Une synthèse réussie entre le film noir et le néo-réalisme

Traqués dans la ville est un film policier italien inspiré des films noirs américains mettant en scène un casse et son échec. L’une des influences majeures semble être le chef d’œuvre de John Huston, Quand la ville dort (1950).

Pour une fois, le titre français est plus judicieux que le titre original, La città si difende (La ville se défend). En effet, le titre italien peut laisser penser, si l’on n’a pas vu film, que le propos est la défense des honnêtes gens contre les crapules qui troublent l’ordre public. Ce titre s’explique probablement pour éviter la censure encore très active au début des années cinquante. De plus, le film, démarrant par l’échec d’un casse suivi de la mort ou de l’arrestation de ceux qui l’ont commis, pourrait très bien être vu comme un pensum moralisant sur la chanson « le crime ne paie pas ».

Mais ce n’est nullement le cas, bien au contraire, car Pietro Germi nous présente les quatre voleurs comme des victimes de la misère. Loin d’être des braqueurs professionnels, ils sont totalement inexpérimentés, et c’est d’ailleurs leur amateurisme qui les conduira tous à la catastrophe. C’est sur ce point que se manifeste l’autre grande influence du film, celle du néo-réalisme italien. Germi nous montre, de façon très crue, une Italie qui n’est pas encore sortie de la période de reconstruction de l’après-guerre, une Italie où règne pour beaucoup l’absence de travail et la misère, une Italie où les pauvres vivent dans des quartiers périphériques aux logis insalubres, tout cela faisant contraste avec le richesse et l’arrogance d’une riche bourgeoisie.

Traqué dans la ville est donc une synthèse réussie entre le film noir et le néo-réalisme. Le film est court, sec, tragique et bénéficie d’une belle photo noir et blanc de Carlo Montuori. Ajoutons que les amateurs de cinéma bis y retrouveront avec plaisir Paul Muller, excellent dans le rôle d’un des braqueurs.

Le film est disponible en DVD aux éditions Tamasa dans une copie satisfaisante et dans une belle présentation. Pas de bonus si ce n’est la bande annonce italienne et une galerie de photos, mais il y a un petit livret avec une analyse intéressante de Jean A. Gili.


Jean-Mariage
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le 12 févr. 2023

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