Frida, c'est mon épagneul.


Elle semble aimer, ou du moins supporter, tout ce que je​ passe, musicalement et cinématographiquement.
Les comédies musicales, en revanche, elle aime moins, mais sans pour autant se planquer sous ses coussins, comme elle fait avec ce film de Minnelli.



En-TARTE-tainment



Frida accepte fort bien le tout début du film ; jusqu'à la fin du caméo de la ravissante Ava Gardner, à la sixième minute. Quand la belle aux yeux d'émeraude disparaît, Frida fait de même.


Pourquoi ? Parce Peter Hunt (F. Astaire) entame sa première chanson, sur le quai de la gare, et qu'ensuite tout s'enchienn... tout s'enchaîne, péniblement.


Un vilain cocktail d'excitation criarde et puérile, d'invraisemblances.


On a du mal à croire que les amis de Peter < Lily et Lester (insupportable Oscar Levant, incapable de parler sans gueuler -- je découvre après avoir écrit ceci qu'il venait d'être interné* > laissent ce vieux beau de Jeffrey Cordova torpiller à ce point leur pièce !



-- This story's a modern version of Faust.



-- Faust ? You're kidding, Jeff.



Pendant 80 minutes, on les voit accepter les lubies du tragédien sabotant leur travail, jusqu'à la claque finale et la consternation du public.


Même l'intérêt indéniable de la découverte des coulisses (recrutement, musique, costumes, accessoires...) et les beaux moments de danse du couple Charisse-Astaire n'empêchent pas de pester contre l'indigence du scénario et le gaspillage des efforts.


À l'issue de la scène des explosions foirées par les machinistes, il faut voir Charisse et Astaire peiner à faire semblant de rire pour finir de se convaincre qu'ils sont à contre-emploi dans cette partie du film.


L'objectif était peut-être justement le contraste, du moins, la temporisation < en attendant de les faire irradier dans le dénouement >, mais n'existait-il pas un autre moyen de les faire briller plus que cela en attendant ce dénouement ? (plutôt que de mettre en valeur le cabotinage de Cordova et le burlesque approximatif)


On nous signifie graduellement que les choix de Cordova sont mauvais, mais, en amont, ce choix de Minnelli < qui fut très impliqué dans l'écriture du scénario > est une erreur. Il fallait solliciter bien plus (et bien mieux) les deux stars !


Pourquoi ne pas avoir consacré la majeur partie du film à la naissance (même dans la douleur) de la comédie telle qu'elle était prévue à l'origine ?!
Tout ce temps passé à nous montrer le montage d'un spectacle qui, on le sait dès le départ, va s'effondrer ! ... au lieu de se concentrer sur la proposition initiale de Lily et Lester.
C'eût été pour Minnelli, qui donc affectionne les secrets de tournage/production, l'occasion de nous dévoiler (subtilement) les hauts et les bas de la vie du théâtre musical.


En outre, le fait que Cyd Charisse soit censée être française mais qu'elle parle anglais à la perfection, n'est-ce pas une occasion manquée de faire rire avec des quiproquos ? Après tout, puisqu'à un moment Fred Astaire chantonne en allemand (sur I Love Louisa), on aurait pu avoir là un clin d'œil, un écho, que sais-je...



I'm sick of Faust. I am sick of this show.



Une demi-heure avant la fin du film, après le fiasco de la version voulue par ce nigaud égotique de Cordova, les protagonistes se promettent (enfin !) de refaire le travail, de revenir au texte original (et à une nouvelle chorégraphie).


À partir de ce moment, quasiment plus de cinéma --- ouf... --- , mais de la comédie musicale (des extraits du nouveau spectacle de la troupe) jouée à Philadelphie, Boston, Washington, Baltimore...


La pièce The Triplets, si elle est fort réussie et fort amusante < trois adultes grimés en nourrissons > décontenance toutefois avec un passage dans lequel chacun souhaite flinguer l'autre pour être l'enfant unique de la famille...



How I wish I had a gun



A [l]ittle gun



It would be fun to shoot the other two



And be only one!



Autres temps, autres mœurs ! Mettre aujourd'hui dans la bouche d'enfants (même virtuels) qu'ils aimeraient une arme pour dessouder la fratrie, ce serait bien problématique...


Idem avec les jacassantes rombières couvertes d'abjectes fourrures ou avec la scène du Noir cireur de chaussures, au début du film. Il vient de recevoir son argent et sautille sur ses genoux, au pied de Fred Astaire.



FINAL PRODIGIEUX



Frida revient s'allonger sous l'écran lorsque commence The Girl Hunt Ballet - A Murder Mystery in Jazz.


Elle sort de sa cachette afin de jouir, elle aussi, d'un spectacle sensationnel < tout en couleurs éclatantes, comme dans le reste du film, mais en mode... film noir > qui fait quasiment oublier la déception des deux premiers tiers.


Dommage en effet qu'il faille attendre les 15-20 dernières minutes du film pour que le magie opère ; pour que l'inventivité, la grâce et le charme explosent et ravissent...


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yaleker
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le 15 mars 2020

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