Quand Philippe Lioret cède à toutes ses envies, c'est moche....

Parfois, un film est tellement affligeant de nullité qu'on s'en retrouve démuni, et le syndrome de la page blanche s'empare de vous quand il s'agit d'en faire la critique...
Que dire, si ce n'est que Lioret, en mélangeant pathos, niaiserie et bons sentiments, a donné naissance au plus gros navet de sa carrière, ou le ridicule provoque des éclats de rires déplacés.

Le mieux reste encore de résumer le film en restituant librement quelques situations clefs.

SITUATION 1: Le personnage de Marie Gillain vient d'apprendre qu'elle a un cancer du cerveau incurable. Le film a commencé depuis environ 20 minutes. A partir de là, les dialogues de l'actrice seront considérablement réduits, se résumant à des "oui, oui, ça va", "ça va, ça va", ou encore, dans les élans les plus fantaisistes "la forme je vous dis". Parce que c'est ça, être courageux.

SITUATION 2: Le personnage de Marie Gillain est juge, spécialiste des dossiers d'endettement. Elle a des enfants. Ses enfants ont des petits copains de classe. La mère de ces petits copains de classe est acculée de dettes. Heureusement, elle va devenir amie avec Marie Gillain, qui va tout simplement l'héberger! Après tout, les deux femmes se connaissent depuis deux mois, c'est donc tout à fait normal. Vous trouvez la ficelle un peu lourde? Pas de panique, cette impression s'estompera quand vous aurez vu la suite du film, et ce détail finira par vous paraître presque normal, voire raisonnable même.

SITUATION 3: Le personnage de Marie Gillain, courageux, comme nous le savons bien, a mal à la tête, mais tout va bien. Elle va juste vomir de temps en temps, manque de se noyer, fait une crise d'épilepsie en plein bus, mais elle va très bien, puisqu'elle le dit!

SITUATION 4: Le personnage de Marie Gillain (et oui, toujours elle!) ne veut pas gâcher le bonheur sans tâche de sa grande famille (bah oui, vous avez déjà oublié? Elle a hébergé la mère de famille endettée avec ses deux enfants, la famille s'est donc sensiblement agrandie!). Courageuse, elle décide avec bravoure de ne pas dévoiler sa maladie à ses proches. Elle va bien. Pourtant, alors qu'elle est en compagnie de Vincent Lindon, un collègue juge avec qui elle s'est liée d'amitié entre temps, elle fait un malaise, alors qu'elle allait bien,pourtant. Suite à cet incident qui a valu au spectateur d'engloutir au passage de nombreuses absurdités, la juge, acculée, se voit contrainte d'avouer le terrible secret qui pèse sur ses épaules à Vincent, son confident et ami pour la vie (bah oui, ils se connaissent depuis trois semaines quand même!).

SITUATION 5, ou Quand Docteur House n'est pas loin: Parallèlement au drame humain qui se joue, là tout près, il existe également un drame social non négligeable. Les pauvres gens dans le besoin, qui empruntent de l'argent aux sociétés de crédits, surpuissantes. Que faire pour les sauver? C'est bien ce que se demande Vincent Lindon... Il ne trouve pas d'angle d'attaque suffisamment solide pour attaquer ses sociétés et faire triompher la justice. Heureusement, des amis journalistes viennent dîner chez lui. Quel rapport, vous allez me dire? Et bien, tout! Un des amis journalistes se plaint, au détour d'une conversation, des lois du marché de la presse, et s'écrie à la cantonade "C'est de la concurrence déloyale!". Sur ce, Vincent Lindon, pris d'une lueur soudaine d'inspiration, quitte la table, le regard fixe; il a enfin trouvé la faille: ce sera sur la concurrence déloyale qu'il faudra attaquer!

SITUATION 6: Marie Gillain ne va pas fort... Sur les conseils avisés de son ami Vincent, qui est comme son "papa", pour cette pauvre femme qui n'en a jamais eu (sortez les mouchoirs), elle se décide enfin à prévenir son mari "Chéri, j'ai fait un petit malaise, mais ne t'en fais pas, c'est rien".
Bah oui, il faudrait quand même pas l'inquiéter, son mari!

SITUATION 7: Marie Gillain va mourir, on le sent, elle est pâle, elle respire mal. Pourtant, elle marche à cloche pied, signe de son rétablissement imminent! Pour fêter ça, elle décide d'aller à un match de rugby avec Vincent Lindon, entraîneur d'une équipe régionale à ses heures perdues. Quoi de plus reposant en effet, pour un cancéreux mourant, d'aller assister à un match de rugby et à un hakka improvisé, le tout une coupe de champagne à la main?

SITUATION 8: C'est la fin des haricots pour Marie Gillain, mais comme lui dit son mari "Les plombiers vont venir à la maison vendredi, et puis, j'ai planté du romarin. Ah, et aussi, j'ai posé de l'enduit sur les murs de la cuisine malgré la fuite d'eau". Parce qu'après tout, il faut faire comme si de rien n'était, la vie continue, restons léger. D'ailleurs, comme le souligne son mari "t'es bien, là, les enfants viendront te voir samedi". (la question que tout le monde se pose: survivra-t-elle jusque là??? Je vous laisse en suspens!).

SITUATION 9: Marie n'est vraiment pas au top. Elle est caput, mais, son combat contre les méchantes sociétés de crédits l'empêche de vivre (elle est bonne hein?). Elle n'est pas en paix. Alors, Vincent Lindon, voyant que la fin est proche, lui dit, dans un souffle, "Ils ont dit oui, on a gagné". Marie Gillain peut enfin crever. Finalement, elle qui se plaignait "j'ai promis à mes enfants un chien, ils n'auront même plus de mère" peut partir tranquille: ses enfants ont un nouveau petit chien, et son mari, veuf, va sûrement tomber amoureux de l'autre, vous savez, la mère de famille qui vit chez eux! Tout est bien qui finit bien!


Pour conclure, si vous êtes avides de symboles plus finauds les uns que les autres, si vous êtes en quête d'un film engagé, qui dénonce avec finesse et subtilité le capitalisme et l'impunité des gros poissons de la finance face aux petits particuliers sans défense, en enfin, si vous voulez être ébahis par le combat prodigieux d'une femme animée par des idéaux et de nobles convictions, faisant fi de sa maladie pour défendre la veuve et l'orphelin jusqu'à son dernier souffle, alors, ce film est fait pour vous.

williamblake
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le 15 nov. 2011

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