La rencontre entre l’immensité ouverte de la mer et l’espace d’un bateau, restreint à l’extrême et plus clos que s’il était ceint de hauts murs, fonctionne comme un épicentre attractif auprès de nombreux réalisateurs, parmi lesquels les plus grands : René Clément et son intense Plein Soleil (1960) ; Roman Polanski suivra avec, d’emblée, son coup de maître, Le Couteau dans l’eau (1963). D’autres œuvres encore s’embarqueront sur le sujet, sans nécessairement installer la même tension à bord, parmi lesquelles En solitaire (2013), de Christophe Offenstein, ou encore Styx (2018), de Wolfgang Fischer, pour ne citer qu’elles.

Rien d’étonnant à ce que Guillaume Bonnier, lui-même navigateur et ayant vécu l’expérience de longer nuitamment les côtes somaliennes, tous feux éteints, ait eu envie de s’emparer du sujet pour son premier long-métrage, tout en le rattachant au phénomène de la piraterie. Sont ainsi posés Isabelle (Daphné Patakia) et Jean (Pierre Lottin), accompagnés du très jeune fils d’Isabelle, Damien (Thibault Dierickx). Couple de Français en rupture avec leurs origines, embarqués à bord du voilier de Jean pour un périple aussi long que possible. Atteignant Djibouti, ils prennent à bord Mike (Abdirisak Mohamed), sur l’initiative de Jean et contre l’avis d’Isabelle. Un deuxième homme, quoique inconnu, sera bienvenu, affirme-t-il, pour assurer la traversée du périlleux Golfe d’Aden.

À la manière de Snow Therapy (2014) de Ruben Östlund, face à l’épreuve d’une avalanche, le couple verra ses failles et points de fragilité révélés par cette traversée, et le personnage éponyme pourra déployer toute l’ambiguïté de sa personnalité, forgée par la complexité de son histoire. On sera aussi témoin d’une belle composition de l’acteur Saïd Helak, en chef des pirates.

Le sujet était riche et prometteur. On regrette toutefois que David Grinberg, à l’image, n’exploite pas mieux le formidable motif de la mer et que le filmage assez pauvre ne parvienne que moyennement à capter toute l’intensité qui pourrait animer une pareille aventure.



Critique également disponible sur Le Mag du Ciné : https://www.lemagducine.fr/cinema/critiques-films/tout-le-monde-m-appelle-mike-film-guillaume-bonnier-avis-10061173/

Créée

le 5 juil. 2023

Critique lue 80 fois

2 j'aime

Anne Schneider

Écrit par

Critique lue 80 fois

2

D'autres avis sur Tout le monde m'appelle Mike

Tout le monde m'appelle Mike
Cyprien_Caddeo
7

Pont de rupture

Sur leur navire, Jean et Isabelle se sont créés leur propre monde. Ce couple de Français, flanqué de Damien, le fils d’Isabelle, a largué les amarres à Toulon pour un tour du monde sans fin - un rêve...

le 4 juil. 2023

1 j'aime

Tout le monde m'appelle Mike
Shawn777
4

Calme plat

Avec son affiche très kitsch rappelant les pires productions hollywoodiennes des années 90, le film n'augurait rien de bon. Réalisé par Guillaume Bonnier et sorti en 2023, nous sommes ici dans un...

le 20 avr. 2024

Du même critique

Petit Paysan
AnneSchneider
10

Un homme, ses bêtes et le mal

Le rêve inaugural dit tout, présentant le dormeur, Pierre (Swan Arlaud), s'éveillant dans le même espace, mi-étable, mi-chambre, que ses vaches, puis peinant à se frayer un passage entre leurs flancs...

le 17 août 2017

76 j'aime

33

Les Éblouis
AnneSchneider
8

La jeune fille et la secte

Sarah Suco est folle ! C’est du moins ce que l’on pourrait croire lorsque l’on voit la jeune femme débouler dans la salle, à la fin de la projection de son premier long-métrage, les lumières encore...

le 14 nov. 2019

73 j'aime

21

Ceux qui travaillent
AnneSchneider
8

Le travail, « aliénation » ou accomplissement ?

Marx a du moins gagné sur un point : toutes les foules, qu’elles se considèrent ou non comme marxistes, s’entendent à regarder le travail comme une « aliénation ». Les nazis ont achevé de favoriser...

le 26 août 2019

70 j'aime

3