des années 70

Sans être un grand connaisseur de l'Italie des années 60-70, l'intention de Francesco Rosi dans "Trois Frères" est assez évidente : dresser le portrait d'un pays, à une époque donnée, à travers ceux de trois personnages archétypaux. Trois frères, éparpillés aux quatre coins de l'Italie, aux occupations et aux aspirations bien différentes, forcés de se réunir dans un coin de campagne suite à la mort de leur grand-mère. Comme une passerelle entre cinéma "social" et cinéma "lyrique", le film donne une idée du climat socio-politique qui régnait dans l'Italie des années 70, entre corruption et crime organisé, entre disparités économiques et petite délinquance. Trois frères, et trois regards.


L'un des trois est employé dans une maison de correction, et malgré toute la bonne volonté dont il fait preuve à l'égard des jeunes garçons en difficulté, il est à deux doigts de jeter l'éponge. Le plus jeune est ouvrier à Turin, coincé entre un mariage qui bat de l'aile et des conditions de travail détestables. Le plus vieux (interprété par Philippe Noiret, dont on ne savourera pas le timbre caractéristique à cause d'un doublage... italien) est un magistrat à Rome confronté à un cas de conscience, avec d'un côté une affaire de terrorisme à traiter, et de l'autre la peur des conséquences.


La fratrie paraît ainsi un peu trop schématique, chacun des trois frères correspondant trop bien à un fragment de l'Italie d'alors. Des cas de conscience, des peurs, des doutes qui manquent non pas de pertinence mais de nuance. Les souvenirs qui reviennent par flashbacks auraient aussi gagné à être un peu mieux intégrés au cœur du film, plutôt que de se contenter de distiller la dose de nostalgie requise. En abordant de manière frontale les cauchemars qui les assaillent, Francesco Rosi empruntait pourtant un chemin relativement original dans le ton. C'est une certaine idée des maux qui rongeaient et gangrénaient son pays. Dommage qu'il n'ait pas su tirer toute la sève d'un tel procédé, ou du moins la rendre plus engageante que ça à l'écran.


[AB #96]

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le 7 juin 2016

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Morrinson

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