Tout ce que je veux c'est vivre en paix, planter des patates, et rêver.
D'ambitions simples naissent des plaisirs simples, et l'on peut être artiste sans être un maître, sans peindre des plafonds de chapelles, sans enchaîner les nuits blanches, sans goûter à l'opium. Le parcours de l'illustratrice finlandaise connue pour l'univers des Moomins, créatures aventureuses dans un monde où l'exploration permanente les fait vivre, démarre ici à une époque où Tove Jansson a déjà acquis une certaine reconnaissance dans le milieu de l'art finnois, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. Et nous pénétrons dans le film sur la pointe des pieds, comme en un salon intimiste où la photographie, les décors et les costumes teintent notre visite d'émerveillement.
D'un père exigeant d'elle qu'elle produise de l'art véritable et non des illustrations à l'encre de Chine, Tove parvient à s'affranchir grâce à son inclinaison naturelle pour l'expérimentation, traduisant un profond désir de liberté. En ce sens, Alma Pöysti incarne avec force toute la détermination mêlée à la curiosité de l'artiste qui s'ennuie dans sa bulle faite de conventions et d'héritages familiaux, cherchant à l'éclater par tous les moyens, y compris par la fuite du mariage ("on vaut mieux que ça"), lui préférant la compagnie des femmes (Krista Kosonen envoûtante en directrice de théâtre). Dans l'ombre de son père et censeur Viktor Jansson, sculpteur reconnu et apparaissant peu bien que jouissant d'une forte empreinte psychologique sur Tove, la jeune femme se raccroche tant bien que mal à l'étroitesse de l'académisme qui lui a été enseigné. Mais la fantaisie la fait vivre, et la réalisatrice Zaida Bergroth choisit d'insister sur cet entêtement tout à fait sérieux quoique empli de facétie. C'est la fougueuse parole "je veux faire ce que je veux" de Colette, le cri sourd de la femme indépendante.
Dans cet hommage à la femme artiste, il est appréciable de percevoir aussi celui rendu aux auteurs de livres pour enfants comme un véritable accomplissement artistique. Quelques longueurs, nourries de réflexions existentielles, nous ramènent péniblement aux codes du biopic et viennent entraver le dynamisme de l'histoire, mais TOVE demeure dans l'ensemble une fresque sensible et joliment interprétée de l'émancipation artistique et personnelle d'une femme aujourd'hui citée en exemple, qui persista à croire en l'utilité de ce qu'elle avait à dire.